La lettre gestion du patrimoine

Mai 2015

La qualification juridique de la CSG et de la CRDS clairement établie pour la Cour de justice de l’Union européenne : contribuables à vos réclamations !

Publié le 22 mai 2015 à 14h38

Georges Morisson-Couderc et Sophie Poma-Sokcevic, PwC Société d’Avocats

Le débat relatif à la qualification juridique de la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) a trouvé une suite logique.

Par Georges Morisson-Couderc, avocat associé et Sophie Poma-Sokcevic, avocat, PwC Société d’Avocats

Le débat relatif à la qualification juridique de la contribution sociale généralisée - « CSG » - et la contribution pour le remboursement de la dette sociale - « CRDS » - a trouvé une suite logique.

Dans la continuité des décisions du 15 février 20001, la CJUE a, le 26 février 20152, jugé que la France ne pouvait assujettir aux prélèvements sociaux, les revenus du patrimoine et les revenus de placement perçus par les personnes physiques dont la résidence fiscale est située en France relevant à titre obligatoire d’un régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre.

Pour rappel, en 2000, la CJUE avait déjà jugé que la France ne pouvait assujettir à la CSG et à la CRDS les revenus d’activité et les revenus de remplacement perçus par les personnes relevant à titre obligatoire d’un régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre.

Elle se fondait sur le fait que la CSG et la CRDS présentaient un lien direct et suffisamment pertinent avec la sécurité sociale, du fait qu’elles avaient pour objet spécifique et direct de financer la sécurité sociale française ou d’apurer les déficits du régime général de sécurité sociale français. A ce titre, elle a jugé que, s’agissant des travailleurs concernés, le prélèvement de ces contributions était incompatible tant avec l’interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale (règlement n° 1408/713) qu’avec la libre circulation des travailleurs et la liberté d’expression.

La nouvelle décision de la CJUE, outre les résidents fiscaux de France exerçant une activité salariée dans un autre Etat membre de l’UE assujettis à titre obligatoire au régime de sécurité sociale dans l’Etat de leur lieu d’activité, concerne également les salariés résidents de France exerçant leur activité dans un Etat membre de l’EEE4 et en Suisse5. Par ailleurs, cette solution devrait être transposable en cas d’affiliation à un régime de sécurité sociale d’un pays ayant conclu un accord d’association ou de coopération avec l’UE.

A ce jour, la CJUE n’adopte pas le même raisonnement que le Conseil Constitutionnel qui considère, de longue date, que la CSG et la CRDS entrent dans la catégorie des « impositions de toutes nature »  visées à l’article 34 de la Constitution6.

En effet, la CJUE s’attache plus à la destination finale des deux contributions, même si elles n’ouvrent pas droit à des prestations sociales, et ajoute, par ailleurs, que le fait  que ces contributions soient qualifiées, en France, de prélèvements sociaux est sans incidence sur la nature du prélèvement au regard du règlement européen. 

Le Gouvernement français a pris acte de l’arrêt du 26 février dernier mais a indiqué souhaiter attendre la décision finale du Conseil d’Etat7 avant d’apporter des modifications à sa législation et notamment à la loi 2012-9588 dont l’article 29 a étendu les prélèvements sociaux aux revenus et gains immobiliers de source française réalisés par des non-résidents fiscaux de France. 

En attendant la réaction du Gouvernement français, les contribuables résidents fiscaux de France assujettis à titre obligatoire à un autre régime de sécurité sociale (Etat membre de l’UE, de l’EEE ou Suisse), ont la possibilité de déposer une réclamation préalable à un recours contentieux auprès de leur centre des impôts9 afin de demander le remboursement des prélèvements sociaux prélevés par l’Etat français sur leurs revenus du patrimoine et leurs revenus de placement.

Ces revenus s’entendent pour les résidents fiscaux de France, notamment, des revenus fonciers, des rentes viagères à titre onéreux, des revenus de capitaux mobiliers (produits de placement à revenu fixe, dividendes et produits assimilés), des plus-values mobilières et immobilières, des revenus imposés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles qui ne sont pas assujettis aux prélèvements sociaux au titre des revenus professionnels et des produits de placement soumis à un prélèvement libératoire (bons du Trésor, obligations…).

Concernant les non-résidents fiscaux de France, notons qu’en 2013 la Commission européenne a ouvert deux procédures d’infraction10 contre la France relatives à la CSG et la CRDS prélevées sur les revenus fonciers et sur les plus-values immobilières de source française réalisés par des personnes physiques, fiscalement domiciliées hors de France et dépendantes soit du régime de sécurité sociale d’une autre Etat membre, soit du régime de la Caisse des Français à l’étranger. Par ailleurs, la récente décision de la CJUE devrait également s’appliquer aux revenus du patrimoine et revenus de placement perçus par des non-résidents fiscaux de France. Les revenus concernés sont les revenus fonciers et les plus-values immobilières de source française.

Dès lors, les non-résidents fiscaux de France, en attendant les mesures correctives qui devront être apportées par le Gouvernement français à l’article 29 de la loi 2012-95811, ont également la possibilité d’introduire une réclamation préalable à un recours contentieux afin de demander le remboursement des prélèvements sociaux payés sur leurs revenus ou gains immobiliers de source française dès lors qu’ils sont affiliés à un régime de sécurité sociale étranger d’un Etat membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse. 

Dernière actualité :

Le Conseil d'Etat le 17 avril 2015 (n°365511) sur une autre affaire, vient de suivre la position de la Cour de justice de l’Union européenne.

1. CJUE, 15 février 2000, aff. C-34/98 et C-169/98, Commission / France

2. CJUE, 26 février 2015, aff. C-623/13, Ministre de l’Economie et de Finances / Gérard de Ruyter

3. Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, qui pose l’unicité de la législation sociale applicable et d’interdiction de double cotisation

4. L’accord sur l’EEE a rendu les règles européennes de coordination en matière de sécurité sociale applicables aux territoires de la Norvège, de l’Islande et du Liechtenstein

5. L’accord UE-Suisse sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 ayant permis l’extension des règles européennes de sécurité sociale au territoire et aux ressortissants de la Suisse à compter du 1er juin 2012

6. Cons. Const. 28 décembre 1990 n° 90-285 DC et Cons. Const. 19 décembre 2000 n° 2000-437

7. La nouvelle décision de la CJUE fut rendue suite à une question préjudicielle posée par le Conseil d’Etat

8. Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012

9. Le délai imparti pour présenter une telle réclamation expire le 31 décembre de la seconde année de la mise en recouvrement du rôle (ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement), ou du versement de l’impôt contesté lorsque cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle/avis de mis en recouvrement (article R* 196-1, al.1 LPF). Pour les contestations relatives à l’application des retenues à la source ou des prélèvements, le délai est fixé au 31 décembre de l’année qui suit celle au cours de laquelle ces retenues ou ces prélèvements ont été opérés (article R* 196-1, al. 2 LPF)

10. Aff. N° 2013/4168 et n° 5973-13

11. Une proposition de loi a été déposée auprès de l’Assemblée Nationale le 11 mars 2015 visant à abroger la soumission aux prélèvements sociaux des revenus fonciers et des plus-values immobilières de source français des non-résidents


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