La lettre gestion du patrimoine

Mars 2015

Comment aborder la documentation des prix de transfert dans un contexte BEPS de plus grande transparence ?

Publié le 20 mars 2015 à 16h23

Pierre Escaut, PwC Société d’Avocats

Cette question est à la croisée de deux thèmes d’actualité pour les entreprises qui se traduisent tous deux par une exigence de plus grande transparence de la part des entreprises : d’une part le nouvel environnement fiscal lié aux travaux de l’OCDE sur le BEPS et d’autre part les nouvelles règles de documentation en matière de prix de transfert(9) ; celles-ci sont aujourd’hui plus contraignantes, avec l’obligation depuis l’an passé de remettre annuellement à l’administration fiscale une documentation simplifiée des prix de transfert(10) en plus de la documentation complète qui peut être demandée lors de contrôles fiscaux.

Par Pierre Escaut, avocat associé, PwC Société d’Avocats.

Ces deux sujets sont liés, dans la mesure où le contexte BEPS conduit l’administration fiscale à être plus critique vis-à-vis des éléments d’information qui lui sont communiqués, notamment en ce qui concerne la documentation des prix de transfert.

L’administration ne se contente ainsi plus de s’assurer de la cohérence formelle de la documentation, mais cherche à vérifier la réalité de ce qui y est décrit.

Elle croise les données de la documentation avec d’autres sources publiques d’information, telles que le site internet du contribuable, les informations ayant trait à ses salariés sur des sites sociaux professionnels, la presse spécialisée, les rapports d’analystes financiers ou encore les données relatives aux incorporels disponibles à l’INPI.

Elle recourt par ailleurs plus souvent aux échanges d’information avec d’autres administrations fiscales et pratique aussi de manière plus fréquente les perquisitions.

Avec ces différents moyens d’investigation, l’administration n’hésite plus à remettre en cause les descriptions factuelles de la documentation des prix de transfert.

Dans ce contexte, une documentation des prix de transfert ne peut plus se contenter de décrire un modèle économique, mais doit également apporter des preuves de la réalité des faits sur lesquels elle s’appuie.

 

Comment faire en pratique ?

Il convient en premier lieu de prendre en compte l’objectif poursuivi, c’est-à-dire la justification du modèle économique et de la méthode de prix de transfert qui en découle.

Cela implique d’apprécier de manière relative le rôle de l’entité française considérée et celui des entités étrangères, en analysant leurs contributions respectives à la création de valeur ajoutée, dans la lignée de ce que prévoit l’OCDE dans le cadre de ses travaux sur le BEPS.

Il est par ailleurs important de pouvoir montrer que ce qui est décrit dans la documentation est effectif. Cette démonstration sera facilitée si la société a prévu, pour garantir l’effectivité de son modèle économique, des rôles et des responsabilités clairs pour le personnel impliqué dans la chaîne de valeur. Dans le même esprit, l’existence de procédures internes et d’un contrôle interne aideront à établir que les méthodes de prix de transfert décrites dans la documentation sont effectivement appliquées.

Si l’on prend l’exemple de flux de produits vendus par une société française à une filiale de distribution étrangère ayant une marge nette garantie, les pratiques antérieures consistaient à décrire de manière littéraire les fonctions, risques et actifs, à présenter la méthode de prix de transfert, et à justifier le taux de marge nette de la filiale étrangère sur la base d’une étude de comparables.

Pour justifier le fait que la filiale étrangère a une marge nette garantie, il est important de montrer que c’est la société française qui a un rôle d’entrepreneur dans la chaîne de valeur et doit donc supporter le risque de marché, et que corrélativement, la société étrangère a des fonctions limitées. Dans ce but, le renforcement de la documentation pourra consister à montrer en quoi la société française a effectivement un rôle d’entrepreneur compte tenu des process mis en place pour les prises de décision, en matière par exemple de budget ou de politiques commerciales et marketing. Des exemples de décisions prises par la société française dans ces différents domaines pourront être apportés.

En conclusion, dans le contexte BEPS qui se traduit par un durcissement des contrôles fiscaux et l’attente par l’administration de plus de transparence de la part des entreprises, il convient de revoir la façon de communiquer sur les prix de transfert avec une approche plus concrète que par le passé. La documentation des prix de transfert, qui constitue en pratique le premier élément analysé par l’administration dans le cadre d’un contrôle fiscal, ne doit ainsi pas s’appréhender comme un simple exercice formel de «compliance» mais plutôt comme le moyen d’apporter les preuves que le modèle économique est justifié. Une telle approche sera plus à même de convaincre l’administration du bien-fondé des prix de transfert et réduira les risques de redressement. 

9. La documentation des prix de transfert est un rapport économique qui a pour objet de justifier les prix de transfert.

10. Cela concerne principalement les sociétés ayant un chiffre d’affaires ou un actif brut de plus de 400 millions d’euros, mais aussi celles détenues à plus de 50 % (directement ou indirectement) par des actionnaires dépassant ces seuils, et celles détenant à plus de 50 % (directement ou indirectement) des filiales dépassant ces seuils.

 


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