La lettre gestion du patrimoine

Mars 2015

Quelles contreparties à une transparence accrue pour les entreprises internationales ?

Publié le 20 mars 2015 à 16h01

Renaud Jouffroy, PwC Société d’Avocats

Enrayer l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS, selon l’acronyme anglais) est devenu une priorité pour les pouvoirs publics un peu partout dans le monde. Les pays de l’OCDE et du G20 ont adopté un plan d’action identifiant 15 mesures visant à lutter contre BEPS autour de trois thèmes : restaurer la cohérence des règles fiscales internationales, réaligner les règles d’imposition sur la substance économique et améliorer la transparence des informations. C’est autour de ce maître mot, la transparence, que semble s’articuler désormais la fiscalité internationale.

Par Renaud Jouffroy, avocat associé, PwC Société d’Avocats.

Les entreprises multinationales devront bientôt faire face à de nouvelles obligations en matière de communication mondiale d’informations financières et fiscales à destination des administrations fiscales. Une obligation de reporting fiscal pays par pays, mieux connu sous le terme anglais de «Country By Country Reporting» (CBCR), s’ajoutera aux obligations en matière de documentation sur les prix de transfert, vraisemblablement pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016. L’Espagne et le Royaume-Uni ont déjà inclus des dispositions visant à l’introduction du CBCR dans leur législation nationale.

La législation FATCA (pour «Foreign Account Tax Compliance Act») est née quant à elle en réaction à la découverte, au milieu des années 2000 de procédés visant à dissimuler l’existence de revenus au fisc américain impliquant des banques suisses. Les Etats-Unis ont alors créé un dispositif permettant d’imposer l’ensemble des revenus mondiaux de leurs contribuables sur la base de renseignements fournis par les institutions financières, situées à l’extérieur de leur territoire, tenant les comptes de ces contribuables. Sont donc concernés l’ensemble des établissements non américains, y compris ceux qui font partie de groupes non financiers, susceptibles de détenir des informations concernant des avoirs ou des flux financiers bénéficiant à des contribuables américains. L’OCDE a décidé d’emboîter le pas au gouvernement américain en proposant une nouvelle norme multilatérale d’échange de renseignements relatifs aux comptes financiers (CRS pour «Common Reporting Standard»). Cette norme a déjà été adoptée par une cinquantaine de pays le 29 octobre 2014. La France s’est engagée à mettre œuvre les premiers échanges automatiques de renseignements avant septembre 2017.

Ces obligations de transparence obligent les groupes à aborder leur documentation de prix de transfert de manière moins statique en justifiant davantage les preuves du modèle économique décrit.

C’est peut-être autour du contrôle fiscal que les nouvelles pratiques et règles visant à conduire à plus de transparence sont d’ores et déjà les plus criantes. Les demandes d’assistance administrative internationale adressées par les autorités fiscales françaises ont été multipliées par huit au cours des quatre dernières années. L’exercice du droit de communication au bénéfice de l’administration fiscale est depuis la loi de finances rectificative pour 2014 élargi aux informations relatives à des personnes non identifiées, et les documents devant être communiqués peuvent désormais couvrir tous ceux relatifs à l’activité de l’entreprise concernée. On ne pouvait faire plus vague et plus large.

Du côté des Etats aussi plus de transparence est requis. La lutte contre les pratiques fiscales dommageables reprend vigueur. Les travaux de l’OCDE relatifs aux régimes fiscaux en faveur de la recherche ou de la propriété intellectuelle sont désormais examinés à l’aune de la «nexus approach», qui tend à conditionner le bénéfice des régimes de faveur à la localisation effective des opérations de recherche dans l’Etat qui les octroie, pouvant amener les groupes à réfléchir aux accords de répartition de coûts comme un moyen permettant d’articuler mieux la recherche avec cette exigence de substance locale.

Au niveau de l’UE c’est surtout autour des rulings fiscaux que se focalise la transparence. En février dernier, le Parlement européen a créé une commission spéciale sur les rescrits fiscaux chargée d’analyser cette pratique et la manière dont la Commission applique la législation sur les aides d’Etat. La Commission a inscrit dans son programme de travail 2015 une proposition de directive relative à l’échange obligatoire d’informations en matière de rulings transfrontières.

Les grandes entreprises se disent prêtes à répondre à ce besoin de transparence à la condition qu’il y ait des contreparties, notamment une plus grande stabilité et sécurité juridique et fiscale. Cependant, il faudra sans doute attendre encore quelques années avant d’atteindre cet objectif. En effet, les principaux leviers de détermination de l’assiette imposable sont amenés à subir de profondes modifications dans les prochaines années. Au-delà des régimes en faveur de la propriété intellectuelle ou des règles relatives aux prix de transfert, la déduction fiscale des charges financières est amenée à être revisitée, notamment par l’adoption plus fréquente de ratios déterminés aux bornes du groupe (radio d’endettement externe mondial notamment). De même, la notion de présence taxable dans un pays ou d’établissement stable pourrait être considérablement élargie sans que la base imposable à attribuer à ce dernier soit clairement définie. Enfin, l’appel à insérer des clauses anti-abus, souvent aux définitions floues, se fait de plus en plus fréquemment.

Il est donc à craindre que les contribuables n’aient qu’une seule certitude, celle de devoir se préparer à vivre, au cours des prochaines années, une période de plus grande instabilité juridique et fiscale. 


La lettre gestion du patrimoine

Présence taxable dans un Etat : les contours de l’établissement stable pourraient bien s’élargir

Michel Combe, PwC Société d’Avocats

Dans le cadre de ses travaux relatifs à l’érosion des bases imposables et le transfert de bénéfices, l’OCDE a lancé une action dite action 7 dont le titre est «Empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable». L’objectif recherché au travers de cette action est défini comme suit : modifier la définition de l’établissement stable de manière à empêcher qu’une installation puisse échapper artificiellement à ce statut, notamment par l’utilisation d’accords de commissionnaire et le recours aux exemptions dont bénéficient des activités spécifiques.

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