La lettre gestion des groupes internationaux

Octobre 2016

BEPS et documentation des prix de transfert : une approche fondamentalement rénovée

Publié le 7 octobre 2016 à 10h17    Mis à jour le 7 octobre 2016 à 17h10

Jamila Benbrik, PwC Société d’Avocats

Dans un contexte de multiplication des réglementations nationales et d’intensification des contrôles fiscaux portant sur les questions de prix de transfert, les pays de l’OCDE, en concertation avec le G20, ont décidé de définir un cadre juridique homogène en matière de documentation des prix de transfert.

Par Jamila Benbrik, collaboratrice, PwC Société d’Avocats

Les travaux de l’OCDE sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices («projet BEPS») ont abouti à l’adoption, en décembre 2015, d’un rapport intitulé «Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays» (Action 13), qui remplace le chapitre V «Documentation» des Principes de l’OCDE. Il s’agit d’une refonte du contenu de l’obligation documentaire à la charge des entreprises multinationales, à travers une approche tripartite : un fichier principal («master file»), un fichier local («local file») et une déclaration pays par pays («country-by-country reporting» ou «CbCr»).

Au regard des obligations accrues pesant sur les entreprises multinationales, l’Action 13 du projet BEPS se fait l’écho des préoccupations des pouvoirs publics quant aux questions de transparence fiscale.

L’objectif principal des travaux de l’OCDE est de permettre aux administrations fiscales de disposer en temps opportun, c’est-à-dire dès le début et même avant le commencement d’un contrôle fiscal, d’informations pertinentes et fiables en vue d’une analyse approfondie en matière de prix de transfert. A cet égard, le CbCr apporte une vision globale de la répartition du revenu, de l’activité économique et des impôts payés dans chaque juridiction de résidence du groupe multinational concerné. Par ailleurs, l’OCDE introduit une analyse de la chaîne de valeur dans le cadre du master file, afin de pouvoir identifier les entités qui exercent des fonctions clés, supportent des risques significatifs et détiennent des actifs importants pour l’activité économique du groupe.

Néanmoins, la nouvelle définition de la documentation des prix de transfert offre également aux entreprises multinationales la possibilité d’évaluer et de contrôler en amont les risques fiscaux liés à leur politique de prix de transfert.

L’OCDE souhaite imposer une documentation contemporaine, mise à jour chaque année, et pouvant être utilisée par les entreprises comme un instrument de planning fiscal. Les contribuables sont incités à réfléchir en amont à la cohérence de leurs décisions en matière de prix de transfert au regard du principe de pleine concurrence. La bonne pratique recommandée par l’OCDE consisterait à finaliser le fichier local au plus tard à la date de dépôt de la déclaration fiscale. En adoptant une attitude proactive, les groupes multinationaux pourraient ainsi éviter de devoir justifier a posteriori leur politique de prix de transfert, dans le cadre d’un éventuel contrôle fiscal.

L’esprit du nouveau chapitre V met en évidence la volonté de l’OCDE de garantir une certaine sécurité juridique dans les relations entre le contribuable et l’administration fiscale.

Le rapport souligne la nécessité de trouver un juste équilibre entre l’intérêt de l’administration et celui du contribuable : d’après l’OCDE, l’obligation de communiquer aux services fiscaux des informations nécessaires et utiles ne peut justifier de faire peser sur les sociétés des coûts disproportionnés liés à la production ou à la traduction de tels documents.

Par ailleurs, les Etats sont invités à appliquer les recommandations de l’OCDE de façon cohérente et concertée. La mise en œuvre du nouveau dispositif de documentation des prix de transfert suppose, d’une part, la modification des législations et procédures administratives nationales et, d’autre part, l’utilisation des dispositifs conventionnels prévoyant la coopération et l’échange d’informations entre les administrations fiscales. A cet égard, l’OCDE entend assurer un suivi auprès des différentes juridictions fiscales et prévoit de réaliser un bilan de l’Action 13 du projet BEPS en 2020.

En outre, la question de la transposition des recommandations OCDE en droit interne représente un enjeu majeur pour la confidentialité des renseignements transmis par les sociétés.

L’OCDE rappelle aux administrations fiscales qu’elles ont une obligation de moyens concernant la protection des données commercialement sensibles qui peuvent figurer dans le master file, le local file et le CbCr. Dans le cadre de l’échange automatique des fichiers entre administrations fiscales, le secret des données est couvert par l’article 22 de la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.

Il convient de s’interroger sur la portée du projet de loi Sapin 2 en date du 30 mars 2016 et de la directive de la Commission européenne en date du 12 avril 2016 (2016/0117), qui tendent à imposer aux entreprises de publier les données de leur CbCr via leur rapport annuel ou leur site Internet. Il est évident qu’une telle publication aurait un impact sur la compétitivité des entreprises concernées, puisque leurs concurrents auraient accès publiquement à des informations stratégiques.


La lettre gestion des groupes internationaux

Déclaration pays par pays : vers une mise en œuvre au niveau mondial

Xavier Sotillos Jaime, Cathaline Batier et Mike Marchais, PwC Société d’Avocats

La déclaration pays par pays (en anglais «CbCR» pour «Country by Country Reporting») auprès de l’autorité fiscale du pays dans lequel est situé le siège du groupe multinational a été adoptée par la France, l’Union européenne ainsi que de nombreux pays. Par ailleurs, une convention multilatérale pour l’échange automatique d’informations relatives à ces déclarations pays par pays a été signée cet été. Cet échange automatique se fera entre les autorités fiscales de plus de 40 pays signataires, dont les Etats membres de l’Union européenne, la Suisse, la Chine, l’Inde, le Japon, le Canada ou l’Australie. En revanche, ni les Etats-Unis ni la Russie n’ont à ce jour signé cette convention.

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