La lettre gestion des groupes internationaux

Avril 2013

La relation de confiance : quelles perspectives pour le projet de l’administration fiscale ?

Publié le 10 mars 2014 à 11h55    Mis à jour le 12 mars 2014 à 9h58

Philippe Durand

L’administration fiscale française a présenté récemment son projet de «relation de confiance». Les éléments de contexte international sur ce projet viennent d’être évoqués. Quel en sera le contenu ? Peut-on en envisager d’ores et déjà les perspectives ?

Par Philippe Durand, avocat associé, cabinet Landwell & Associés.

Le projet repose sur la mise en place d’un système de revue des projets de déclarations fiscales des entreprises, préalable à leur dépôt, selon une formule qui évoque la revue des commissaires aux comptes. Les entreprises volontaires, y compris des PME, concluraient avec l’administration fiscale un «contrat» qui permettrait, dans le cadre de cette revue préalable de leurs déclarations fiscales effectuée avec l’administration, d’obtenir une sorte de validation a priori. Du fait de cette validation, les entreprises, pour autant qu’elles suivent l’analyse de l’administration fiscale, seraient assurées que les solutions retenues ne seraient pas remises en cause par un contrôle fiscal ultérieur. Ce dispositif leur permettrait en outre d’obtenir une réponse rapide en cas d’incertitude quant au traitement fiscal de certaines opérations. Pour parvenir à ce résultat, les entreprises concernées devraient bien sûr s’engager à apporter à l’administration tous les éléments d’information nécessaires.

Elles ne seraient pas tenues d’adopter les solutions préconisées par l’administration mais, si celle-ci maintient son analyse après un second examen, l’entreprise devrait assumer les conséquences de son refus, comme elle l’aurait fait en cas de contrôle fiscal. Les agents de l’administration en charge de cette mission, en principe deux par entreprise, ne seraient pas ceux appelés à la vérifier le cas échéant. Il pourrait être mis un terme à la relation à l’initiative de l’une ou l’autre partie. Il n’est pas envisagé de texte législatif pour mettre en œuvre ce projet. Peut-on, dès à présent, tenter d’apprécier les chances de succès de l’expérimentation ? Il semble à tout le moins possible de relever certaines difficultés. La première interrogation concerne l’identité des entreprises candidates. La défiance de beaucoup de grands groupes français vis-à-vis de l’administration fiscale constituera un obstacle. On peut certes imaginer que certaines d’entre elles soient volontaires parce qu’elles pensent avoir des choses à se faire pardonner : elles tenteraient ainsi d’améliorer leur mauvaise image, vis-à-vis de l’administration ou de l’opinion publique.

C’est toutefois un profil que l’administration souhaiterait éviter : la procédure est davantage conçue pour alléger les contrôles d’entreprises sans histoire que pour traiter le cas de contribuables «mal notés» et pour lesquels les vérifications devraient, de son point de vue, conserver un caractère approfondi. On peut également imaginer que les entreprises proches de l’Etat, notamment celles qu’il contrôle, soient vivement incitées à participer à l’expérimentation : ce serait probablement une erreur car, au moment du bilan, ce volontariat forcé risquerait de nuire au jugement qui pourra être porté sur le résultat de l’expérience. Enfin, autre catégorie possible de recrutement : certaines PME dont le souci de sécurité juridique l’emporterait sur la défiance. Il est bien sûr prématuré d’identifier qui seront les volontaires ; on perçoit néanmoins le risque qu’ils se recrutent soit en dehors du cœur de cible souhaité, soit parmi des entreprises qui ne seraient pas les meilleurs porte-paroles du succès de l’opération.

Autre difficulté pour l’administration : l’efficacité de la procédure sera établie si de nouveaux candidats se présentent, ce qui passe par la capacité des fonctionnaires participant à cette mission à en assurer le succès. Si la démarche semble échouer en Australie ou en Nouvelle-Zélande, c’est parce que les entreprises y reprochent aux agents du fisc de rester dans une posture répressive de vérificateur au lieu de les aider à sortir de l’insécurité juridique. Ce sera donc un défi fort pour l’administration française que d’identifier les agents capables de réussir cette mutation culturelle.L’efficacité, du côté public, consistera à démontrer que le contrôle fiscal peut y gagner en qualité et en productivité. Or la démarche sera suivie avec circonspection par les juges, qu’il s’agisse du juge de l’impôt, parce qu’elle n’a pas de base légale, ou de la Cour des comptes, en tant que juge de l’efficacité administrative ; sans oublier les syndicats de fonctionnaires, réticents à l’égard de ce qui pourrait légitimer des réductions d’effectif.

Etablir cette efficacité sera d’autant plus compliqué que la démarche ne devrait pas se traduire par une amélioration des résultats du contrôle fiscal, au contraire puisque l’objectif est que l’impôt soit payé spontanément. L’administration risque de rencontrer des difficultés pour mettre en place des outils de gestion mettant clairement en évidence les résultats concrets de la démarche. Pourtant, le contrôle fiscal se doit d’évoluer. La situation des finances publiques ne permet plus d’accroître les moyens humains du contrôle fiscal ; quant à l’accroissement de ses moyens techniques et juridiques, il ne semble plus pouvoir contribuer que marginalement à en améliorer l’efficacité : l’empilement des textes anti-abus alimente surtout la défiance, notamment celle des étrangers, et peut même nuire à la crédibilité de ces dispositifs. Evoluer est donc une obligation. Enfin, il est évident que la «relation de confiance» n’est qu’un des moyens parmi d’autres pour aller vers une meilleure acceptation de l’impôt et une plus grande efficacité des contrôles. Ce projet ne dispense donc pas le législateur de se préoccuper davantage de la simplification et de la stabilisation des normes fiscales.


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La contractualisation des relations entre l’administration fiscale et les entreprises : quel contexte ?

Philippe Durand

L’administration fiscale française souhaite entrer, à son tour, dans une démarche de contractualisation de la relation avec les entreprises-contribuables déjà expérimentée dans d’autres pays de l’OCDE : Royaume-Uni, Pays-Bas, Espagne, Etats-Unis, Australie ou Nouvelle-Zélande notamment. Quel est le contexte de ce projet baptisé «relation de confiance» ?

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