La lettre gestion des groupes internationaux

Crise sanitaire

Fiscalité internationale : le monde d’après

Publié le 26 juin 2020 à 11h29    Mis à jour le 26 juin 2020 à 17h32

Par Chaïd Dali-Ali et Renaud Jouffroy

L’impact de la Covid-19 sur l’économie mondiale se fera également sentir sur les transactions intragroupe à l’international.

Par Chaïd Dali-Ali, avocat associé et Renaud Jouffroy, avocat associé, PwC Société d’Avocat

En effet, si la réglementation relative aux prix de transfert vise à une répartition des profits entre les entités qui composent le groupe, dite «de pleine concurrence», il est probable qu’elle n’ait pas spécifiquement anticipé des événements exceptionnels de grande ampleur tels que la dépression générée par la crise sanitaire, laquelle pourrait se traduire par des pertes consolidées sur une période indéterminée.

De fait, et comme l’illustre une récente consultation de l’OCDE1 sur le sujet, l’impact de la crise et son traitement au plan des prix de transfert semblent incertains en l’état actuel des règles applicables.

A cet égard, l’entreprise aura à faire face à certaines problématiques pratiques, à court comme à long terme, notamment de trois ordres.

En premier lieu se posera la question de la répartition des pertes au sein du groupe dans le cadre strict de la politique de prix de transfert qu’il applique. Nous verrons ici que les possibilités d’opérer une telle répartition varient considérablement, principalement en fonction du modèle et des méthodes de prix de transfert mises en œuvre par le groupe.

En second lieu, l’entreprise pourrait choisir de modifier la répartition des risques et pertes par des aménagements touchant à ses prix de transfert, voire par des mesures plus radicales telles qu’un changement de modèle ou de politique. Nous verrons qu’une telle approche devra être mesurée avec attention compte tenu de ses conséquences fiscales et opérationnelles potentiellement lourdes.

Enfin, la crise économique se diffuse également sur les marchés financiers et, par effet domino, impactera les transactions financières intragroupe. Sur ce plan du financement interne, des mesures de court comme de long terme pourront également être envisagées.

En ce qui concerne la recherche & développement et les actifs incorporels, alors que les premières options pour le régime de faveur des brevets et actifs assimilés de l’article 238 du Code général des impôts viennent d’être formulées en France par les entreprises, nous analyserons brièvement dans quelle mesure les obligations documentaires peuvent être sources de contraintes mais également d’opportunités.

Les dispositifs transfrontières potentiellement agressifs ou abusifs doivent désormais faire l’objet de déclarations systématiques aux autorités fiscales (réglementation «DAC 6») lorsqu’ils répondent à certaines caractéristiques, dites «marqueurs». Nous évoquerons quelques précisions intéressantes apportées par l’administration fiscale dans ses récents BOFiP relatives à ces marqueurs et un certain nombre de difficultés d’interprétation restant à résoudre quant à ces nouvelles règles.

Le juge aussi fait évoluer grandement les règles du jeu fiscal. Le 3 avril 2020, près de quatre ans après la fameuse décision Société Metro Holding France SA, le Conseil constitutionnel a rejeté deux questions prioritaires de constitutionnalité visant à sanctionner une discrimination à rebours résultant du traitement fiscal différent de plus-values réalisées par des particuliers et placées en report d’imposition. Pour la première fois, il a jugé qu’une discrimination à rebours «chimiquement pure», c’est-à-dire une discrimination au titre de laquelle des situations nationales peuvent être traitées moins favorablement que des situations intra-UE, n’est pas en soi contraire au principe d’égalité devant la loi. Sans être totalement fermée, la voie du contrôle constitutionnel des discriminations à rebours semble se rétrécir. Toutefois, des arguments demeurent pour espérer qu’un contrôle conventionnel des discriminations à rebours par le Conseil d’Etat serait possible, notamment sur le fondement de la Charte des droits fondamentaux.

Sur ce terrain, au cours des trois dernières années, la haute juridiction a sanctionné plusieurs dispositions fiscales considérées comme discriminatoires sur le fondement de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), donnant ainsi un regain d’intérêt à l’invocation de telles dispositions devant le juge administratif. De manière inédite, le Conseil d’Etat, dans sa décision récente Primopierre du 10 mars 2020 statuant dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, a ainsi sanctionné une amende fiscale considérée comme disproportionnée sur le seul fondement de l’art. 1er du premier protocole additionnel à la CESDH.

1. Organisation pour la coopération et le développement économique – juin 2020.


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Au cours des trois dernières années, le Conseil d’Etat a sanctionné plusieurs dispositions fiscales considérées comme discriminatoires sur le fondement de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales («CESDH») donnant ainsi un regain d’intérêt à l’invocation de telles dispositions devant le juge administratif.

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