La lettre gestion des groupes internationaux

Novembre 2015

Publication des rapports définitifs BEPS : fin de la récréation fiscale ?

Publié le 20 novembre 2015 à 14h59

Renaud Jouffroy, PwC Société d’Avocats

Le 5 octobre restera-t-il comme une date clé de l’histoire de la fiscalité internationale, comme le suggère le G20, ou comme l’aboutissement d’un exceptionnel exercice de communication, selon les propos de certaines ONG ?

Par Renaud Jouffroy, avocat associé, PwC Société d’Avocats

Après deux dans de travaux intensifs menés tambour battant, l’OCDE a publié ses rapports finaux destinés à élaborer le cadre d’une réforme en profondeur des règles fiscales internationales.

Les objectifs poursuivis par l’OCDE sous l’impulsion politique du G20 visent à combattre l’érosion des bases imposables et les transferts de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting ou BEPS) auxquelles se livreraient les sociétés multinationales dans un contexte économique toujours plus mondialisé. Le manque à gagner pour les Etats serait de l’ordre de 100 à 240 milliards de dollars. Manne ou mirage en période de disette budgétaire ? Il est rappelé que les Etats ont leur part de responsabilité dans cet état de fait, les uns parce qu’ils ont délibérément mis en place des régimes destinés à inciter leurs entreprises à se développer à l’étranger, les autres parce qu’ils ont essayé d’attirer chez eux des opérations sans exiger la substance qui aurait dû accompagner celles-ci (les pratiques discriminatoires).

Révolution ou simple adaptation aux récents développements de l’économie ?

Les 13 rapports publiés autour des trois piliers que sont la substance, la cohérence et la transparence fournissent aux Etats des outils plus efficaces pour leur politique fiscale nationale et des règles du jeu qui se veulent équitables pour les entreprises. Un travail colossal a été accompli, les objectifs sont ambitieux mais pour autant la réforme proposée s’avère pragmatique car sans réelle rupture avec le modèle actuel. La base imposable mondiale ne sera pas répartie sur la base de critères fixes (du type ACCIS préconisé par l’UE ou réforme souhaitée par certaines ONG), le principe de pleine concurrence est confirmé, le triptyque «fonctions/risques/actifs» dans l’analyse de la chaîne de valeur est maintenu. Ce maintien des principes actuels se fait cependant au prix de propositions qui pourraient s’en écarter assez fortement tels que la notion de «transaction commercialement irrationnelle», le recours à l’analyse ex post pour les incorporels difficiles à évaluer ou la non-prise en compte des transactions ne reflétant pas la «réalité fonctionnelle» des opérations.

Les pays se sont engagés à adopter ce train de mesures proposées à plus ou moins court terme sous la pression d’un contrôle de suivi par les pairs («peer review»), notamment en ce qui concerne les nouveaux «standards» que sont les mesures destinées à lutter contre l’utilisation abusive des traités, la déclaration pays par pays, la lutte contre les pratiques fiscales discriminatoires et l’amélioration du règlement des différends. Surtout, on peut s’attendre à ce que les administrations fiscales utilisent immédiatement les approches retenues par ces rapports dans leurs contrôles et notamment en matière de prix de transfert. Enfin la convention multilatérale sur laquelle travaillent actuellement plus de 90 pays pourrait être soumise à la signature des Etats dès 2016. C’est en ce sens que le directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE annonçait la fin de la «récréation fiscale» à l’occasion de la publication des rapports définitifs.

Il restera bien sûr à confirmer la conformité des règles proposées avec les règles nationales supérieures ou aux règles européennes. Il serait souhaitable à cet égard que les règles anti-abus aux contours peu précis soient amendées pour procurer davantage de clarté et de sécurité juridique au contribuable. De même on peut s’interroger sur la conception très nationale du Nexus dans l’analyse des «patent boxes».

Savoir s’il y aura un avant et un après le 5 octobre 2015 dépendra sans doute de la volonté politique des Etats. Il n’empêche que les entreprises ont intérêt, d’ores et déjà, à analyser en détail les conséquences de ces rapports BEPS, illustrées dans les quelques pages qui suivent, et à réfléchir aux réponses appropriées car les vérificateurs n’attendront pas pour mettre en œuvre les concepts de cette nouvelle boîte à outils.


La lettre gestion des groupes internationaux

Règlement des différends fiscaux : et si tout finissait bien ?

Marie-Laure Hublot, PwC Société d’Avocats

Dans le contexte du projet BEPS, on aurait pu craindre que la double imposition soit désormais considérée comme une double peine légitime pour les groupes qui auraient manqué de «civisme fiscal» et que, de ce fait, le débat autour de l’amélioration des mécanismes de résolution des différends soit occulté. Fort heureusement, l’OCDE, ayant pris acte du fait que l’interprétation et l’application des nouveaux principes résultant de ses travaux sont susceptibles de multiplier les situations de double imposition, a inscrit à son programme l’action 14, qui vise à renforcer l’efficacité des procédures de règlement des différends fiscaux.

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