La lettre gestion des groupes internationaux

Novembre 2015

Vers la fin du levier financier à effet fiscal ?

Publié le 20 novembre 2015 à 15h36

Hélène Rives, PwC Société d’Avocats

«L’argent est mobile et fongible», affirme dès sa première ligne le rapport de l’action 4 du BEPS sur les financements. Selon l’OCDE, cette mobilité a permis aux multinationales de localiser leur dette opportunément, avec des leviers forts dans les pays à pression fiscale lourde, générant des intérêts supérieurs à ceux que des tiers auraient acceptés ou encore utilisant des prêts intragroupes pour obtenir une déconnexion entre les lieux de réalisation de profit et leur taxation.

Par Hélène Rives, avocat associée, PwC Société d’Avocats

Tous les travaux du BEPS abordent le sujet du financement et les actions 2 et 4 s’attaquent plus spécifiquement à l’utilisation du levier financier classique et aux structures hybrides. Ils recommandent aux Etats des modifications substantielles afin de ne plus voir prospérer les schémas financiers à levier fiscal.

Les travaux de l’OCDE sur les montages hybrides et les charges financières ont déjà modifié et vont continuer de modifier les pratiques et les législations sur les traitements de la dette, les opérations de financement et d’investissement.

Qu’est-ce que cela va changer pour les entreprises ?

Les règles sur les instruments et les entités hybrides en faveur de la cohérence fiscale sont celles qui sont déjà et vont être le plus largement adoptées.

La France a pris depuis deux ans le peloton de tête avec la modification du régime mère-fille pour les dividendes déduits dans les pays de la source et les régimes anti-hybrides sur les intérêts.

Même si le consensus est fort sur ce sujet, sa mise en œuvre déjà entamée ne sera pas simple. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les travaux fouillés du rapport 2 sur la lutte contre les schémas hybrides : 300 pages illustrant 80 exemples de schémas hybrides à effet fiscal et 150 pages de recommandations aux Etats pour mettre en œuvre des dispositifs législatifs visant à éviter les situations hybrides où un paiement, déduit dans le pays de la source, pourrait ne pas être taxé dans le pays du bénéficiaire, par exemple comme certains prêts participatifs ou des actions de préférence remboursables. L’articulation des dispositifs législatifs se veut mécanique, sans analyse du motif ou de l’objectif de la structure avec «la règle primaire» en général (refuser la déduction) et «la règle de sauvegarde» (à savoir refuser l’exonération). Elles sont, cas par cas, très précisément décrites par les travaux de l’OCDE. Ces règles vont nécessiter des ajustements complexes et l’OCDE fait un lien très net entre la cohérence et la nécessaire transparence, l’échange d’informations entre Etats, afin d’éviter que des situations de totale exonération ne deviennent des situations de double imposition ou de double non-déduction.

Les travaux sur la déduction des intérêts présentent des recommandations aux Etats, issus de benchmarks des dispositifs législatifs en vigueur dans le monde et de leurs effets économiques.

Le ratio de couverture d’intérêts (maximum d’intérêts/Ebitda) est celui qui est finalement recommandé par l’OCDE, avec force flexibilité dans sa mise en œuvre :

– un corridor entre 10 et 30 % de l’Ebitda ;

– la possibilité de maintenir des règles de minimis pour les sommes en jeu les plus faibles ;

– la recommandation de règles permettant le report en avant des intérêts non déduits (pour refléter la volatilité des résultats de l’entreprise) ;

– la mise en œuvre du dispositif par entité ou pour les entités d’un même pays ;

– une clause de sauvegarde à travers un ratio groupe (toujours de couverture d’intérêt par rapport à l’Ebitda) destinée à préserver la déduction des intérêts pour les activités à plus fort levier financier.

Selon nos informations, le régime complet et déjà complexe applicable en France ne devrait pas être amendé pour refléter la préférence de l’OCDE du ratio de couverture d’intérêt sur résultats sur celui des dettes sur capitaux propres, largement accessible en France.

Point important cependant, les Etats sont incités par l’OCDE à introduire des mesures anti-abus pour lutter contre un contournement des règles de couvertures d’intérêt... Une recommandation que l’on retrouve déjà dans l’attitude de l’administration lors des contrôles suivis, dans des décisions récentes, par le comité des abus de droit sanctionnant des montages comptablo-fiscaux visant à respecter les ratios dette/capital en France.

Les aspects prix de transfert des financements, des précisions sur les modalités de calcul du ratio groupe et également sur la situation des banques sont attendus pour 2016.

Clairement, les changements sont en marche et la marche se poursuit. Point très sensible pour les entreprises françaises : les intérêts notionnels sont expressément exclus des travaux du BEPS mais leur cas est annoncé comme le prochain sujet d’attention des travaux de l’OCDE... Point à suivre !


La lettre gestion des groupes internationaux

Concurrence fiscale dommageable : le critère du «Nexus» en matière de R&D fait une victime française !

Emmanuel Raingeard de la Blétière, PwC Société d’Avocats

Depuis quelque temps déjà les régimes de «patent box» (termes employés généralement pour désigner les régimes dérogatoires et favorables de taxation des brevets) sont sur le devant de la scène. L’OCDE, en septembre 2015, a adopté son rapport sur la concurrence fiscale dommageable (l’«action 5») lequel apporte une solution à la concurrence que se livrent les Etats sur ce terrain (tout en ayant vocation à s’appliquer à d’autres régimes préférentiels) : l’organisation lie tout avantage fiscal à la «substance». Ce rapport soulève un certain nombre de problématiques.

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