La lettre gestion des groupes internationaux

Mai 2016

L’importance des programmes de conformité en droit de la concurrence

Publié le 27 mai 2016 à 10h01    Mis à jour le 27 mai 2016 à 18h32

Edith Baccichetti et Claire Rey, PwC Société d’Avocats

Ces dernières années, les sanctions pécuniaires infligées par les autorités de concurrence ont atteint des montants très importants.

Par Edith Baccichetti, avocate associée, et Claire Rey, avocate, PwC Société d’Avocats

Les enjeux pour les entreprises

Ces dernières années, les sanctions pécuniaires infligées par les autorités de concurrence ont atteint des montants très importants. L’Autorité de la concurrence a, par exemple, infligé des amendes de plus de 1 milliard d’euros en 2014 et de plus de 200 millions d’euros au premier semestre 2015. Ce risque financier est accru par le recours fréquent aux systèmes de clémence conduisant à une «dénonciation» des pratiques auprès des autorités. De plus, la publicité relative aux décisions rendues porte préjudice à l’image des sociétés concernées.

Par ailleurs, les actions en dommages et intérêts intentées à l’encontre des entreprises condamnées pour pratiques anticoncurrentielles devraient encore se développer. En effet, la loi Hamon du 17 mars 2014 a introduit les actions de groupe en France. De plus, le projet de loi Sapin 2 en cours devrait conduire à la transposition de la directive européenne du 26 novembre 2014 relative aux actions en dommages et intérêts.

Enfin, les personnes physiques ayant pris frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles peuvent être poursuivies sur le plan pénal même si les cas de condamnations pénales restent, à ce jour, isolés.

Dans ce contexte, les entreprises, encouragées par la pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence et son document-cadre sur les programmes de conformité au droit de la concurrence du 10 février 2012, se dotent de plus en plus fréquemment de programmes de conformité.

Pour l’Autorité de la concurrence, l’adoption de ces programmes représente un élément important d’anticipation, de maîtrise et de gestion de ces différents risques. Il s’agit de créer une culture de «compliance concurrence» au sein de l’entreprise, de prévenir les risques d’infraction et de récidive, de détecter et de traiter les cas d’infraction n’ayant pu être évités.

La mise en place d’un programme de conformité efficace représente, en pratique, une véritable opportunité pour les entreprises tant à titre préventif que curatif. Les retours d’expériences témoignent des retombées positives en termes de sécurité juridique, d’image et d’éthique, de limitation de l’exposition au risque concurrentiel et de réduction des amendes encourues.

Les incidences des programmes de conformité sur les sanctions

Une entreprise dotée d’un programme de conformité qui découvre et met fin d’elle-même à une pratique anticoncurrentielle autre qu’un cartel, avant l’ouverture d’une enquête ou d’une procédure par une autorité de concurrence, peut bénéficier d’une circonstance atténuante.

En cas de poursuites, le fait d’avoir mis en place un programme de conformité qui n’aurait pas empêché la commission d’une infraction ne constitue pas une circonstance aggravante.

Les entreprises pouvaient même bénéficier, sous l’égide de l’ancienne procédure de non-contestation des griefs, d’une réduction de l’amende encourue lorsqu’elles proposaient en cours de procédure des engagements relatifs à la mise en place ou à l’amélioration d’un programme de conformité. Cette réduction variait en pratique de 5 % à 15 % environ en fonction du caractère substantiel, crédible et vérifiable des engagements proposés. Elle s’ajoutait à la réduction de 10 % consentie au titre de la renonciation à contester les griefs.

Les incidences de la nouvelle procédure de transaction sur les programmes de conformité

La nouvelle procédure de transaction instaurée par la loi Macron du 6 août 2015 se substitue à la procédure de non-contestation des griefs et s’applique aux procédures dont les griefs ont été notifiés postérieurement à la publication de cette loi. Les entreprises qui renoncent à contester les griefs notifiés peuvent se voir proposer par le rapporteur général de l’autorité une transaction fixant le montant minimal et maximal de la sanction encourue (et non plus un pourcentage de réduction de sanction).

Il demeure possible pour les entreprises poursuivies optant pour la transaction de s’engager à modifier leur comportement pour l’avenir. Le rapporteur général peut tenir compte de ces engagements dans sa proposition de transaction. Ainsi, la mise en place d’un programme de conformité aux règles de concurrence ou l’amélioration d’un programme existant devrait encore conduire à une réduction de la sanction sous l’égide de cette nouvelle procédure.

Il est vrai que l’article L. 464-2 du Code de commerce fixe seulement les grands principes applicables à cette nouvelle procédure de transaction. L’Autorité de la concurrence dispose donc d’une importante marge de manœuvre pour sa mise en œuvre. A cet égard, l’Autorité de la concurrence devrait publier prochainement des lignes directrices qui préciseront vraisemblablement les incidences des engagements relatifs aux programmes de conformité sur les sanctions encourues dans le cadre des procédures de transaction.

Un socle minimum qui reste encadré

En tout état de cause, les programmes de conformité doivent répondre à certaines exigences, notamment pour être éligibles aux réductions de sanctions évoquées.

Les organes de direction de l’entreprise doivent prendre un engagement clair, ferme et public en faveur du respect des règles de concurrence et désigner un responsable du programme de conformité.

Ces programmes doivent, en outre, mettre en place des mesures d’information, de sensibilisation et de formation aux règles de concurrence ainsi que des mécanismes de contrôle, d’audit, d’alerte et de suivi de ces mesures. Tous ces engagements restent soumis au respect du droit du travail.

D’après l’Autorité de la concurrence, il n’existe pas de programme de conformité type. Ces programmes doivent être élaborés sur mesure dans une optique de long terme. En pratique, ils doivent être adaptés à la taille de l’entreprise, à la nature de ses activités, aux secteurs sur lesquels elle opère, à son organisation et à son mode de gouvernance.

Afin de garantir l’efficacité des programmes de conformité, il est donc important de réaliser, en amont, un état des lieux concret et opérationnel de la nature des risques encourus ainsi que des personnes et activités les plus exposées au sein de l’entreprise.


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