La lettre gestion des groupes internationaux

Décembre 2017

Pays-Bas : l’exonération de retenue à la source sur dividendes à l’épreuve du «principal purpose test»

Publié le 15 décembre 2017 à 15h20

Eve Castex

Le projet de loi de finances pour 2018 actuellement en discussion devant le Parlement néerlandais propose une réforme de son système de retenue à la source sur les dividendes, applicable à partir du 1er janvier 2018. Ce projet s’articule autour de trois axes : l’extension de l’exonération de la retenue à la source, la mise en place de règles anti-abus, et l’élargissement du champ d’application de la retenue à la source aux holdings coopératives.

Par Eve Castex, avocat directeur, PwC Société d’Avocats

Les dividendes versés à des sociétés résidentes au sein de l’UE ou de l’EEE détenant une participation dans une BV/NV sont aujourd’hui exonérés de la retenue à la source de droit interne de 15 % lorsque cette participation est éligible au régime de «participation exemption» (c’est-à-dire détention minimale de 5 % du capital de la société distributrice).

Le projet de loi néerlandais prévoit d’étendre l’exonération aux entités bénéficiaires résidentes dans des pays tiers ayant signé avec les Pays-Bas des conventions fiscales comportant des dispositions relatives à l’imposition des dividendes.

Celui-ci propose également de soumettre cette exonération de retenue à la source au respect de nouvelles règles anti-abus applicables à tous les actionnaires bénéficiaires résidents de l’UE, de l’EEE ou des pays tiers. Ces règles sont la transposition en droit interne, des critères du «principal purpose test» prévus par l’action 6 des travaux BEPS de l’OCDE et des règles anti-abus générales de la directive mère fille. Deux tests cumulatifs devront être satisfaits pour bénéficier de l’exonération : un test subjectif, nécessitant de démontrer que la participation dans la société néerlandaise n’a pas pour objectif principal, ou l’un de ses objectifs principaux, d’éviter la retenue à la source hollandaise, et un test objectif visant à garantir que la structure de participation ne constitue pas un montage ou une série de montages artificiels mais un montage authentique, mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique. Selon le projet de loi, une structure ne pourrait être considérée comme un montage artificiel dès lors que l’actionnaire direct de la société hollandaise exerce lui-même une activité industrielle ou commerciale. Les sociétés intermédiaires, quant à elles, seraient supposées remplir ce second test si leurs dépenses de personnel en relation avec l’activité holding s’élèvent à 100 000 euros minimum (les coûts peuvent être internes ou externes) et si elles détiennent ou prennent à bail des locaux pour une période d’au moins 24 mois après le début des activités. A noter que les sociétés intermédiaires doivent déjà remplir les conditions minimales de substance dans leur pays de résidence (tenant à la nationalité des managers, leur qualification, à l’existence d’un compte bancaire…).

Afin de pouvoir se conformer à ces deux tests dans un délai réaliste, ces exigences s’appliqueraient à partir du 1er avril 2018.

Cette exonération s’accompagne d’une obligation formelle pour les sociétés hollandaises distributrices de notifier à l’administration fiscale hollandaise, dans le délai d’un mois à compter de la distribution, que toutes les conditions requises pour bénéficier de l’exonération sont remplies.

Ce projet prévoit, par ailleurs, d’élargir le champ d’application de la retenue à la source de 15 % aux «holding coopératives» qui jusque-là n’étaient pas assujetties (hors situations abusives). Cette modification permettrait de résoudre la problématique de la discrimination existant entre les sociétés BV/NV et les coopératives (le non-assujettissement de certaines coopératives étant constitutif d’une aide d’Etat). Toutefois, cette mesure ne s’appliquerait qu’à une seule catégorie de coopératives, dites «holdings coopératives». Une holding coopérative est définie comme une coopérative dont l’activité consiste majoritairement (70 %) dans la détention de filiales ou la réalisation d’opérations de financement intragroupe. La retenue à la source de 15 % s’appliquerait ainsi à toute distribution réalisée par une «holding coopérative» au profit de l’un de ses membres disposant d’au moins 5 % de droits à dividendes, sous réserve des éventuelles possibilités d’exonération susvisées.

L’appréciation du seuil de 70 % serait effectuée principalement au vu du total des actifs de la coopérative, mais d’autres facteurs comme le chiffre d’affaires, les activités génératrices de profits ou le temps passé par les salariés pourraient également être pris en compte. Devraient notamment demeurer exonérées les coopératives qui exercent, outre une activité de holding, celle de quartier général, ainsi que celles qui gèrent activement leurs participations, telles les sociétés d’investissement. Les structures coopératives en place aux Pays-Bas devront donc être revues au regard de ces nouvelles dispositions.

Enfin, le projet de loi prévoit des dispositions spécifiques dans l’hypothèse où l’entité bénéficiaire est une entité hybride.

Ce projet de réforme devrait avoir un impact positif pour les groupes multinationaux puisqu’il vise à élargir l’exonération des retenues à la source de façon unilatérale tout en créant les conditions d’un climat d’investissement durable pour les activités commerciales et industrielles. Il traduit par ailleurs la volonté des Pays-Bas de se mettre en conformité avec les critères du «principal purpose test» prévus par l’action 6 du BEPS et les règles anti-abus générales de la directive mère fille en conditionnant l’exonération à leur respect.

Cette réforme n’est toutefois qu’une première étape, le gouvernement ayant annoncé ces derniers jours, en marge du projet de loi en discussion devant le Parlement, son intention de supprimer la retenue à la source sur les dividendes sauf cas d’abus (cette notion reste à définir…) dès le 1er janvier 2020.

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