La lettre gestion des groupes internationaux

Juin 2017

Réforme fiscale suisse : l’horloge tourne…

Publié le 2 juin 2017 à 11h24    Mis à jour le 2 juin 2017 à 12h27

Alexa Lecœur et Cedric Bignens, PwC Suisse

Le 12 février 2017, le peuple suisse a, dans le cadre d’une procédure référendaire, rejeté par 59,1 % des voix la troisième réforme suisse de l’imposition des entreprises (RIE III).

Par Alexa Lecœur, avocat directeur, PwC Société d’Avocats et Cedric Bignens, avocat associé, PwC Suisse

Initiée en 2012, cette réforme, fruit du dialogue entamé par l’Union européenne et l’OCDE avec la Suisse, visait à rendre le régime fiscal suisse conforme aux standards internationaux. La Suisse s’est en effet engagée à abroger cinq régimes spéciaux cantonaux, considérés comme dommageables à l’échelle internationale – régimes des holdings, des sociétés d’administration, des sociétés mixtes, des sociétés principales et de la succursale financière1.

La réforme proposée visait corrélativement à préserver l’attractivité de la Suisse et à garantir ses recettes fiscales. Environ 150 000 salariés seraient employés par des sociétés bénéficiant d’un régime spécial, ces dernières participant à hauteur de 20 % aux recettes fiscales cantonales et communales et à près de 50 % du produit de l’impôt sur le bénéfice au niveau fédéral2.

Cet objectif devait être assuré par de nouvelles mesures visant notamment la promotion de l’innovation (allégement de l’imposition des revenus provenant de brevets – patent box, augmentation des déductions en matière de recherche et développement), la déduction d’intérêts notionnels, un régime de réévaluation avec amortissement pour les sociétés sortant d’un régime spécial (avec un système de plancher pour le cumul des différents allégements). Les cantons envisageaient en outre de baisser leur impôt sur les bénéfices, en contrepartie d’une augmentation de leur part aux recettes de l’impôt fédéral direct.

La votation du 12 février dernier a toutefois conduit à un rejet de cette réforme par la population et les cantons. Les opposants à la réforme craignaient que la population ne supporte in fine les conséquences de la diminution des recettes fiscales par le jeu d’une augmentation de l’impôt sur les personnes physiques ou une baisse des prestations publiques. Les communes craignaient en outre que leurs pertes fiscales ne soient pas compensées par les cantons.

Dans un souci de continuer à œuvrer pour des conditions fiscales très attractives et à peine deux semaines après le scrutin négatif, un nouveau projet d’imposition des entreprises baptisé Projet fiscal 17 (PF 17) a donc été lancé par le Conseil fédéral, en association étroite avec les représentants des communes et des villes suisses.

Un consensus se dégage d’ores et déjà sur la nécessité d’une adoption rapide de cette nouvelle réforme, afin de maintenir l’attrait de la Suisse, dans le respect des standards internationaux et des finances locales.

Les cantons et les communes posent comme condition au succès de cette nouvelle réforme le maintien de la part augmentée de l’impôt fédéral direct revenant aux cantons (de 17 % à 21,2 %) et la suppression de la déduction très controversée des intérêts notionnels. Les mesures favorables à l’innovation pourraient être retravaillées et de nouvelles mesures envisagées dans le cadre de PF 17 telles que l’augmentation de l’imposition des dividendes, la mise en place d’un taux plancher pour limiter la concurrence intercantonale ou des compensations sociales en faveur des familles et des citoyens.

Sur la base de propositions élaborées par l’organe de pilotage du projet, le Conseil fédéral définira les grandes lignes du projet en juin prochain, en vue d’une consultation et d’un passage aux Chambres en 2018. L’adoption définitive du texte fédéral au 1er janvier 2019, souhaitée par tous les acteurs, semble donc possible si aucun nouveau référendum n’est demandé (rappelons que cette date a été posée par l’OCDE, sous peine de sanctions potentielles contre les entreprises).

Sur le plan pratique, l’entrée en vigueur de PF 17 pourrait intervenir en 2019 déjà au niveau fédéral, avec une mise en vigueur en 2020 dans certains cantons. On notera que le commissaire européen aux Affaires économiques et financières s’est montré positif sur ce calendrier lors de sa rencontre avec le conseiller fédéral en charge des Finances, le 25 avril dernier3.

Le succès de cette réforme dépendra en tout état de cause de la capacité à en exposer clairement la teneur et l’intérêt à la population suisse. Nul doute que la mobilisation et la motivation de tous les acteurs impliqués depuis le 12 février dernier devraient y contribuer.

1. Déclaration commune sur la fiscalité des entreprises signée par la Suisse et l’Union européenne le 14 octobre 2014 en marge du Conseil Ecofin.

2. Communiqué du Conseil fédéral du 27 octobre 2016.

3. Le Temps, édition du 25 avril 2017 : «Bruxelles se montre patiente par rapport à l’imposition des entreprises».


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