La lettre gestion des groupes internationaux

Octobre 2018

Un pas de plus vers l’ouverture des accords préalables bilatéraux (et procédures amiables) en matière de prix de transfert entre la France et l’Inde

Publié le 5 octobre 2018 à 16h44

Sabine Wahl et Myriam Elle, PwC Société d’Avocats

Un peu plus d’an après la signature par la France et l’Inde de la Convention multilatérale ouvrant la porte aux accords préalables de prix bilatéraux entre les deux pays (cf. l’article du supplément du numéro 1430 du 25 septembre 2017), d’autres développements fiscaux sont venus conforter cette ouverture.

Par Sabine Wahl, principal, PwC India et Myriam Elle, avocat PwC Société d’Avocats

Contexte

En mars 2018, le Président Emmanuel Macron était en Inde pour un voyage de quatre jours dans l’objectif de renforcer les relations bilatérales entre New Delhi et Paris.

Avant cela, en novembre 2017, le gouvernement indien («GoI») avait pris une initiative afin de s’assurer que les relations commerciales entre les deux pays soient florissantes. Sans attendre l’entrée en vigueur de l’instrument multilatéral en Inde, le ministère des Finances du GoI avait alors clarifié la position de l’Inde acceptant d’ouvrir des procédures amiables et de conclure des Accords Préalables sur les Prix de transfert («APP») bilatéraux avec les pays (notamment la France, l’Allemagne, l’Italie, etc.) pour lesquels l’article 9 (§2) relatif à «l’ajustement corrélatif» du commentaire sur le Modèle fiscal de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques («OCDE») n’apparaissait pas dans les conventions d’évitement de la double imposition («DTAA», Double Taxation Avoidance Agreement). Cette étape a ouvert la porte à la résolution des différends en matière de prix de transfert entre la France et l’Inde.

A noter que les services de contrôle indiens adoptent parfois des approches de prix de transfert unilatérales ; notamment, ils peuvent fixer de manière discrétionnaire des niveaux de marge préétablis. Ceci n’étant pas sans poser de problème aux juridictions contreparties aux transactions considérées, toute avancée vers plus de bilatéralisme ne peut qu’être positivement perçue.

Négociations bilatérales dans le cadre des APP en Inde

Le programme APP en Inde, bien qu’introduit en 2012, a reçu une réponse enthousiaste des contribuables dans la mesure où l’expérience globale du programme APP a été très positive jusqu’à présent. Les APP bilatéraux prévoient une exonération totale de la double imposition, tandis que les APP unilatéraux ne procurent un ajustement que de la part de la juridiction avec laquelle l’APP a été déposé. En outre, les APP unilatéraux sont souvent remis en cause lors de contrôles fiscaux locaux, notamment en raison de la divergence des attentes des autres juridictions sur les marges retenues en Inde.

Jusqu’à présent, l’Inde a conclu des APP bilatéraux avec de nombreux pays en majorité pour des entreprises des secteurs «IT-ITeS» (Systèmes d’Informations et Services associés) et d’autres secteurs de services ou fabriquant dans divers secteurs: les États-Unis (3 APP bilatéraux, le Royaume-Uni (10 APP bilatéraux), le Japon (avec lequel l’Inde a conclu son premier APP bilatéral , le Danemark (3 APP bilatéraux), Pays-Bas (2 APP bilatéraux). Le nombre de demandes d’APP bilatéraux en Inde est à la hausse ; le GoI poursuit ses efforts pour que le nombre d’APP bilatéraux effectivement conclus suive cette même tendance.

L’assouplissement de l’article 9 (§2) du DTAA l’année dernière par l’Inde (applicable à des pays tels que la France, l’Allemagne, etc.) a pour l’instant débouché sur deux demandes d’APP bilatéraux/procédures amiables avec l’Allemagne et l’Italie. Cet assouplissement aboutira sans doute bientôt à des demandes d’APP bilatéraux/procédures amiables avec la France, la MEJEI1 (autorité compétente française) étant prête à entamer des négociations avec l’Inde dans le cadre d’APP  bilatéraux et de procédure amiable.

Le 31 août 2018, le Bureau Central des Impôts Directs de l’Inde a publié son deuxième rapport annuel sur les progrès réalisés par l’Inde dans son programme d’APP lancé il y a six ans, pour l’exercice fiscal 2017-2018. Selon ce rapport, la réorientation des APP unilatéraux vers les APP bilatéraux constitue la principale évolution du programme APP en Inde au cours de l’exercice fiscal 2017-2018. Au cours de ce dernier exercice fiscal, 53 demandes d’APP bilatéraux ont été déposées, soit plus du tiers des demandes d’APP bilatéraux déposées depuis 2012, et le nombre de demandes d’APP bilatéraux déposées a plus que doublé par rapport à l’année dernière. Cette tendance est très encourageante dans la mesure où les APP bilatéraux permettent d’éliminer complètement  la double imposition et de créer un environnement propice à la croissance des entreprises.

En outre, le nombre d’APP bilatéraux signés par l’Inde au cours de l’année a augmenté en raison de la conclusion de procédures amiables avec les partenaires du Traité. La durée moyenne de conclusion d’APP bilatéraux en Inde est de 42,10 mois à compter de la demande, ce qui est inférieur au délai moyen nécessaire à la conclusion d’un APP bilatéral avec les États-Unis (46,9 mois en 2017).

Un environnement fiscal mondial propice

Les développements fiscaux clés récents, tels que le Plan d’Actions BEPS de l’OCDE ainsi  que les règles émises par l’Union Européenne devraient avoir un impact sur les APP bilatéraux / procédures amiables.

• L’échange d’informations - ère post BEPS

Avec une transparence accrue permise par l’échange d’informations (comme le fichier principal («Masterfile») et la déclaration pays par pays («CbCR»)) inscrit dans le plan d’action BEPS et les règles de l’Union européenne, le nombre de contrôles fiscaux et les volumes de redressements ont sensiblement augmentés. Dans ce contexte fiscal, les entreprises peuvent plus légitimement demander des APP bilatéraux et des procédures amiables pour sécuriser leur politique en matière de prix de transfert sur les transactions internationales, en particulier sur des questions d’actualité telles que l’attribution des bénéfices en cas d’établissement stable, la fiscalité des entreprises numériques, etc. Par ailleurs, les APP bilatéraux/procédures amiables ont une plus grande importance dans le monde d’aujourd’hui, dans la mesure où les APP unilatéraux sont souvent remis en cause lors de contrôles locaux en raison des divergences des attentes des autorités fiscales locales.

• L’expérience bilatérale avec l’UE

Des transactions plus complexes ont été intégrées dans les APP bilatéraux signés entre l’Inde et les pays européens avec les transactions sélectives telles que frais de gestion, redevances, franchise fees.

Quelques pistes pouvant contribuer au succès des programmes APP

Dans un environnement fiscal propice à la conclusion d’APP bilatéraux, quelques considérations clés peuvent contribuer au succès du programme APP et pallier  au manque de ressources des autorités compétentes tant en Inde qu’en France :

- un examen pragmatique des transactions complexes, dans la mesure où la complexité et la sophistication des transactions vont inévitablement augmenter à l’avenir en raison des innovations technologiques. Dans le cadre d’APP, il convient d’apprécier davantage les besoins spécifiques de chaque acteur plutôt que d’adopter des approches globales pour l’ensemble du secteur. Il faut tenir compte des logiques commerciales et permettre une certaine flexibilité dans les résultats de l’APP le cas échéant ; et

- La possibilité de conclure des APP existants avec d’autres pays pour des transactions similaires afin de réduire les délais lorsque le profil fonctionnel reste le même.

Dans cet environnement fiscal propice, la conclusion d’APP bilatéral entre l’Inde et la France devrait enfin se concrétiser offrant la sécurité fiscale aux groupes internationaux et facilitant les échanges entre les deux pays.

1. Mission d’Expertise Juridique et Economique Internationale

Références :

thediplomat.com/2018/03/macron-and-modi-what-france-can-do-for-india-and-what-india-can-do-for-france/

www.sars.gov.za/Legal/International...Agreements/.../Mutual-Agreement-Procedure.aspx

pib.nic.in/newsite/PrintRelease.aspx


La lettre gestion des groupes internationaux

Documentation des prix de transfert : vers un alourdissement sensible

Susana Rodriguez de la Pena et Yasmina Fahim, PwC Société d’Avocats

La singularité française en matière d’obligation de documentation des prix de transfert se confirme suite à l’entrée en vigueur du décret n°2018-554 et de la publication de l’instruction administrative BOI-80-10-40-20180718. En effet, par les nouvelles normes qui y sont posées, l’administration fiscale française s’écarte sensiblement des recommandations de l’OCDE qui visaient un format de documentation standardisé et harmonisé.

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