La lettre gestion des groupes internationaux

Mars 2019

De l’impatriation à l’exit tax : quand l’attractivité résulte autant d’un régime incitatif des cadres salariés en France que d’un assouplissement des conditions de l’exit tax en cas de départ de France

Publié le 15 mars 2019 à 10h27    Mis à jour le 15 mars 2019 à 16h38

Guillaume Collart, Nathalie Delmares et Antoine Boddaert, PwC Société d’Avocats

L’attractivité fiscale de la France passe aussi par la fiscalité des personnes physiques appelées à venir en France, par exemple dans le contexte du Brexit, ou à s’en éloigner provisoirement dans le cadre de leur activité professionnelle. C’est la raison pour laquelle la loi de finances pour 2019 a notamment opéré un aménagement du régime d’exonération partielle d’impôt sur le revenu applicable aux salariés et mandataires sociaux appelés de l’étranger pour occuper un emploi en France. Symétriquement, les contraintes qui pèsent sur les contribuables qui sont conduits à transférer temporairement leur domicile fiscal hors de France, concernés par l’exit tax à raison des plus-values latentes sur les valeurs mobilières qu’ils détiennent, ont bénéficié de certains assouplissements.

Par Guillaume Collart, avocat, PwC Société d’Avocats, Nathalie Delmares, avocat, PwC Société d’Avocats et Antoine Boddaert, PwC Société d’Avocats

Le régime des impatriés en matière d’impôt sur le revenu : des précisions attendues (article 155 B du CGI)

Depuis la loi du 4 août 2008, l’article 155 B du Code général des impôts prévoit une exonération partielle d’impôt sur le revenu, pour une durée limitée, au bénéfice des salariés et dirigeants de sociétés relevant du régime des salariés, appelés de l’étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France, que ces personnes soient appelées par une société étrangère auprès d’une entreprise établie en France (mobilité intragroupe), ou directement recrutées à l’étranger par une entreprise établie en France (recrutement externe). L’exonération partielle d’impôt sur le revenu sur certains éléments de la rémunération et la moitié des revenus financiers de source étrangère est accordée jusqu’au 31 décembre de la huitième année suivant celle de la prise de fonction.

L’exonération d’impôt sur le revenu porte à la fois sur les suppléments de rémunération directement liés à l’exercice de l’activité professionnelle en France (c’est-à-dire la prime d’impatriation), ainsi que sur la part de rémunération se rapportant à l’activité exercée à l’étranger pour les besoins exclusifs de leur employeur.

Ce régime permet, en outre, aux salariés et dirigeants de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu à hauteur de 50 % des revenus financiers passifs de source étrangère, à savoir notamment les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values de cessions de valeurs mobilières détenues à l’étranger.

L’aménagement introduit par la loi de finances pour 2019 concerne les modalités de détermination de la prime d’impatriation accordée aux salariés et dirigeants dans une situation de mobilité intragroupe :

– le régime en vigueur jusqu’ici imposait, pour les personnes appelées par une entreprise étrangère auprès d’une entreprise établie en France pour une durée limitée (cas des salariés détachés), une évaluation de la prime pour son montant réel, préalablement déterminé ou rendu déterminable dans le contrat de travail ;

– en revanche, les salariés qui font l’objet d’un recrutement direct à l’étranger par une entreprise établie en France peuvent opter pour une évaluation forfaitaire de leur prime d’impatriation, alors réputée égale à 30 % de leur rémunération nette annuelle (hors sommes versées ou gains réalisés dans le cadre de dispositifs d’épargne salariale ou d’actionnariat salarié).

L’article 6 de la loi de finances pour 2019 met fin à cette distinction et permet désormais aux personnes impatriées dont la prise de fonction est intervenue à compter du 16 novembre 2018, quelles que soient les modalités de leur recrutement, de se prévaloir d’une évaluation de la prime d’impatriation reçue à raison des rémunérations perçues à compter du 1er janvier 2019, soit pour leur montant réel, soit selon le forfait correspondant à 30 % de leur rémunération nette annuelle.

Cette évolution favorable du régime des impatriés en matière d’impôt sur le revenu, dont le bénéfice avait été allongé de cinq à huit ans par la loi de finances pour 2017 pour les personnes ayant pris leurs fonctions à compter du 6 juillet 2016, traduit une volonté gouvernementale visant à renforcer la compétitivité et l’attractivité de la France. Par ailleurs, les salariés et dirigeants qui auront bénéficié du régime des impatriés jusqu’à son terme, sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’exit tax en cas de départ de France à l’expiration du bénéfice du régime, ce qui n’était pas le cas des personnes ayant pris leurs fonctions avant le 6 juillet 2016.

L’assouplissement du régime de l’exit tax (article 167 bis du CGI)

Le mécanisme de l’exit tax prévu par l’article 167 bis du Code général des impôts permet à la France de conserver le droit d’imposer les plus-values latentes sur valeurs mobilières, les créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix et les plus-values en report d’imposition, en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de France, dès lors que ce contribuable a été domicilié dans notre pays pendant au moins six ans au cours des dix années précédant ce transfert de domicile fiscal, et qu’il détient des droits sociaux, valeurs, titres ou droits représentant au moins 50 % des bénéfices sociaux d’une société ou dont la valeur globale excède 800 000 euros.

Un sursis de paiement automatique est applicable lorsque le transfert s’exerce vers un Etat de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen et, sur option et sous réserve de satisfaire à certaines conditions, en cas de transfert dans un autre Etat situé en dehors de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

L’expiration de ce sursis de paiement intervient en cas de cession, rachat-annulation des titres dont les plus-values ont été soumises à l’exit tax ou en cas de liquidation de la société dont les titres sont concernés par le dispositif.

Rappelons que le contribuable ne pouvait jusqu’alors obtenir la restitution ou le dégrèvement de l’exit tax acquitté lors du départ de France ou mis en sursis de paiement qu’à l’issue d’un délai de quinze ans (sauf cession, rachat-annulation des titres ou liquidation de la société intervenant dans l’intervalle).

L’article 112 de la loi de finances pour 2019 ne supprime pas le dispositif de l’exit tax mais l’assouplit néanmoins considérablement en le transformant en un dispositif anti-abus s’appliquant aux transferts de domicile fiscal intervenant à compter du 1er janvier 2019, sans effet rétroactif pour les contribuables ayant transféré leur domicile fiscal antérieurement à cette date :

– d’une part, le délai à l’expiration duquel le contribuable pourra obtenir le dégrèvement de l’exit tax en sursis (ou la restitution de l’impôt acquitté) dès lors que les titres ont été conservés dans le patrimoine du contribuable est réduit de quinze ans à cinq ans, voire deux selon que la valeur des titres entrant dans le champ de l’exit tax excède ou non 2 570 000 euros à la date du transfert de domicile ;

– d’autre part, le sursis de paiement automatique de l’exit tax, autrefois limité aux transferts de résidence dans un Etat membre de l’Espace économique européen (soit un Etat de l’Union européenne, en Norvège, en Islande ou au Lichtenstein), est désormais étendu aux transferts dans les Etats de l’Union européenne et tout autre Etat et territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement (à l’exclusion des ETNC).

Corrélativement, le contribuable transférant sa résidence vers un autre Etat ou territoire (ETNC, Etat tiers à l’Union européenne n’ayant pas conclu les conventions requises) reste assujetti au régime de la demande expresse pour bénéficier du sursis de paiement dont le bénéfice est conditionné à la désignation d’un représentant fiscal en France et à la constitution de garanties financières auprès du comptable du Trésor afin de garantir le recouvrement de l’impôt (cette dernière condition n’étant pas nécessaire lorsque le contribuable démontre que le départ est justifié par des raisons professionnelles).

En pratique, les contribuables transférant leur domicile, par exemple, vers la Suisse, les Etats-Unis, ou le Maroc, n’auront donc plus à justifier de motifs professionnels afin d’être exonérés de l’obligation de constituer des garanties.

Enfin, le législateur a allégé les obligations déclaratives pesant sur les contribuables transférant leur domicile fiscal hors de France : la souscription d’une déclaration n° 2074-ETS de suivi annuel des impositions en sursis de paiement se limite désormais aux seules créances de complément de prix et aux plus-values en report d’imposition. Ainsi, si le redevable ne bénéficie du sursis de paiement qu’à raison de plus-values latentes, seul reste obligatoire le dépôt d’une déclaration au titre de l’année suivant celle du transfert de résidence ou au titre de l’année de survenance de l’un des événements mettant fin au sursis.

On exprimera le souhait que, pour compléter cette évolution favorable au renforcement de l’attractivité de la France, l’administration fiscale en profite pour actualiser les commentaires du BOFiP sur ce dispositif, commentaires qui demeurent inchangés depuis 2013, ce qui entretien un certain nombre d’incertitudes notamment quant à son champ d’application.


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