La lettre gestion des groupes internationaux

Prix de transfert

Le CBCR : vers une multiplication du profit split lié à la chaîne de valeur

Publié le 9 octobre 2015 à 11h23    Mis à jour le 9 octobre 2015 à 18h27

Xavier Sotillos et Walid Eljaafari, PwC Société d'Avocats

Après un an de discussion sur l’action 13 BEPS de l’OCDE, il est temps de s’interroger sur les stratégies de réponse et de gestion du risque à adopter face à la publication à venir des données du country-by-country reporting (CBCR).

Par Xavier Sotillos Jaime, associé et Walid Eljaafari, économiste, PwC Société d’Avocats

La note complémentaire de l’OCDE de février 2015 relative au CBCR apporte des précisions sur son champ d’application. Il s’appliquerait ainsi aux groupes réalisant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros à compter du 1er janvier 2016. Le Royaume-Uni (1), l’Espagne (2), l’Australie (3) et la Pologne (4) ont déjà formellement prévu la mise en application du CBCR, et la France pourrait suivre ces recommandations de l’OCDE dans la prochaine loi de finances. Ces précisions sur le champ d’application sont complétées par un mécanisme d’échange d’informations permettant de minimiser le poids de la contrainte documentaire sur les filiales par le biais d’un échange du CBCR avec l’Etat du lieu du siège de la mère ultime ; il contraint par ailleurs ces filiales à produire le document s’il n’est pas disponible dans la juridiction de la mère. Le nombre d’Etats ayant accès aux données du CBCR se trouve ainsi démultiplié.La qualité de l’information mise à la disposition des administrations fiscales relativement à la répartition territoriale des profits aura pour effet d’ajuster la grille d’analyse utilisée dans le cadre des contrôles fiscaux. Le recours à des systèmes de «profit split» leur permettra en effet de réclamer une répartition des profits alignée sur la répartition géographique des actifs, de la masse salariale et/ou du chiffre d’affaires. Cette approche existe déjà dans la formule d’allocation forfaitaire des bases imposables entre les Etats américains, ou dans la proposition de directive européenne ACCIS (5).Force est de constater que la plupart des politiques de prix de transfert appliquées aujourd’hui – fondées principalement sur les méthodes du prix comparable de marché, du prix de revient majoré, du prix de revente minoré ou sur la méthode transactionnelle de la marge nette – sont loin de suivre une approche d’allocation des profits conforme à l’allocation forfaitaire qui pourrait être facilement calculée avec les informations du CBCR et être «déguisée» en méthode de partage de bénéfices (il ne faut pas oublier que l’OCDE est formellement réticente à toute méthode d’allocation forfaitaire).Un tel écart risque d’accroître de manière significative les risques fiscaux. Pour arriver à justifier une répartition des profits au sein des groupes qui serait différente de celle dérivée d’une allocation forfaitaire, il sera nécessaire d’approfondir l’analyse fonctionnelle et de justifier de manière convaincante le lieu et l’importance de la création de valeur au sein de la chaîne des opérations. La documentation de prix de transfert va donc jouer un rôle décisif à cet égard.Le CBCR pourrait alors générer un effet boule de neige du fait du développement des mécanismes d’échange d’informations tant dans le cadre de BEPS qu’au niveau européen puisqu’un redressement fiscal dans un pays pourrait, par ce biais, être répliqué dans une autre juridiction où la situation du contribuable est similaire.L’impact du CBCR semble donc clair : les entreprises vont devoir être en mesure de justifier la répartition de leurs profits avec, a priori, une présomption négative due au poids que donneront très certainement les administrations aux formules d’allocation forfaitaires, très faciles à mettre en œuvre, malgré le rejet de leur utilisation par l’OCDE. Seule une analyse poussée et pertinente de la création de valeur dans le groupe permettra aux entreprises de se prémunir des risques, démultipliés par l’échange d’informations, qu’introduit la révélation de leurs données financières pays par pays.


1. 2010 to 2015 government policy : tax evasion and avoidance (https://www.gov.uk/government/publications/2010-to-2015-government-policy-tax-evasion-and-avoidance).

2. Real Decreto 634/2015, de 10 de julio, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (http://www.boletinesoficiales.com/documentacion/norma/documento/Real-Decreto-634-2015-10-julio-aprueba-Reglamento-Impuesto-Sociedades,16,20150711,6/).

3. Budget fédéral australien 2015-2016 publié le 12 mai 2015 (http://www.budget.gov.au/2015-16/content/glossy/tax/html/tax-06.htm).

4. Projet d’amendements de législation sur l’impôt sur les sociétés.

5. Proposition de directive du Conseil de 2011 concernant une «Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés» (ACCIS).


La lettre gestion des groupes internationaux

L'attribution économique des actifs incorporels, enjeu majeur du BEPS

Pierre Escaut et Marion David, PwC Société d'Avocats

Le programme de lutte de l’OCDE contre l’érosion des bases taxables (BEPS) vise principalement, en ce qui concerne les prix de transfert, à assurer la cohérence de la répartition des profits au sein d’un groupe international au regard des rôles effectifs des différentes entreprises du groupe.Ces rôles s’apprécient en termes de fonctions, de risques et d’actifs, trilogie centrale des prix de transfert.S’agissant des actifs, ce sont généralement les actifs incorporels qui sont déterminants car sources d’avantages compétitifs et de performance. Des études montrent ainsi que plus des deux tiers de la valeur des entreprises sont constitués par des éléments incorporels (processus de fabrication, brevets, marques, clientèle, etc.).

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