La lettre gestion des groupes internationaux

Mars 2014

Fin du sursis d’imposition en cas de procédure amiable : le retour de la double peine ?

Publié le 28 mars 2014 à 19h05

Eric Bonneaud

Parmi les mesures adoptées en fin d’année 2013 par le Parlement figure la suppression, à compter du 1er janvier 2014, de la suspension du cours du délai d’établissement des impositions prévue par l’article L189A du LPF en cas d’ouverture de procédures amiables dans le cadre des conventions fiscales bilatérales ou de la convention européenne d’arbitrage du 23 juillet 1990.

Par Eric Bonneaud, avocat associé, Landwell & Associés

Cette suppression avait été recommandée par un rapport de l’IGF (Note n° 2012-M-032-03) soulignant le coût budgétaire d’une telle mesure pour les finances de l’Etat et l’opportunité qu’elle créait pour les entreprises tout en engorgeant de demandes le service de l’autorité compétente en charge de leur traitement.

Rappelons tout d’abord quelle a été la genèse de la mise en place de cette procédure à compter de 2005.

Avec la focalisation massive des administrations fiscales sur les prix de transfert, un constat d’une hausse importante des redressements en la matière s’est imposé.

Les instruments conventionnels internationaux – procédures amiables bilatérales ou convention européenne d’arbitrage – étaient supposés permettre une élimination rapide des doubles impositions créées.

Or, il n’en était rien en réalité : il y avait une augmentation très forte des redressements et corrélativement une hausse des demandes d’ouverture de procédures amiables avec un allongement des délais, y compris entre pays européens pourtant supposés résoudre ces doubles impositions dans les deux ans.

Au final, c’était une double peine pour les entreprises : non seulement un redressement prix de transfert créait une double imposition entre deux entreprises associées, mais aussi une mise en recouvrement du redressement français pouvait intervenir – et donc une obligation de payer – alors même que le cas de double imposition n’était pas résolu.

Des recours contentieux étaient alors engagés avec aussi pour objectif de bénéficier d’un sursis de paiement (article L277 du LPF) assorti dans la plupart des cas de garanties.

Le dispositif de suspension mis en place en 2005 a été écorné à l’occasion de la loi du 29 décembre 2010 qui a exclu de son champ les rectifications de prix de transfert ayant bénéficié d’un régime fiscal privilégié, selon l’article 238 A du CGI. De manière illustrative, les redressements vis-à-vis de l’Irlande étaient concernés.

La loi de finances pour 2014 est venue achever ce mouvement de déconstruction.

Le moment est donc approprié pour s’interroger sur les conséquences dans la gestion des contrôles fiscaux de cette situation.

La perspective d’une absence de suspension de la mise en recouvrement doit conduire à anticiper l’émission des mises en recouvrement. Cela peut passer par une demande d’ouverture de procédure amiable à un stade précoce de la procédure dès la réception de la proposition de rectification. Possible d’un point de vue procédural, cette approche a le gros inconvénient de brouiller le débat contradictoire avec l’administration fiscale sur les suites du redressement en raison des discussions qui seraient déjà engagées entre autorités compétentes saisies de la double imposition.

L’alternative conduit à exercer tous les recours contre le rehaussement, y inclus la saisine de la Commission nationale ou départementale des impôts, pour différer la mise en recouvrement ou choisir la voie contentieuse.

Cette dernière présente un coût pour l’entreprise : elle conduit à devoir produire des garanties et ne suspend pas les intérêts de retard de paiement. De plus, un risque existe de voir une position contentieuse prise difficilement conciliable avec une position des autorités compétentes et se heurtant à l’autorité de la chose jugée.

Dès lors, peut-on éviter ce retour annoncé de la double peine ?

Avec la hausse continue des redressements en prix de transfert, la fin de l’article L189A du LPF risque paradoxalement de se révéler coûteuse pour l’Etat, qui peut voir les recours contentieux se multiplier avec les incertitudes liées à leur issue.

Des solutions simples existent.

L’Etat devrait s’engager à ne pas mettre en recouvrement les redressements confirmés donnant lieu à ouverture de procédures amiables dès lors qu’il n’y a aucun risque en matière de prescription de la mise en recouvrement. Combiné avec l’application effective des clauses d’arbitrage, cela devrait laisser le temps nécessaire aux Etats pour trouver une solution d’élimination des doubles impositions.

Au niveau législatif, des modifications sont souhaitables pour suspendre le décompte des intérêts de retard de recouvrement à compter de l’ouverture d’une procédure amiable, ou alternativement consacrer le caractère contentieux de la procédure amiable pour assurer le versement d’intérêts moratoires en cas de dégrèvement ou limiter la procédure de prise de garantie en cas de demande contentieuse. Dans tous les cas, une stratégie de gestion du recours aux autorités compétentes doit donc être définie très en amont afin de limiter les effets résultant de la suppression de l’article L189A.


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