La lettre gestion des groupes internationaux

Juin 2021

e-commerce TVA – Réforme et transformation

Publié le 25 juin 2021 à 15h10

PwC Société d’Avocats

Par Muriel Illouz, avocate, PwC Société d’Avocats et Ludivine Coupé, PwC Société d’Avocat

A compter du 1er juillet 2021, les règles TVA applicables aux opérations de commerce électronique au sein de l’Union européenne seront profondément modifiées. 

En effet, l’entrée en vigueur des Directives du Conseil de l’Union européenne (Directive 2017/2455 de décembre 2017 et Directive 2019/1995 de novembre 2019), telles que transposées en droit français, entraînera l’application de nouvelles règles de TVA sur les opérations de e-commerce transfrontalières réalisées par des professionnels assujettis à la TVA au profit des consommateurs européens (B2C). 

Si l’objectif principal de cette réforme est de mieux encadrer le régime TVA du e-commerce afin de lutter contre la fraude à la TVA sur les transactions réalisées par un certain nombre de vendeurs non établis dans l’Union européenne, elle a également pour ambition d’harmoniser et de simplifier les obligations TVA des opérateurs du secteur.

En pratique, les principales nouveautés de cette réforme sont les suivantes : 

– une nouvelle définition des ventes à distance intracommunautaires et l’extension du guichet unique devenu « OSS » ;

– la création des ventes à distance de biens importés et la création d’un guichet unique pour les importations (« IOSS ») ;

– de nouvelles obligations mises à la charge des plateformes facilitant les ventes de biens. 

A ce jour, l’administration fiscale française n’a pas encore commenté la mise en œuvre pratique de cette réforme. Toutefois, ces commentaires devront être en ligne avec les principes posés par les textes européens applicables et les notices explicatives publiées par la Commission européenne.

1-Une nouvelle définition des ventes à distance intracommunautaire de biens

Une définition plus large

Le régime actuel des ventes à distance intracommunautaires de biens existe depuis le 1er janvier 1993. 

A compter du 1er juillet 2021, l’article 256 II-1° bis CGI édictera une nouvelle définition élargie de ces ventes puisque seront désormais concernées « les livraisons de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, y compris lorsque le fournisseur intervient indirectement dans le transport ou l’expédition des biens, à partir d’un Etat membre autre que celui d’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur non assujetti, d’une personne morale bénéficiant d’un régime dérogatoire ou d’un acquéreur assujetti dont les livraisons de biens ou prestations de services n’ouvrent pas droit à récupération ». 

Par exception, le régime de ventes à distance ne s’appliquera pas aux livraisons portant sur les moyens de transport neufs, aux biens livrés après montage ou installation ainsi qu’aux biens d’occasion, d’objets d’art et antiquités relevant du régime spécifique de la marge.

Cette définition est plus large que celle que nous connaissons actuellement :

– d’une part, au regard des livraisons de biens concernées : les ventes de biens soumis à accises réalisées au profit d’une personne physique non assujettie entreront désormais dans le champ d’application des ventes à distance. Pour rappel, sous le régime actuel des ventes à distance intracommunautaires, la livraison de biens soumis à accise était toujours réputée se situer dans l’Etat membre d’arrivée, sans application de seuil ;

– et, d’autre part, au regard de la gestion des modalités du transport : le nouveau régime s’appliquera aux livraisons de biens expédiées ou transportées par le fournisseur ou pour son compte, directement ou indirectement. En pratique, cette définition, qui est en ligne avec la jurisprudence communautaire, permet de rendre inopérante la pratique artificielle de certains opérateurs qui déléguaient le transport à un tiers afin de ne pas être soumis au régime des ventes à distance intracommunautaires. Par « intervention indirecte », il convient d’entendre (i) la sous-traitance du transport par le fournisseur à tiers dès lors que le fournisseur assume (en tout ou partie) la responsabilité de la livraison des biens à l’acquéreur, (ii) la promotion d’un transporteur par le fournisseur et (iii) la facturation à l’acquéreur de frais de transport par le fournisseur qui les reversera ensuite au transporteur. 

Ainsi, l’intervention même indirecte du fournisseur dans l’expédition ou le transport des biens ne fera plus obstacle à l’application du régime. 

Vers une taxation quasi systématique au lieu de consommation

Nous rappellerons que les seuils de taxation des ventes à distance dans l’Union européenne sont aujourd’hui de 35 000 euros ou 100 000 euros hors taxes selon les Etats membres, et qu’ils s’apprécient Etat par Etat.

A compter du 1er juillet 2021, un seuil unique s’appliquera. En effet, le nouvel article 258 A-I-1° du CGI transposera le nouveau seuil de taxation des ventes à distance de 10 000 euros hors taxes, qui s’appréciera de façon cumulée et non plus Etat par Etat. Ainsi, dès lors que le montant total des ventes de biens et/ou de services de télécommunication, télévision, de radiodiffusion et de services électroniques fournis à des personnes non assujetties réalisé à partir d’un Etat membre vers d’autres Etats membres de l’Union européenne excédera 10 000 euros, la TVA sera due dans le pays de consommation pour l’ensemble des opérations. 

En deçà de ce seuil, les ventes seront taxables à la TVA dans le pays de départ des biens, sauf option par le vendeur pour la taxation dans le pays de consommation dès le premier euro. 

Par exception, il convient de noter que les vendeurs établis hors de l’Union européenne ou disposant de plusieurs établissements au sein de l’Union européenne ne seront pas soumis à ce seuil de 10 000 euros. Ainsi, les ventes à distance seront taxables dans l’Etat membre de destination dès le premier euro.

L’abaissement du seuil au 1er juillet 2021 aura comme effet immédiat l’obligation pour un certain nombre d’opérateurs d’avoir à s’immatriculer à la TVA dans les différents Etats membres où ils opéraient sans avoir atteint les seuils existants. 

Une simplification des obligations déclaratives, l’utilisation du guichet unique « OSS »

Afin d’alléger la charge administrative des entreprises et de simplifier leurs obligations déclaratives, l’utilisation du guichet unique (jusqu’à présent réservé aux seuls fournisseurs de services de télécommunication, de radiodiffusion, de télévision et de services électroniques – mini-guichet unique – MOSS) sera désormais étendue aux ventes à distance intracommunautaires de biens. 

Ainsi, en optant pour le guichet unique « OSS », les entreprises pourront désormais collecter la TVA due dans chacun des Etats membres de l’Union européenne de consommation via le guichet. L’administration fiscale de l’Etat membre dans lequel l’opérateur se sera enregistré au guichet « OSS » aura ensuite la charge de reverser aux autres administrations la TVA qui leur est due. 

L’opérateur, qui opte pour le guichet unique, devra souscrire des déclarations de TVA trimestrielles, ce qui lui permettra de ne gérer qu’un seul calendrier déclaratif au titre de l’ensemble de ses ventes à distance au sein de l’Union européenne (pas de suivi Etat par Etat des périodes de déclaration). 

Enfin, l’option pour le guichet unique offrira également à l’opérateur la possibilité d’être dispensé d’émettre des factures sur le plan fiscal. Il conviendra néanmoins de s’assurer dans chaque Etat membre qu’une telle dispense soit applicable sur le plan commercial. 

Au regard des obligations douanières, la circulaire émise par l’administration française des douanes en date du 26 mai 2021 précise qu’en cas d’option pour le guichet unique, les opérateurs ne seront en principe plus tenus de déposer des déclarations d’échange de biens à l’introduction en France.

Toutefois, s’agissant des déclarations d’échanges de biens à l’expédition (départ France), l’obligation de déposer ces déclarations demeurera pour les entreprises établies en France (et non établies dans d’autres Etats membres de l’Union européenne) qui réaliseront des ventes à distance intracommunautaires de biens dès lors que le montant de ces ventes excédera 460 000 euros, et ce même en cas d’option pour l’OSS.

Si l’option pour le guichet unique présente de nombreux avantages, il convient néanmoins de noter qu’il peut présenter les contraintes et inconvénients suivants : 

– l’impossibilité de déduire la TVA d’achat sur les déclarations de TVA déposées via le guichet unique qui ne peut être utilisé que pour la collecte de la TVA. Ainsi, si l’opérateur supporte de la TVA d’achat dans les Etats membres de consommation, il devra en demander le remboursement selon les procédures de remboursement applicables ;

– l’obligation de tenue d’un registre (dont les informations sont similaires à celles prévues en cas d’option pour le MOSS actuel) qui pourra être communiqué à toutes les administrations fiscales (Etats membres d’identification et de consommation) et qui devra être conservé pendant 10 ans à compter du 31 décembre de l’année de l’opération. L’arrêté du 31 mai 2021 précise les informations que doit contenir le registre. Ce registre devra être communiqué à l’administration fiscale par voie électronique sous un délai de 20 jours à compter de la demande. 

En France, l’inscription à l’OSS est ouverte depuis le 21 avril 2021 sur le site de l’administration fiscale.

2-La création des ventes à distance de biens importés

C’est une des nouveautés de la réforme. Ce nouveau régime est assez complexe et vise à capter les ventes de biens en provenance d’Etats tiers à l’Union européenne au profit des consommateurs européens. 

Les principales mesures accompagnant ce régime sont les suivantes : 

– l’institution de règles TVA propres au régime des ventes à distance de biens importés ;

– la création d’un guichet unique dédié, distinct du guichet des ventes à distance intracommunautaires, appelé « Import One-Stop Shop » (IOSS) ;

– une possible exonération de la TVA d’import pour les biens dont la valeur intrinsèque n’excède pas 150 euros hors taxes. Cette valeur de référence est celle applicable en matière de franchise de droits de douane. Le corollaire de cette mesure est la suppression de la franchise de TVA d’import portant sur les marchandises d’une valeur commerciale inférieure à 22 euros hors taxes ;

– une nouvelle déclaration en douane simplifiée (déclaration « H7 ») portant sur les envois d’une valeur intrinsèque n’excédant pas 150 euros hors taxes.

Ainsi, à compter du 1er juillet 2021, le nouveau régime des ventes à distance de biens importés codifié à l’article 256 II bis 2° du CGI concernera tous les biens en provenance d’Etats tiers à l’Union européenne transportés directement ou indirectement par le fournisseur pour son compte et destinés à des clients non assujettis (BtoC).

Pour déterminer les règles applicables aux opérations de ventes à distance de biens importés, il convient d’apprécier les différents concepts suivants.

La qualité d’importateur des biens

Sous le nouveau régime, les vendeurs qui agissent en qualité d’importateurs des biens devront appréhender, au titre de leurs ventes, deux faits générateurs de la TVA :

– la TVA due au titre de l’importation : le principe étant que la TVA est due dans l’Etat membre d’importation du bien (état de dédouanement) sauf cas particulier ;

– la TVA due au titre de la vente à distance du bien importé : le principe étant que la TVA est due dans l’Etat membre de destination du bien (état de consommation).

Dans l’hypothèse où le client non assujetti serait mentionné en tant qu’importateur des biens, il devra lui-même acquitter la TVA d’importation. Dans cette hypothèse, les règles relatives aux ventes à distance de biens importés ne seront pas applicables au vendeur. 

Les envois d’une valeur intrinsèque de moins de 150 euros

La valeur de l’envoi est un élément déterminant dans la construction du nouveau régime de TVA et des obligations déclaratives y afférentes.

En effet, cette valeur conditionnera la possibilité pour le vendeur d’opter pour l’IOSS et de bénéficier d’une exonération de TVA à l’importation.

Cette valeur intrinsèque de moins de 150 euros hors taxes s’apprécie au niveau de la seule valeur des biens si les frais de transport et d’assurance sont facturés séparément. A l’inverse, si ces frais sont inclus dans le prix des produits, ils seront pris en considération pour l’appréciation de la valeur intrinsèque des biens. 

L’option à l’IOSS pour les envois d’une valeur intrinsèque inférieure à 150 euros...

Les opérateurs auront la faculté d’opter pour le guichet unique pour les seuls envois d’une valeur intrinsèque de moins de 150 euros. 

Cette option présentera l’avantage de bénéficier d’une exonération de la TVA d’importation et de collecter directement la TVA due sur la vente à distance.

Par ailleurs, à l’instar de l’OSS, ce nouveau guichet permettra aux vendeurs de s’identifier à la TVA dans un seul Etat membre pour collecter la TVA due dans tous les Etats membres de destination dans lesquels ils réaliseront des ventes à distance de bien importés. 

L’opérateur qui opte pour le guichet unique devra souscrire des déclarations de TVA mensuelles à la différence de l’OSS qui prévoit le dépôt de déclarations trimestrielles. 

Toute option pour l’IOSS entraîne l’obligation de tenue d’un registre qui doit être conservé pendant 10 ans à compter du 31 décembre de l’année de l’opération dont les modalités sont fixées par l’arrêté du 31 mai 2021 précité.

Pour les envois d’une valeur intrinsèque supérieure à 150 euros ou si le vendeur n’a pas opté pour l’IOSS

L’exonération de TVA d’importation ne s’appliquera pas et sera due dans l’Etat membre d’importation. 

Si l’Etat membre d’importation des biens est différent de l’Etat membre de destination des biens, la réglementation douanière impose au vendeur qui n’aura pas opté pour l’IOSS, et qui réalisera des envois de moins de 150 euros, l’obligation d’acquitter la TVA d’importation dans l’Etat membre de destination. Ceci aura pour conséquence de contraindre le vendeur à mettre en place un régime douanier de transit entre l’Etat membre d’importation et l’Etat membre de destination.

La TVA sur la vente à distance de biens importés étant due dans l’Etat membre de destination, le vendeur qui réalise des envois d’une valeur de plus de 150 euros ou qui n’a pas opté pour l’IOSS pour ses envois inférieurs à 150 euros sera en principe tenu de s’immatriculer à la TVA dans chaque Etat membre de destination pour y déclarer et collecter la TVA due (sauf cas particuliers). 

3-Nouvelles obligations mises à la charge des plateformes facilitatrices 

Qu’est-ce qu’une plateforme facilitatrice ?

Une plateforme facilitatrice est une interface électronique permettant à un acquéreur et à un fournisseur, qui met des biens en vente au moyen de cette interface électronique, d’entrer en contact, et qui aboutit à une livraison de biens au moyen de cette interface électronique. 

La réforme e-commerce instaure des nouvelles situations dans lesquelles les plateformes facilitatrices deviendront redevables de la TVA alors même qu’elles n’interviennent pas directement dans la vente aux clients non assujettis.

Par l’application d’une « fiction » d’achat-revente, ces plateformes facilitatrices seront ainsi, dans certains cas, tenues d’acquitter la TVA à l’importation et de collecter la TVA sur la vente à distance.

Cas dans lesquels la plateforme sera redevable de la TVA

Les articles 256 V 2° B du CGI et 293 A du CGI prévoient deux situations dans lesquelles les plateformes seront redevables de la TVA.

1) Lorsqu’elles s’entremettent dans une vente à distance de biens importés dont la valeur des biens n’excède pas 150 euros (fiction d’achat-revente).

Dans cette situation, l’élément déterminant est le lieu de provenance du bien. Elle recouvre les cas dans lesquels les biens sont livrés depuis un Etat tiers à l’Union européenne vers un client non assujetti établi dans l’Union européenne, quel que soit le lieu d’établissement du vendeur. La plateforme sera alors tenue d’acquitter la TVA d’importation sauf option pour l’IOSS et de collecter la TVA sur la vente à distance subséquente. 

La France a, par ailleurs, étendu le cas de redevabilité de la TVA à l’importation pour les envois d’une valeur de plus de 150 euros destinés aux clients non assujettis français. Dans cette hypothèse, la plateforme ne sera redevable que de la seule TVA d’importation, la TVA sur la vente à distance restera due par le vendeur (non-application de la fiction d’achat-revente). 

2) Lorsqu’elles s’entremettent dans une vente domestique ou une vente à distance intracommunautaire et que le vendeur est établi dans un pays tiers à l’Union européenne (fiction achat-revente). 

Dans cette situation, l’élément déterminant est le lieu d’établissement du vendeur. Elle recouvre les cas dans lesquels le vendeur, qui n’est pas établi au sein de l’Union européenne, a recours à la plateforme pour vendre des biens déjà situés au sein de l’Union européenne au profit de clients non assujettis. La plateforme sera alors tenue de collecter la TVA sur la vente domestique ou la vente à distance intracommunautaire.

Si les plateformes souhaitent bénéficier de l’exonération de TVA d’importation et/ou simplifier leurs obligations déclaratives dans les différents Etats membres, elles auront la possibilité d’utiliser les guichets uniques (OSS et/ou IOSS).

Enfin, il est à noter que les plateformes seront dans l’obligation de tenir au minimum un voire plusieurs registres de toutes les opérations qu’elles facilitent.

A ce stade, il convient de souligner que l’ensemble des administrations des Etats membres n’ont pas encore publié leurs commentaires sur cette réforme. Il conviendra de surveiller si ces transpositions sont toujours en ligne avec les textes communautaires. 

Par ailleurs, la Commission européenne entend faire une première évaluation sur l’efficacité de cette réforme après une première période de mise en œuvre et entend d’ores et déjà travailler sur l’élargissement de l’OSS à d’autres opérations ou sur le caractère obligatoire de l’IOSS.


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