Après Janet Yellen, que va nous dire Jerome Powell ?

Publié le 24 novembre 2017 à 17h45

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

Donald Trump l’a voulu, Jerome Powell (Républicain) n’a pas dit non : il sera auditionné le 28 novembre par le Congrès, et sa confirmation ne devrait pas poser de problème (mais restons prudents !). Le 1er février 2018, il succédera à Janet Yellen comme président du Comité de politique monétaire de la Federal Reserve, banque centrale américaine (le FOMC de la Fed). Janet pourrait rester au Board jusqu’au 31 janvier 2024, mais elle vient d’envoyer sa lettre de démission à partir de cette date ! Pas de surprise donc.

La Fed va profondément changer. Déjà, le Congrès ne voulait pas remplir les quatre postes vacants, comme pour le poste de la Cour suprême. Le message anti-Obama était clair. Déjà Stanley Fischer, le numéro deux, est parti, devançant largement la fin de son mandat. Puis Janet. Suit William Dudley, président de la Fed de New York et, en tant que tel, votant permanent au FOMC. Il part mi-2018, contre fin janvier 2019 normalement. Et pas sûr que Lael Brainard résiste jusqu’au 31 janvier 2026 !

Déjà, Randal Quarles (Républicain) qui a le titre de Vice Chair for Supervision, autrement dit numéro deux en attendant un autre Vice Chair plus économiste de métier, vient de s’exprimer le 7 novembre. Au séminaire annuel de l’association bancaire américaine, il a dit vouloir simplifier les tests de résistance (stress tests) bancaires et en renforcer la transparence (une consultation publique va être lancée). Il veut une approche «revue» de la supervision bancaire et un «desserrement» du ratio de liquidité (liquidity coverage ratio). S’il note que le ratio de levier (leverage ratio) a montré son utilité depuis la crise, il ajoute que son «recalibrage» est envisageable.

Premier volet de la nouvelle Fed, la déréglementation bancaire est en marche. Il s’agit de permettre plus de crédit bancaire dans les banques régionales et plus d’opérations dans les banques d’investissement. Le tout dans une économie qui croît quand même à 3 %, avec un taux de chômage à 4,1 %, et où la dette privée est le double du PIB !

Ce n’est pas tout, Jerome Powell n’a pas été choisi seulement pour sa préférence politique ou son expertise bancaire : il est business-friendly. Il devrait épauler la stratégie de soutien à la croissance de Donald Trump. Il veut (sans le dire, souhaitons-le !) que la Fed l’aide à aller vers 3,5 % ou 4 % de croissance, escortant les baisses d’impôts pour les ménages et les entreprises qu’il prévoit. Mais, en matière fiscale, on baisse les impôts pour faire repartir l’économie, pas quand elle est en plein emploi ! Jerome Powell va devoir intégrer cette nouveauté théorique. En sus, Donald Trump veut soutenir la croissance par des mesures protectionnistes. Mais elles peuvent accentuer la pénurie de main-d’œuvre, notamment qualifiée, augmenter les salaires, autrement dit plutôt réveiller l’inflation que réduire le déficit extérieur ! Là aussi, Jerome Powell est attendu.

Quel discours et quelle stratégie de taux d’intérêt adopter pour soutenir encore la bourse après la dernière hausse de taux de Janet Yellen, mi-décembre ? Sachant en outre que la Fed va diminuer son portefeuille obligataire mi-2018, poussant les taux longs à la hausse ! Et quand le déficit budgétaire va monter ! Jerome Powell devra donc parler de croissance surtout, en insistant sur la modération inflationniste à moyen terme qu’elle permettra, au-delà de dépassements transitoires. Nous voilà prévenus.

Son discours pourrait être qu’une politique plus accommodante (sans trop le dire), permettra d’augmenter la croissance potentielle. La politique fiscale, plus le rapatriement fiscalement encouragé des profits des multinationales, plus une politique extérieure protectionniste, pourraient ainsi augmenter les taux d’emploi et d’investissement, donc réveiller de la productivité. Alors, le creusement du déficit extérieur devrait se résorber, même si ceci prend dix ans, l’économie américaine s’embarquant sur un nouveau sentier de croissance. Plausible, pas facile, pas très Républicain !

Les marchés attendront donc l’économiste qui va escorter Jerome Powell. Pas John Taylor, qui monterait trop les taux ! Plutôt des Républicains doux : Hubbard, Clarida ou Mankiw. Tout dépendra de l’attelage : attention au krach obligataire ! Ce ne sera pas facile de dire aux marchés que les Républicains sont devenus plus colombes que Janet Yellen ! Et pour le prouver et faire monter très graduellement la courbe des taux : deux hausses de taux, seulement, en 2018 ?

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

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