Bulle de la City et place de Paris

Publié le 15 juillet 2016 à 11h03    Mis à jour le 15 juillet 2016 à 12h36

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

Le Brexit a déclenché le dégonflement de la bulle de la City. Un pschitt plus qu’une explosion, puisque les premiers effets ont été violents, mais limités dans le temps. Pour des raisons plus politiques que financières, David Cameron a en effet utilisé un fantastique coupe-circuit. Il a laissé à son successeur trois mois (au moins) pour presser sur le bouton «article 50» de demande de sortie de l’Union.

Heureusement que David Cameron a ainsi laissé à d’autres la tâche de tirer les conséquences de sa belle idée du référendum ! Heureusement qu’il a laissé, en même temps, aux marchés et aux opérateurs le temps de peser ce qui pourrait se passer, pour ne pas plonger encore, comme au cours des premières heures. Mais ce qui a été arrêté va se poursuivre, certes plus lentement, mais plus sûrement. Il s’agit de le canaliser et d’en tirer profit pour la zone euro au début, ce qui devrait ensuite aider tout le monde. La City était grosse, trop grosse.

La livre restera sous pression. Son statut de monnaie mondiale est écorné, celui de monnaie de facturation affaibli et plus encore celui de monnaie de réserve. En même temps, les valeurs bancaires, financières et immobilières vont souffrir. A Londres, les bulles de l’immobilier résidentiel et de bureau, puis celles des salaires et bonus vont se dégonfler. Les patrons d’entreprises bancaires et financières vont revoir leurs plans d’activités, cesser d’embaucher (on ne sait pas trop), commencer à réduire la toile (on ne sait jamais) et à aller voir ailleurs (ceci ne coûte rien, d’autant que tout le monde déroule le tapis rouge).

En effet, une bataille va se livrer entre places européennes, surtout Francfort et Paris contre Londres. On va se demander pourquoi des banques et opérateurs financiers situés hors du marché unique auraient droit au «passeport financier» qui permet d’y travailler. Les lobbies et les politiques britanniques vont se battre sur le sujet. En face, cela a commencé : écoutons le gouverneur de la Banque de France et le président Hollande. Ce «passeport» est décisif.

Mais la bulle de la City se dégonflera d’autant mieux, et avec plus de sécurité pour tous, si la BCE décide de soutenir plus nettement la place de l’euro dans la zone euro. La City devient une place offshore, comme Singapour, à part que c’est la première place du monde. Comment et qui va vérifier et réguler ses opérateurs ? Et que se passera-t-il en cas de problème ? La Banque d’Angleterre ne peut être prêteur en dernier ressort des mastodontes qu’elle abrite. La dernière crise a montré les risques qui pesaient sur la Suisse, conduisant à la diète d’UBS et de Crédit Suisse.

Surtout, cette bulle se dégonflera d’autant mieux si elle sait où aller. Si Paris et Francfort offrent des facilités, des compétences, des tiers de confiance, alors les mouvements se feront au mieux, permettant une moindre polarisation de la finance mondiale et un rapprochement avec les grandes monnaies.

La place de Paris qui a beaucoup souffert par rapport à Londres, elle qui a quatre banques systémiques mondiales, a un rôle décisif à jouer. Il s’agit d’offrir des espaces et des logements, des transports et des facilités de réunions et de colloques. Paris est prête à relever le défi. Il s’agit de mobiliser les experts-comptables et les experts financiers, les juristes et les fiscalistes, les matheux et les fintechs. Or Paris en exporte. Il faudra veiller à les garder, ce qui est largement fiscal.

Le statut de l’impatrié devra être revu et étendu dans le temps : on vient de promettre huit ans contre cinq. Il faut l’acter. Il faudra réduire la taxe sur les salaires bancaires, oublier la taxe européenne sur les transactions financières et réduire, dans le temps, la fiscalité des entreprises.

Si Paris ouvre la marche de cette nouvelle logique, non seulement elle réduit le choc post-Brexit et stabilise la zone euro, mais elle sera la première à en bénéficier.

Et si Paris ne comprend pas, Francfort le fera, avec Dublin ou Luxembourg pour des activités plus spécialisées (gestion d’actifs).

Qu’on ne vienne pas, alors, nous dire que la finance est dangereuse, puisque les risques France seront plus importants, avec le chômage et le départ des talents, dans une zone euro que nous aurons stabilisée !

Les Anglais, eux, ont fait le Brexit, et vont s’en relever. Et nous, nous aurions fait à la fois le Frexit, l’exit de la France, et le Francin, le in dans Francfort !

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

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