Libéral : c’est mal ?

Publié le 3 février 2017 à 16h02    Mis à jour le 3 février 2017 à 18h22

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

Etre libéral n’est pas perçu de la même manière selon les pays. C’est très mal en France, où l’on est immédiatement classé comme de droite, thatchérien, sans considération pour la «casse sociale» et la montée des inégalités. C’est mal aux Etats-Unis, où le terme est cette fois synonyme de gauche, de «largesse d’esprit», de «mœurs dissolues». Ce n’est pas si mal, mais daté, au Royaume-Uni, avec un parti qui eut Churchill et Keynes comme membres. Il se décrit aujourd’hui comme «centriste-radical». Opposé au Labour, il est assez faible.

Le «pire» est donc en France. Et pourtant, la pensée libérale y est née, de gauche au fond, avec Quesnay pour lutter contre les corporations, avec Turgot contre les corvées et les privilèges, avec la Révolution française contre les monopoles. Cela en attendant Say ou Walras (socialiste), liste non limitative. Et pourtant, c’est seulement ici, aussi, que s’est fait le lien entre la philosophie du Siècle des Lumières et l’éthique de la responsabilité économique et sociale, dépassant une vision anglaise utilitariste. Cette double avancée a été perdue, par importation du marxisme puis du keynésianisme, jusqu’à sa quasi-répudiation.

Et ce «pire» pourrait revenir ! Les débats sur le libéralisme renaissent en effet, à toutes les échéances électorales. Mais, cette fois, il sera plus difficile de les faire disparaître. Le socialisme de François Hollande se définissait en fin de mandat comme «social-libéral», François Fillon accepte le mot, Emmanuel Macron se veut au fond «libéral-central». Le libéralisme va donc polariser les attaques, en économie avec les discussions sur les horaires dans l’entreprise, sur les effectifs dans l’école et le secteur public et plus encore sur l’évolution du système de santé. Va-t-il en mourir ?

En fait, le libéralisme, c’est l’open data et la liberté, l’information et le choix. Pour éviter des débats d’autant plus violents qu’ils éludent l’essentiel, la seule voie, en économie, est celle des informations sur ce qui se passe vraiment, ici et ailleurs. Quels sont les vrais horaires de travail dans les administrations, les secrétariats des universités, mairies et hôpitaux ? Quelles sont les vraies rémunérations dans le privé et le public ? Personne ne sait, tout le monde se plaint. Pour réduire les tensions et unifier le corps social, il faut éclairer les inégalités indues et réduire les statuts et autres silos qui les créent. Mais quelles inégalités ? La preuve qu’elles sont fortes est qu’elles échappent en fait à toute mesure. C’est pourquoi il faut aller vers un contrat de travail type, précisant les droits à la retraite, au chômage et les compléments de rémunération (actions gratuites, actionnariat salarié et compléments de retraite) qui augmentent avec les années de présence et les succès, de la personne et de l’entreprise. C’est mieux que le maquis actuel ! La complexité, avec ses coûts et ses rancœurs, est la contrepartie d’un dialogue social faible, d’une société salariale opaque et fractionnée.

Ça fait mal, le libéralisme ? Plutôt oui au début, si le «taux de fonctionnarisation» social, économique, fiscal et financier du pays est élevé. Cela dépend aussi du «degré de libéralisme» et du calendrier des mesures envisagées, des explications fournies et de la volonté de changer des responsables et surtout de la population. C’est encore pire si les «contre-informations» fusent de partout… Il n’en reste pas moins qu’il faut trouver chaque jour, en France, 800 millions d’euros pour rembourser la dette, dont 550 millions à l’extérieur… de quoi se faire du souci ! Or la solution «non libérale» par la hausse des impôts a passé ses limites. Une part du capital qui se juge trop taxée ou qui ne veut pas l’être (start-up) s’en va, une autre reste au-dessous de ce qu’elle pourrait faire (et embaucher). L’impôt a tué l’impôt, la croissance et l’emploi avec. Mais ce n’est pas pour autant que les non-libéraux sont convaincus de faire machine arrière, au contraire…

Ce qui est nouveau, c’est la crise de l’opposition «viscérale» au libéralisme, par crise des propositions du «socialisme» lui-même. Faut-il une «France nordique», avec plus d’impôt ? Impossible pour des raisons de culture : égalité n’est pas égalitarisme. Faut-il une France du revenu universel ? Impossible pour des raisons de dette. Une France plus social-libérale qu’aujourd’hui ? Impossible pour des raisons d’efficacité : ne pas choisir se paye en croissance et en paix sociale. Le libéralisme alors ? Il ne nous resterait plus que ce que nous avons inventé !

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

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