Un QE nommé Espoir

Publié le 27 février 2015 à 15h02    Mis à jour le 4 mars 2015 à 9h37

Hervé Goulletquer

Revenons sur la décision de la BCE de lancer un programme d’achat de titres (quantitative easing). On sait pourquoi elle a décidé de le faire : parce qu’elle ne remplissait pas son mandat et que les informations de marché envoyaient le message d’une difficulté persistante à atteindre l’objectif. Cela fait déjà deux ans que les évolutions observées divergent par rapport au mandat de maintenir l’inflation à un niveau «proche mais inférieur à 2 %». Et le swap d’inflation cinq ans est aujourd’hui inférieur à 1,70 %.

On a aussi une idée des implications de marché du programme qui débutera en mars de cette année : d’une part, un «bull flattener» des courbes de taux, qui pousse les taux à des niveaux significativement inférieurs à ce que les fondamentaux de moyen terme suggéreraient (l’offre de papiers à mettre en face de la demande de l’Eurosystem sera vraisemblablement trop faible ex ante et l’équilibre se fera donc par une montée des prix) et, d’autre part, une réduction sans doute excessive des primes de risque sur les actifs risqués, au vu une fois encore des fondamentaux. Par ailleurs, la baisse des taux d’intérêt devrait justifier une faiblesse prolongée du taux de change de l’euro. A contrario, la perspective de prix d’actifs orientés à la hausse, dans un contexte d’excédent de la balance courante, peut contrecarrer cette perspective. 

Le passage d’une dynamique de marché anticipée à des perspectives en termes d’économie réelle n’est pas très facile à décrire. C’est pourtant par cette courroie de transmission que davantage d’inflation peut apparaître. Des taux d’intérêt toujours plus bas devraient participer à un «réveil» de la demande de crédit, condition nécessaire à plus de croissance économique sur la durée. Mais un niveau de dette toujours élevé – n’a-t-il pas augmenté au cours de la «grande récession», dont l’origine viendrait d’un excès d’endettement, selon l’explication la plus courante ? – est au moins partiellement un obstacle à ce redémarrage du crédit. Quelle synthèse entre l’effet stock de dette – excessif – et l’effet coût des emprunts – modique ? Il y a une inclination à considérer que la fringale de crédit restera mesurée. Des marchés financiers bien orientés vont-ils par ailleurs inciter les ménages à moins épargner et donc à plus consommer ? Le schéma semble avoir de la cohérence. Hélas, l’idée d’un effet richesse en Europe continentale n’est que peu corroborée par les études sur le sujet. Le poids des actifs, comptabilisés en marked to market ou dont on peut extraire une capacité de dépense supplémentaire d’un surcroît de valorisation, est plus faible qu’aux Etats-Unis. A ce double titre, en termes de croissance et, dans le sillage, d’inflation, la traduction des mouvements de marché attendus serait modeste. Toutes choses égales par ailleurs, et pas seulement pour des raisons de baisse du prix du pétrole – qui de plus a peut-être déjà atteint son point bas –, la perspective d’un retour du glissement sur un an des prix à la consommation dans la zone euro vers la cible de 2 % ne semble pas être en vue. 

Par-delà le «vieux principe» de politique économique qui veut qu’on utilise un instrument pour atteindre un objectif, la complexité, ou pour mieux dire l’exceptionnalité, de la situation actuelle oblige à faire davantage «flèche de tout bois» et à le faire au bon moment. Cela veut dire mixer les initiatives monétaires, budgétaires et structurelles et lancer le tout quand la réaction des marchés peut être d’une ampleur certaine. On en est loin hic et nunc. 

Un dernier point : suivre ce «manuel» à la lettre garantirait-il le retour de l’inflation autour de 2 %, norme définie dans les années 1990 ? Face à des économies plus flexibles et toujours ouvertes à la concurrence internationale et face à des perspectives de croissance somme toute modestes, rien ne dit que l’objectif est atteignable. 

Hervé Goulletquer

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