Gestion d’actifs

Des bonus sous pression en 2017

Publié le 14 avril 2017 à 17h09    Mis à jour le 14 avril 2017 à 18h11

Nathalie Halpern

Les bonus versés aux gérants d’actifs en ce début d’année au titre de l’exercice 2016 n’ont globalement pas progressé par rapport aux montants obtenus l’an dernier. Sur fond de restructurations des banques et de nouvelle réglementation, les rémunérations variables vont rester en berne.

Elle était là, perceptible, comme chaque année, à la fin du mois de mars, période de versement des bonus. Une certaine fébrilité régnait chez les gérants d’actifs alors qu’ils s’apprêtaient à recevoir leur rémunération variable. Globalement, les bonus 2016 versés en ce début d’année 2017 n’ont toutefois pas progressé par rapport aux montants versés l’an dernier. «Les bonus sont, en moyenne, en ligne avec ceux obtenus en 2016, voire progressent légèrement, de 5 % à 10 %, estime Odile Couvert, présidente d’Amadeo Executive Search, un cabinet de recrutement. L’âge d’or des très fortes croissances est désormais révolu.» Son constat est partagé par d’autres chasseurs de têtes. «Les rémunérations variables 2016 ont globalement stagné par rapport à l’année précédente, de même que les salaires fixes versés en 2016», confirme Jean-Baptiste Gamel, consultant senior chez Fed Finance.

La situation est cependant très variable d’une classe d’actifs à l’autre.«Certains gérants spécialisés sur les segments les plus porteurs en 2016, notamment sur le crédit, ont pu voir leur bonus progresser significativement», estime Romain Boisnard, associé chez Tillerman, un cabinet de recrutement. Ceux dédiés aux obligations à haut rendement ou high yield ont notamment réalisé de belles performances, tout comme les spécialistes de la dette privée (leveraged loan, dette subordonnée). Ces professionnels ont ainsi généralement obtenu des bonus plus élevés que la moyenne du marché. En revanche, la situation est plus contrastée pour les gérants sur les marchés actions sur fond de forte volatilité en 2016. Les inquiétudes autour du Brexit ont pesé sur les bourses européennes, tandis que leurs homologues américaines ou émergentes, malgré les risques liés aux élections américaines, ont progressé (le S&P 500 de 9,5 % en 2016 tandis que le MSCI Emerging Markets a enregistré une hausse de 8,6 %). «Les performances et donc les bonus des gérants actions ont été très variables selon les marchés», commente Odile Couvert. Enfin, les performances enregistrées sur les marchés monétaires ont été globalement en berne, alors que les taux d’intérêt ont atteint des plus bas historiques. «Les performances des gérants y ont été globalement négatives», juge Odile Couvert.

L’évolution des bonus dépend également beaucoup de la structure de la société de gestion. Dans les grandes sociétés de gestion d’actifs, filiales de groupes bancaires, les rémunérations variables sont souvent très encadrées, en raison de la pression réglementaire qui n’a cessé d’augmenter sur les banques en matière de rémunération, dans le sillage de CRD4 et de la directive AIFM entrée en application début 2016.

D’autre part, sur fond de perte ou de baisse de leurs résultats, nombre de banques européennes ont annoncé des réductions de leurs bonus en 2016. Deutsche Bank a prévu une contraction de 80 % du montant des rémunérations variables, UBS de 17 %, et HSBC de 12 %. En France, chez BNP Paribas, l’enveloppe des bonus devrait baisser de 10 % en Europe. Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que les primes des gérants d’actifs travaillant dans de grandes sociétés de gestion, filiales de banques, soient sous pression.«Dans ces grandes sociétés de gestion, les bonus ne dépassent souvent pas de 30 % à 50 % du salaire fixe, estime Romain Boisnard, de Tillerman. En revanche, les sociétés de gestion indépendantes, non affiliées à un groupe bancaire, versent souvent des rémunérations variables bien plus élevées, qui dépassent encore 100 % de la rémunération fixe.» Ainsi, un gérant senior avec dix ans d’expérience, qui reçoit en moyenne entre 80 000 euros et 130 000 euros de salaire fixe annuel, perçoit un bonus s’élevant en moyenne de 30 % à 50 % de cette rémunération fixe s’il travaille dans une grande société de gestion. Son bonus s’élèverait à plus de 100 % du fixe dans une société indépendante.

L’impact d’OPCVM 5

Cette politique de rémunération très généreuse devrait toutefois bientôt être révolue. Les rémunérations variables de gérants d’actifs vont être beaucoup plus encadrées à partir de cette année. La directive européenne OPCVM 5, entrée en vigueur en janvier dernier, et qui s’appliquera aux bonus 2017 versés début 2018 par les sociétés de gestion d’actifs, prône un «équilibre approprié» entre les composantes fixe et variable des gérants d’actifs. Pour éviter «les excès», le paiement d’au moins 40 % de la rémunération variable sera étalé sur au minimum trois ans. 50 % de l’ensemble des bonus seront d’autre part indexés sur les performances des fonds gérés. Enfin, cette réglementation instaure plus de transparence sur les rémunérations variables (voir encadré).

Face à ces nouvelles règles, la pression va s’accroître sur les bonus des gérants. Les sociétés indépendantes doivent revoir leur politique de rémunération, dès cette année. Quant aux grandes sociétés de gestion d’actifs, qui ont souvent anticipé les nouvelles règles, elles doivent désormais l’appliquer en totalité, pour tous les gérants concernés. Dans un tel environnement, 2017 risque d’être placé sous le signe de l’incertitude en matière de bonus en France. «Les sociétés de gestion d’actifs vont se concentrer sur la mise en œuvre d’OPCVM 5», estime Romain Boisnard, de Tillerman. L’écart entre les montants des bonus versés par les sociétés de gestion européennes et les sociétés anglo-saxonnes risque encore de se creuser, d’autant que le Brexit, initié le 29 mars, pourrait permettre aux Britanniques de s’affranchir de certaines règles. «Avec le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, les sociétés britanniques de gestion d’actifs vont-elles appliquer OPCVM 5 sur les rémunérations variables ? Probablement pas. L’écart entre les rémunérations variables de gérants d’actifs à Londres et à Paris risque encore de s’accroître, rendant la place financière parisienne encore moins attractive pour les gérants», estime un professionnel. Alors que les bonus des gérants européens sont plus que jamais sous pression, ceux des gérants anglo-saxons pourraient continuer de s’envoler.

Des opportunités pour les gérants crédit expérimentés et les risk managers

  • En 2017, les recrutements dans la gestion d’actifs devraient rester très ciblés sur certains métiers. «Les bons gérants crédit sont toujours très recherchés, souligne Romain Boisnard, associé chez Tillerman, un cabinet de recrutement. Ce sont plutôt des profils seniors, avec 8 à 10 ans d’expérience, qui sont demandés.»
  • Les «risk managers» ont également la cote compte tenu des nouvelles contraintes réglementaires auxquelles doivent faire face les sociétés de gestion. «Ils sont de plus en plus recherchés, alors que nous sommes confrontés à une pénurie de candidats expérimentés», constate Jean-Baptiste Gamel, consultant senior chez Fed Finance. Résultat : leurs salaires fixes augmentent. «Un risk-manager avec sept à huit ans d’expérience gagne en moyenne entre 70 000 euros et 80 000 euros de salaire fixe», souligne Jean-Baptiste Gamel.

Vers plus de la transparence sur les rémunérations

La directive OPCVM 5 vise aussi à améliorer la transparence sur la politique de rémunération des sociétés de gestion d’actifs. A partir du 31 décembre 2017, celles-ci seront notamment obligées de mentionner dans leur rapport annuel le montant total des rémunérations fixes et variables payées à leur personnel durant l’exercice et le nombre de bénéficiaires, ainsi que le montant agrégé des rémunérations, ventilé par catégorie de salariés. La manière dont les rémunérations et les avantages ont été calculés devra également y être décrite.

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