Ressources humaines

Forte vague de recrutements dans la gestion d’actifs

Publié le 17 décembre 2021 à 15h05

Sandra Sebag    Temps de lecture 10 minutes

Dans un contexte de marchés porteurs, les sociétés de gestion ont augmenté en 2021 leurs effectifs dans tous les domaines, recrutant aussi bien des gérants que des spécialistes du commerce/marketing, ou du contrôle des risques et de la conformité. 2022 s’inscrit dans la même tendance, ce qui augure de possibles difficultés pour trouver les bons profils.

La crise sanitaire n’aura pas enrayé la demande de spécialistes de la gestion d’actifs. Au contraire même, l’activité Ressources humaines des sociétés de gestion n’a pas connu un tel dynamisme depuis plusieurs années. « Les recrutements sont nombreux, tout comme les opportunités de changer de poste », précise Renaud Pechoux, associé chez Themis Executive. Tous les cabinets de recrutement sont unanimes à ce sujet. « La gestion d’actifs sort renforcée de la crise sanitaire, précise Odile Couvert, associée chez Amadeo Executive Search. En tant que spécialistes du recrutement, nous avons été beaucoup sollicités ces deux dernières années. »

Cette embellie est liée à plusieurs facteurs. D’abord, elle est le fruit de la très belle performance enregistrée sur les marchés actions. Ces deniers sont en effet nettement orientés à la hausse depuis la sortie du premier confinement, le CAC 40 par exemple a dépassé l’an dernier à plusieurs reprises les 7 000 points. Dans ce contexte, la collecte se porte principalement sur les actifs à risque (actions, high yield, solutions d’investissement…) dans l’univers des titres cotés, mais aussi non cotés. Les flux ont ainsi été impressionnants en 2021 dans le capital-investissement, l’immobilier et les infrastructures. Toutes ces classes d’actifs – contrairement aux produits de taux – sont particulièrement rémunératrices pour les sociétés de gestion, ce qui les incite à investir, notamment en ressources humaines.

«A la sortie de l’école, les juniors peuvent prétendre à des salaires fixes dans une fourchette comprise entre 40000 et 45000 euros contre 35000 avant la crise sanitaire. »

Renaud Pechoux Associé ,  Themis Executive

Une reprise par étapes

Cette accélération dans les recrutements intervient après une première partie de l’année 2020 durant laquelle le premier confinement a tétanisé un grand nombre de professionnels. Face au contexte inédit de la crise sanitaire, les salariés se sont révélés prudents et n’ont pas cherché à changer de postes, alors que de leur côté les directions des ressources humaines (RH) comme les managements étaient plutôt concentrés sur la gestion au quotidien des équipes. De même, les spécialistes notent un déficit en matière de nouveaux entrants. « Les étudiants en école d’ingénieurs, en école de commerce et en Master n’ont pas tous pu réaliser en 2020 leurs stages de fin d’études. Or, ces stages sont importants car ils permettent de recruter un vivier de nouveaux talents », précise Renaud Pechoux.

Des retards ont ainsi été pris en matière de recrutements en 2020 que les sociétés de gestion tentent toutes – quelle que soit leur taille – de rattraper depuis plus d’un an. « Si les grands groupes ont poursuivi leurs recrutements depuis 2020, les petites sociétés de gestion ont attendu d’avoir plus de visibilité, explique Karine Favreau, directrice associée finance de marché & private equity chez Fed Finance. Mais, depuis le mois de juin, ces dernières sont devenues très actives en termes de recrutement. »

Les besoins sont ainsi nombreux dans toutes les catégories de poste : commerciaux, spécialistes du maketing et de la communication, contrôleur des risques, gérants et analystes, etc. Pour les commerciaux et les communicants par exemple, il s’agit de trouver des salariés avec des profils techniques qui puissent répondre aux besoins de la clientèle. « Les sociétés de gestion sont à l’affût de candidats dans le marketing, les relations investisseurs et pour la gestion des appels d’offres », précise Renaud Pechoux. Il s’agit aussi de partir à la conquête de nouveaux marchés : les family offices/multi-family office ou encore la clientèle étrangère. Les profils internationaux et/ou a minima maîtrisant parfaitement l’anglais intéressent des sociétés de gestion qui débordent maintenant largement du cadre national, ou des acteurs étrangers qui s’implantent aussi en France. « Les sociétés de gestion françaises se portent bien et cherchent à se développer, elles ont donc besoin de commerciaux experts, confirme Odile Couvert. De même, le marché français attire des acteurs étrangers qui ont besoin de commerciaux pour accroître leur présence, voire pour s’implanter. Nous avons accompagné récemment des sociétés de gestion allemandes et suisses qui veulent investir le marché français. »

Le développement des sociétés de gestion s’accompagne aussi d’un renforcement des procédures internes. Les opportunités concernant les métiers de contrôle des risques sont ainsi également nombreuses. « La consolidation des petites structures qui s’est accélérée ces derniers mois conduit les acteurs à davantage se professionnaliser, ils recrutent alors sur des créations de postes dans les métiers du contrôle des risques et de la conformité », détaille Karine Favreau.

Enfin, les sociétés de gestion recherchent des spécialistes pour leur cœur de métier, la gestion et l’analyse, pour faire face à la hausse de la collecte, mais aussi pour répondre aux nouveaux besoins des investisseurs, soucieux notamment de verdir leurs portefeuilles. « Les sociétés de gestion se développent dans la gestion ESG et la gestion thématique et recrutent donc des gérants et des analystes dans ces domaines », poursuit Renaud Pechoux. Les gérants spécialisés dans les actifs réels/illiquides sont également très recherchés.

«Le confinement a popularisé le télétravail qui était peu utilisé par les sociétés de gestion. De ce fait, elles ont été obligées de devenir plus flexibles en matière d’organisation du travail. »

Karine Favreau Directrice associée finance de marché & private equity ,  Fed Finance

Des salaires en hausse

Les besoins sont d’ailleurs tels dans certains de ces domaines qu’il devient parfois difficile de trouver des collaborateurs. « Il existe des tensions en matière de recrutements sur certains métiers en particulier ceux liés aux actifs réels et à l’impact investing », précise Christel Bapt, co-fondateur et président de Cedrus & Partners. Les grands acteurs dans le domaine du capital-investissement, par exemple, recrutent massivement : Eurazeo, notamment, aurait embauché l’an dernier quelque 90 salariés ! De même, pour consolider ou developper leur marque dans l’ISR et l’impact, toutes les sociétés doivent maintenant disposer d’expertises et constituer des équipes à cet effet pour celles qui n’en avaient pas, et les renforcer pour les autres, par le biais de formations, mais le plus souvent de recrutements extérieurs. Selon eFinancial careers, spécialisé dans les recrutements du secteur de la finance, les embauches dans la gestion d’actifs en France ont fait un bond de 19 % en 2020 !

Face à ces tensions sur le marché du travail, les sociétés de gestion sont parfois obligées de revoir les salaires à la hausse. C’est le cas pour les profils juniors qui sont directement embauchés à la fin de leurs études. « A la sortie de l’école, les juniors peuvent prétendre à des salaires fixes dans une fourchette comprise entre 40 000 et 45 000 euros contre 35 000 avant la crise sanitaire », constate Renaud Pechoux. Mais ce sont surtout les spécialistes affichant une certaine expérience qui sont particulièrement prisés. « Les professionnels avec 7 à 10 ans d’expérience, âgés entre 28 et 35 ans, sont actuellement recherchés, en particulier ceux disposant de profils techniques, souligne Odile Couvert. Nous constatons une légère inflation sur ces profils. » 

Les métiers autour de l’asset management également favorisés

La belle dynamique autour des actifs réels ne soutient pas seulement les recrutements dans les sociétés de gestion, mais également dans l’ensemble de l’écosystème comme en témoigne l’exemple de Cedrus & Partners. Ce prestataire de services d’investissement identifie ou conçoit des solutions d’investissements pour les investisseurs institutionnels, les family office, les banques privées, les fondations et les conseillers en gestion de patrimoine. « Depuis deux ans, nos effectifs ont augmenté de plus de 50 % et nous pensons poursuivre sur cette dynamique, précise Christel Bapt, co-fondateur et président de la société. Nous envisageons 5 à 6 recrutements en 2022. » Pour attirer des talents, le groupe indépendant met en avant une approche globale en matière de ressources humaines. « Nous avons mis en place depuis longtemps une politique d’intéressement et nous rémunérons nos experts en fonction de la performance. Le salaire variable peut ainsi représenter jusqu’à 75 % du salaire fixe pour certains managers, détaille Christel Bapt. De plus, nous proposons régulièrement des formations et offrons des conditions de travail très souples. » Pour fidéliser les collaborateurs, la promotion interne est également utilisée. « Nous faisons rapidement évoluer les jeunes managers, nous leur proposons des missions qui peuvent constituer un challenge intellectuel et qui ont du sens à leurs yeux », poursuit Christel Bapt. Face à des besoins croissants en matière de recrutement, la société a structuré son organisation afin de trouver des candidats. « Depuis deux ans afin de coller à notre plan de développement, nous faisons appel à un prestataire externe, à qui nous avons confié un plan de recrutement et qui assure une veille afin de trouver les meilleurs candidats », indique Christel Bapt.

De nouvelles demandes en 2022

En effet, chaque mouvement constitue une occasion d’améliorer le package salarial. Selon les sociétés de gestion, ces experts peuvent être rémunérés pour la partie fixe dans une fourchette comprise entre 120 000 et 150 000 euros. Les sociétés de gestion mettent aussi en avant la partie variable de la rémunération, qui ne concerne pas que les bonus. « Les sociétés de gestion communiquent de plus en plus sur leur politique de participation et d’intéressement : dans ce cadre, les primes atteignent de plus en plus souvent des niveaux très élevés et elles ont en plus l’avantage d’être en partie défiscalisées », précise Renaud Pechoux. Ces primes peuvent atteindre en effet des montants conséquents : 50 000 euros dans certaines sociétés de gestion, voire davantage ! Enfin, les recruteurs font des efforts sur les conditions et l’environnement de travail. « Le confinement a popularisé le télétravail qui était peu utilisé par les sociétés de gestion. De ce fait, elles ont été obligées de devenir plus flexibles en matière d’organisation du travail », relate Karine Favreau. Deux ou trois jours de télétravail ne constituent ainsi plus une exception.

En 2022, les cabinets de recrutement ne devraient ainsi pas chômer. « Les sociétés de gestion spécialisées dans le capital-investissement lèvent beaucoup de capitaux qu’elles doivent investir et elles ont besoin pour cela de continuer à renforcer leurs équipes », précise Renaud Pechoux. Mais la clientèle des particuliers constitue aussi un segment porteur pour les recrutements. « Les conseillers auprès des clients privés sont recherchés pour faire face au succès commercial du nouveau plan d’épargne retraite (PER) et répondre à la demande des particuliers qui se tournent plus volontiers vers la Bourse. Les embauches devraient donc se poursuivre dans le domaine de l’épargne salariale et de l’épargne retraite », poursuit Renaud Pechoux. Des opportunités pour les candidats qui devraient se matérialiser rapidement, mais qui en contrepartie risquent de créer davantage de tensions dans les sociétés de gestion. 

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