La lettre de l'immobilier

Septembre 2015

Fiscalité locale : les points de vigilance en cas d’acquisition d’une société foncière

Publié le 21 septembre 2015 à 15h39

Cathy Goarant-Moraglia et Virginie Roche, avocats en fiscalité

Lors de l’acquisition des parts d’une société foncière, il est recommandé de contrôler la situation de la cible au regard de la taxe foncière, des taxes applicables aux locaux situés en Île-de-France, mais également en matière de contribution économique territoriale (CET).

Par Cathy Goarant-Moraglia, avocat associé en fiscalité. Elle intervient dans le cadre de la gestion des impôts locaux grevant les programmes immobiliers ainsi que dans le cadre de restructurations lourdes ou de commercialisations. Elle mène également des missions d’audit, d’assistance, de conseil technique et de défense des entreprises dans tous les secteurs d’activité. cathy.goarant@cms-bfl.com Et Virginie Roche, avocat en fiscalité. Elle intervient plus particulièrement dans les dossiers de conseil et de contentieux en matière de fiscalité locale. virginie.roche@cms-bfl.com

En effet, depuis 2010, les activités de location ou de sous-location d’immeubles nus sont réputées être exercées à titre professionnel et sont désormais passibles de la CET, dès lors qu’elles portent sur des locaux professionnels et que les loyers perçus excèdent 100 000 euros/an.

L’imposition des foncières à la cotisation foncière des entreprises (CFE) a toutefois un effet limité dans la mesure où ces sociétés ne sont redevables que d’une CFE minimum forfaitaire au titre de la simple domiciliation de leur siège social, ou d’une CFE au titre des seuls locaux dont elles disposent pour exercer leur activité de gestion. En effet, ces dernières ne sauraient être imposées au titre des locaux qu’elles proposent et donnent en location.

En revanche, c’est en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) que l’incidence de leur assujettissement est plus impactant, dès lors que les loyers perçus excèdent 500 000 euros. Ces dernières doivent ainsi s’acquitter d’une CVAE pouvant aller jusqu’à 1,5 % de la valeur ajoutée produite, laquelle est essentiellement constituée de la différence entre les loyers perçus et certaines charges d’exploitation, principalement constituées des dotations aux amortissements. Précisons que, comme pour la généralité des entreprises, les impôts fonciers (taxe foncière, taxe annuelle sur les locaux en Île-de-France ainsi que la nouvelle taxe sur les surfaces de stationnement) ne sont jamais déductibles de la valeur ajoutée alors que les produits provenant des refacturations de ces impôts doivent être retenus.

Enfin, la loi a prévu un mécanisme de lissage permettant d’étaler sur dix ans la prise en compte de la valeur ajoutée résultant de l’activité de location ou de sous-location d’immeubles nus (CGI, 1586 sexies II).

La situation semble limpide, mais c’est sans compter sur les velléités de l’administration fiscale qui tente de remettre en cause l’application de ce dispositif de lissage au cas de certaines sociétés foncières, celles qui étaient exclues du champ d’application de la taxe professionnelle jusqu’en 2009.

Bien que cette restriction aux seules foncières non redevables de la taxe professionnelle avant 2009 ne soit pas expressément prévue par les textes légaux, l’administration fiscale se fonde sur l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat de ces dernières années, laquelle considère que certaines sociétés foncières étaient imposables en matière de taxe professionnelle (CE 25/09/2013 n° 350893, CAA de Versailles, 28/05/2014, 13VE03117).

En effet, bien que la location d’un immeuble nu par son propriétaire ne présente, en principe, pas le caractère d’une activité professionnelle au sens du I de l’article 1447 du CGI, cette exclusion souffre deux exceptions lorsque :

  •  le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure (opérations de restructuration ayant conduit à isoler les murs de l’exploitation) ;
  •  le bailleur participe à l’exploitation du locataire (existence de loyers indexés sur le CA du preneur, obligations contractuelles pesant sur le preneur, etc.).

A l’appui de cette jurisprudence, l’Administration tente de qualifier les activités de location exercées par certaines sociétés foncières d’activités «professionnelles par nature» et non de «réputées exercées à titre professionnel», exclues de ce fait du champ d’application du dispositif du lissage.

Cette position, reposant sur cette épineuse question de vocabulaire, critiquable à notre sens, méritera d’être tranchée par le Conseil d’Etat, dès lors qu’elle fait déjà l’objet de multiples contentieux en cours.


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