La lettre de l'immobilier

Février 2019

Renouveau de l’offre hôtelière : quelles problématiques juridiques et fiscales ?

Publié le 8 février 2019 à 12h17

Philippe Riglet, Céline Cloché-Dubois et Armelle Abadie

«Dans le cas des nouveaux types d’hébergements hôteliers […], doit-on alors considérer que les surfaces dédiées au coworking sont des locaux accessoires aux chambres d’hôtel ?»

Philippe Riglet, avocat associé en droit immobilier, Céline Cloché-Dubois, avocat counsel en droit de l’urbanisme et de l’environnement et Armelle Abadie, avocat counsel en fiscalité

Après une période de standardisation des produits hôteliers qui avait vocation à rassurer le consommateur, ce secteur se heurte à un besoin croissant d’expérience exclusive et inclusive1. La proposition d’hébergement hôtelier est aujourd’hui en plein renouvellement. 

Sont ainsi désormais proposés des immeubles alliant de multiples fonctions et usages, des concepts hybrides et modulables. Si les nouvelles propositions d’offres en hébergement reposent toujours sur des fondamentaux simples et communs d’hébergement, elles s’accompagnent désormais de diverses propositions de services alliant mixité et souplesse : espaces de coworking ; vitrines commerciales (restauration, bien-être, etc.) reposant sur un véritable aspect communautaire, écologique, artistique ou culturel ; co-living assemblant des chambres en colocation, des studios, des T2 au service d’une communauté incluant diverses prestations (cinéma, salle de sport, salle de jeux, espaces bureaux selon les cibles de clientèle).

Ces nouveaux concepts d’hébergement hôtelier combinant une mixité d’usages ne sont pas sans poser de véritables questionnements juridiques et fiscaux à plusieurs titres. 

Du point de vue du droit immobilier

Le droit de l’urbanisme repose sur les destinations et sous-destinations des constructions. Des règles distinctes (hauteur, emprise au sol, stationnement, etc.) sont énoncées par les plans locaux d’urbanisme (PLU) selon ces destinations et sous-destinations. Pour rappel, le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 à opéré une réécriture de la partie règlementaire du Code de l’urbanisme relative aux destinations des constructions. En application des lois ALUR et ACTPE, coexistent ainsi, aujourd’hui, cinq destinations2 et vingt sous-destinations telles que prévues par les articles R.151-27 et R.151-28 du Code de l’urbanisme. 

Par principe, et ainsi que cela ressort de l’article R.151-29 du Code de l’urbanisme, les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination et sous-destination que le local principal, même si le code reste silencieux sur les seuils à partir desquels un local doit être considéré comme accessoire au bâtiment principal. Certains PLU établissent donc des règles de surfaces de plancher spécifiques à partir desquelles un local est considéré comme accessoire et doit donc se voir attribuer la même destination ou sous-destination. 

Dans le cas des nouveaux types d’hébergements hôteliers mixant, par exemple, chambres d’hôtel et espaces de coworking, doit-on alors considérer que les surfaces dédiées au coworking sont des locaux accessoires aux chambres d’hôtel ? Il est certain que, pris séparément, les chambres d’hôtel relèvent de la destination «commerce et activité de service» et de la sous-destination «hébergement hôtelier et touristique»3, alors que les espaces de coworking relèvent quant à eux de la destination «autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire», sous-destination «bureau».

De façon plus aigüe, le co-living pose la question de son appartenance à la destination «habitat», sous-destination «logement» ou à la destination «commerce et activité de service», sous-destination, «hébergement hôtelier et touristique» et ce, notamment, en fonction de la durée des séjours.

L’originalité de ces nouveaux concepts risque de se heurter à la rigidité des règles impératives du droit français en matière de baux d’habitation. Rappelons que la loi ALUR du 24 mars 2014 a institué un corpus de règles impératives applicables à la location meublée lorsqu’elle constitue la résidence principale du locataire, laquelle s’entend du logement occupé au moins huit mois par an. N’échappent donc à cette contrainte que les baux conclus pour une durée inférieure à huit mois, les baux consentis à un étudiant et, depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, le bail dit «bail mobilité» qui peut être conclu pour une durée comprise entre un mois et dix mois mais uniquement au profit d’un locataire justifiant être en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage, en engagement volontaire dans le cadre d’un service civique, en mutation professionnelle ou en mission temporaire, ce qui élargit les possibilités, mais reste néanmoins restrictif.

Du point de vue du droit fiscal et de la TVA en particulier

Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation sont en principe exonérées de TVA en vertu du premier alinéa de l’article 261 D, 4° du Code général des impôts (CGI). Cette exonération comporte néanmoins des exceptions. Par dérogation, les activités hôtelières et toutes celles qui concurrencent l’hôtellerie traditionnelle sont soumises à la TVA. 

Les loyers perçus au titre de la location d’un immeuble à usage d’hôtel sont donc soumis à la TVA de plein droit puisque la destination du logement meublé remplit les critères d’une activité commerciale. Ces recettes sont soumises à la TVA au taux intermédiaire de 10 % en application de l’article 279 a. du CGI4. 

Or, dans le cas des nouveaux concepts d’hébergements hôteliers comprenant notamment des espaces de coworking, qu’en est-il de la location des locaux autres que ceux d’hébergement (bar, salle de restaurant, salle de réunion, autres espaces de détente, etc.) ?

Deux qualifications paraissent possibles. Il convient de se demander si, au regard de la TVA, le bailleur d’un immeuble combinant une mixité d’usages fournit à l’exploitant hôtelier plusieurs prestations distinctes ou une prestation unique assortie de prestations accessoires partageant le sort fiscal de l’opération principale5. 

Dans la première hypothèse, chaque prestation doit en principe être appréciée séparément et suivre le régime de TVA qui lui est propre, le prix global devant être ventilé. Ce raisonnement aboutit à qualifier les locaux autres que ceux d’hébergement de locaux nus à usage professionnel, dont le régime de TVA est le suivant : location exonérée sauf :

– option pour l’assujettissement des loyers à la TVA formulée par le bailleur dans les conditions prévues par l’article 260-2° du CGI ; ou 

– taxation à la TVA de plein droit en cas de location aménagée. 

Les loyers afférents à ces locaux devraient ainsi être soumis à la TVA au taux normal et non au taux intermédiaire comme les locaux d’hébergement. 

C’est à ce jour la position exprimée par la Direction de la législation fiscale (bien qu’elle ne soit pas reprise au BOFIP), qui préconise, en cas de location d’un immeuble à usage d’hôtel comportant des locaux d’un autre usage, une ventilation du loyer au prorata des surfaces utilisées par lesdits locaux, à défaut de quoi la TVA serait due sur l’intégralité des locaux au taux le plus élevé, soit le taux normal de TVA. 

Cependant, si la location des autres locaux, tels que les espaces de coworking, ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions de la prestation principale, à savoir l’utilisation des chambres d’hôtel, ces locaux pourraient être considérés comme accessoires aux locaux d’hébergement. 

Dans cette seconde hypothèse, ces locaux devraient être soumis à la TVA de plein droit au taux intermédiaire dans les mêmes conditions que les locaux d’hébergement et il ne serait alors nullement nécessaire d’en ventiler le prix.

1. KPMG, L’industrie hôtelière française en 2018.

2. Habitation ; Commerce et activité de service ; Equipements d’intérêt collectif et services publics ; Exploitation agricole et forestière ; Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire.

3. Cette sous-destination s’applique à tous les hôtels ainsi qu’à toutes les constructions démontables ou non destinées à délivrer des prestations hôtelières (petit-déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception de la clientèle).

4. BOI-TVA-LIQ-30-20-10-10-20140924.

5. Analyse reprise notamment par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire n° 349/96, le 25 février 1999. 


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