La lettre de l'immobilier

Septembre 2019

Smart Cities : l’immobilier intelligent face au droit de la copropriété

Publié le 13 septembre 2019 à 12h06    Mis à jour le 13 septembre 2019 à 15h28

Jean-Luc Tixier et Sandra Kabla

Depuis quelques années, le paysage immobilier s’apprête à accueillir des immeubles d’une nouvelle génération, connectés et intelligents, contributeurs à l’émergence des Smart Cities.

Les premiers exemples sortis de terre ou rénovés dans une logique inspirée des futures Smart Cities permettent désormais d’appréhender ces immeubles où l’on peut contrôler un ensemble d’équipements à distance 1, produire et réguler sa propre énergie 2 et encore bien d’autres possibilités envisagées ou envisageables, voire prospectives.

Ce nouvel immobilier se trouvera toutefois vite confronté à l’état actuel de l’organisation de la copropriété telle que prévue par les textes législatifs et réglementaires. Il en a été de même s’agissant des centres commerciaux, le dispositif conçu pour des immeubles essentiellement d’habitation et non détenus par des investisseurs s’étant révélé inadéquat pour certaines de ses dispositions.

Aujourd’hui, tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par lots de copropriété comportant une partie privative et une quote-part de parties communes3, est soumis au régime de la copropriété 4.

Si certaines règles issues de la loi, des règlements ou de la jurisprudence demeureront adaptées, d’autres appelleront une adaptation ou réinterprétation pour pouvoir accueillir l’immeuble connecté dans le paysage du droit positif de la copropriété.

Ainsi, s’agissant de la destination, l’article 8 de la loi de 1965 dispose que le règlement de copropriété détermine la destination des parties tant privatives que communes. Or, il est tout à fait envisageable que la partie privative connectée d’un copropriétaire mute en différentes destinations au cours de son existence. La possibilité pour un local/logement d’être connecté encourage à permettre différentes activités pouvant caractériser une destination différente. A la manière des «chambres de service» devenues logements, ou encore de logements devenus locations saisonnières, le local/logement de l’immeuble connecté pourra encore plus facilement être le siège de destinations différentes. C’est d’autant plus probable que les concepteurs travaillent de façon approfondie sur des immeubles sans destination, c’est à dire dont la conception initiale se prêtera à de très faciles transformations, réversibilité, et ce à l’échelle de parties dudit immeuble.

La rédaction de l’article «destination» du règlement de copropriété ne pourra pas ignorer cette réalité technique. S’il venait à le faire, ce sont les juges qui risqueront fort de devoir trancher les conséquences d’une destination qui viendrait à être fixée en ignorant (volontairement ou non) tout le potentiel réel de l’immeuble.

Par ailleurs, l’immeuble connecté confrontera les travaux qui lui sont nécessaires et spécifiques, aux règles de la copropriété sur les travaux affectant les parties communes. L’immeuble connecté ne saurait le demeurer sans les installations spécifiques qui affecteront nécessairement les parties communes et qui s’avéreront indispensables pour qu’il demeure à un niveau satisfaisant de performances au regard des exigences d’évolution qu’induira la Smart City. A la manière des actuelles problématiques des réseaux de télécommunications électroniques à usage privatif qui nécessitent des installations parcourant les parties communes de l’immeuble, le réseau d’alimentation de l’immeuble connecté ne pourra se détacher des travaux sur ces mêmes parties communes.

Enfin, ce sont les missions même des syndics et syndicats qui devront être considérablement repensés. 

La gestion de l’immeuble connecté portera ainsi sur un ensemble d’éléments plus large que ce que connaissent ces entités de gestion aujourd’hui5. Le syndicat devra exploiter de véritables services et le syndic devra disposer des compétences lui permettant de les fournir ou de superviser les prestataires qui s’en chargeront, ceci marquant une notable évolution par rapport à leur rôle traditionnel.

L’immeuble connecté ou Smart Building devra se faire une place dans le régime juridique de la copropriété pour pouvoir perdurer si ce n’est l’inverse. 

1. Lumières, sécurité, stores, températures, etc.

2. Panneaux photovoltaïques, récupération d’électricité, régulations des consommations, etc.

3. Dont notamment, le droit sur le sol.

4. Loi du 10 juillet 1965 et son décret d’application, et les textes subséquents qui les ont complétés et modifiés.

5. Connaissance en matière de connectique, gestion de l’immeuble vivant, contrats d’entretien spécifiques, etc.

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