Les banques centrales ont-elles encore des marges de manœuvre ?

Publié le 16 décembre 2020 à 14h49

Nicolas Forest

En 2020, la crise sanitaire et économique a mis en lumière le rôle majeur des banques centrales pour assurer la stabilité financière. Encore plus réactives qu’en 2008, elles ont su protéger l’épargnant et la dette des Etats. Et la crise du COVID 19 a ainsi accéléré l’évolution inévitable de leur mandat.

L’action des banques centrales en 2020

Les banques centrales ont délivré plus qu’anticipé. Il y a plus d’un an, Christine Lagarde rentrait en fonction en tant que Présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE) dans un contexte où il semblait que ses marges d’action étaient faibles. Pourtant en quelques mois les banques centrales partout dans le monde ont déployé des mesures extraordinaires face à la crise. Non seulement les taux d’intérêt directeurs ont atteint leur niveau le plus bas mais en plus leurs bilans ont explosé. Ainsi le bilan de la BCE est passé de 4,3 à plus de 7 trilliards d’euros. Le bilan de la FED de con côté est passé de 4,1 à 7,3 trilliards de US dollars ; des achats massifs qui correspondent à presque 30 % du PIB déployés par les banques centrales en 2020.

En 2021, les banques centrales européennes, américaine, anglaise et japonaise devraient garder des taux d’intérêt relativement stables. Cependant, du côté des bilans nous nous attendons à une prolongation des mesures enclenchées au cœur de la crise du Covid-19 dans les prochains trimestres. La FED devrait prolonger ses achats d’actifs et la BCE devrait prolonger le programme PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) en décembre pour environ 500 milliards d’euros en 2021. Ainsi les bilans des banques centrales (FED , ECB , BOJ et BOE) pourraient atteindre 61 % de la richesse nationale.

Les banques centrales émergentes face au Covid-19

Les banques centrales émergentes ont été aussi extrêmement actives cette année. Elles ont baissé les taux pour faire face à la crise du Covid-19 et ont eu recours au quantitative easing. C’est inédit pour ces banques centrales qui, d’un point de vue bilantaire, détenaient très peu de dettes étatiques. Des pays tels que l’Indonésie, la Pologne et les Philippines, ont eu recours à ce schéma. Ces achats beaucoup plus faibles que les pays développés, ont néanmoins contribué à maintenir le niveau général des taux bas. Les pays émergents,  confrontés au risque de fuite de capitaux et de perte de crédibilité, ont réussi à éviter cet écueil dans leur programme d’achats. C’est un succès qui ouvre la voie à d’autres achats futurs.

Les risques extra-financiers

La FED a été la première à renouveler son mandat en incluant des paramètres nouveaux dans ses objectifs. Ainsi dans le suivi du taux de chômage, l’inclusion sociale des minorités a été intégré. En 2021, la BCE poursuivra elle-aussi sa réflexion en intégrant le risque climatique. Trois leviers seront ainsi possibles.

1.     En tant que superviseur, le recours à des stress tests climatiques

2.     Un changement de politique collatéral pour pénaliser des actifs non-verts

3.     La définition de critères environnementaux dans le cadre de sa politique d'achat

Vers la fin de l’indépendance ?

L’inclusion de nouveaux risques et la politique massive de quantitative easing posent la légitime question de l’indépendance des banques centrales. Cette indépendance, fruit d’un long combat des années 90, a permis d’assoir une vraie crédibilité dans la gestion de la monnaie, de la dette des Etats et des anticipations d’inflation sur le long terme. Bien sûr un alignement des politiques monétaires et budgétaires (comme par exemple pour la gestion du risque climat) peut paraître séduisant. Bien sûr l’annulation de la dette pourrait être tenante pour certains gouvernements. Mais les banques centrales doivent rester indépendantes du calendrier électoral et des programmes politiques. Car si demain un gouvernement populiste voulait utiliser l’arme monétaire à ses propres fins, cela créerait instabilité et tensions inflationnistes. L’indépendance est clé pour préserver la crédibilité monétaire et la stabilité financière sur le long terme.

Mots clés ETF
Nicolas Forest

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