La réforme des retraites, nouvelle étape du marathon de la réforme

Publié le 25 septembre 2013 à 18h02    Mis à jour le 22 novembre 2013 à 18h40

Michel Martinez

Le commissaire européen Olli Rehn a accueilli fraîchement la réforme des retraites, évoquant «une réforme à la française» qui «va dans la bonne direction », mais pour laquelle subsistent toujours des incertitudes. Cette réforme des retraites illustre parfaitement l’approche de la réforme retenue par le gouvernement. On ne va pas vite. Il s’agit d’une sorte de marathon qui donne aux observateurs étrangers le sentiment que la France continue d’avancer à son rythme. Mais, comme dans un marathon, le chemin sera long avant de retrouver la compétitivité et d’assurer la soutenabilité de notre modèle social. Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2012, le gouvernement s’est efforcé de montrer qu’il respectait la discipline budgétaire et qu’il était réformiste.

En matière de réformes, il n’y a pas de grand soir, il n’y a pas de grand projet et où des choix clairs seraient tranchés une fois pour toutes. Toutefois, le pacte de compétitivité et le CICE en novembre 2012, la réforme du marché du travail de janvier 2011, combinés avec la baisse observée des déficits publics, ont convaincu les marchés, comme les agences de notation et les institutions internationales, que la France ne relâche pas ses efforts. Dans son dernier rapport, le FMI écrit que«les autorités françaises ont donné aux réformes structurelles une impulsion importante», tout en ajoutant que «ce momentum a besoin d’être renforcé». De fait, il s’agit de réformes qui ne disent pas toujours leur nom, parfois incomplètes. On peut regretter leur manque d’ambition ou de clarté, mais ce sont des réformes qui vont dans le bon sens.

La réforme des retraites remplit ainsi plusieurs critères intéressants. En premier lieu, l’allongement de l’espérance de vie oblige toute réforme des retraites à modifier le critère d’âge effectif. Avec la réforme, l’âge moyen effectif de liquidation de la retraite va continuer d’augmenter puisqu’il faudra cotiser 43 annuités pour toucher sa retraite à taux plein. Aujourd’hui, un salarié du secteur privé part en retraite à 62,2 ans (60,2 dans le secteur public), soit au-delà de l’âge légal. Ce n’est pas très différent de nos voisins de l’Europe continentale. En Allemagne, l’âge légal est de 65 ans, mais l’âge effectif est de 61,7 ans. Il n’est pas difficile de comprendre qu’avec l’allongement de la durée des études et de la durée minimale de cotisation, l’âge moyen de départ à la retraite sera probablement supérieur à 66 ans en 2035.

Ce n’est pas rien. En second lieu, les retraités actuels, dont le niveau de vie est comparable à celui des actifs, sont mis à contribution et ce pour la première fois depuis la réforme Balladur de 1993 (qui a mis fin à l’indexation des pensions sur les salaires). Entre l’accord AGIRC-ARRCO et les nouvelles mesures annoncées, ils sont concernés à hauteur de 5 milliards d’euros. En troisième lieu, le gouvernement a promis de compenser les hausses de coût du travail plus tard par des baisses (probablement des baisses de cotisations patronales familiales). C’est là que le commissaire Rehn attend des précisions. Si le gouvernement tient son engagement, il y aura là un tour de passe-passe salutaire pour la compétitivité.

Et au total, dans une logique économique, les entreprises n’auront pas participé au financement de la réforme des retraites. Ce qui, là encore, constitue une première en France. Enfin, d’un point de vue comptable, le compte y est presque. Les mesures annoncées rapporteraient 7,3 milliards d’euros auxquels il faut ajouter les 4,2 milliards d’euros de l’accord AGIRC-ARRCO. Si l’on suppose que les cotisations des salariés du secteur public vont continuer de converger vers celles des salariés du régime général (convergence qui résulte de la réforme de 2010), alors près de 4 milliards d’euros supplémentaires seraient trouvés.

Au total, les décisions prises en 2013 rapporteraient 15 milliards d’euros en 2020, quand le rapport Moreau estimait que 21 milliards d’euros sont nécessaires. Au total, beaucoup de choses vont dans le bon sens et dans des proportions conséquentes. La réforme des retraites ne règle pas toutes les questions, en particulier en ce qui concerne l’harmonisation des règles entre secteur public et secteur privé. D’autres réformes seront nécessaires dans quelques années pour équilibrer les comptes. Mais il est probable qu’une fois éclairées les incertitudes qui subsistent, elle reçoive l’assentiment de nombreux observateurs étrangers. «Une réforme à la française.»

Michel Martinez Chef économiste Europe ,  Société Générale Corporate & Investment Banking

Michel Martinez est chef économiste Europe, Société Générale Corporate & Investment Banking

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