Export et Finance

Exportations françaises : entre risques et opportunités

Publié le 10 juin 2016 à 18h05    Mis à jour le 8 juillet 2021 à 19h38

Anne del Pozo

Après le dynamisme des exportations françaises en 2015, le début de l’année est marqué par un léger ralentissement de l’activité des entreprises en la matière. En cause : une croissance mondiale qui demeure limitée et la résurgence de certains risques. Pour autant, il existe encore de nombreuses opportunités hors des frontières nationales pour les entreprises qui entendent s’appuyer sur l’export pour se développer.

A l’heure des bilans, celui des exportateurs français était fin 2015 particulièrement bon. L’année dernière, les entreprises françaises ont en effet su séduire à l’étranger, où leurs ventes ont progressé de 4,3 % par rapport à l’année précédente. Une dynamique portée par différents facteurs, et en particulier par la dépréciation de l’euro par rapport au dollar, grâce à laquelle les prix des produits français ont mécaniquement baissé. «Cette dépréciation a notamment été profitable aux exportations françaises hors de la zone euro, qui ont bondi l’an passé de 7,4 % en 2015 après avoir reculé de 1,6 % en 2014», précisent les douanes. La baisse de l’euro a également dopé les exportations tricolores à l’intérieur même de la zone euro. La stabilisation de la monnaie depuis un an a en effet renchéri les importations venant de pays situés hors de la zone euro, incitant Français et Européens à acheter «local». «Les ventes françaises vers les pays de l’Union européenne ont ainsi augmenté de 2,2 %», indiquent les douanes. La croissance de l’exportation française a par ailleurs été portée par un plus fort dynamisme des petites entreprises françaises en la matière, avec 4 000 nouveaux exportateurs en 2015. D’autre part, alors qu’il a longtemps été reproché aux entreprises françaises de réaliser la majorité de leurs ventes export en Europe, au détriment des pays émergents, force est de constater que cette stratégie aura été payante en 2015 : la demande des pays émergents s’est en effet essoufflée l’année dernière, alors que celle des pays du sud de l’Europe, et en particulier de l’Espagne, mais aussi de l’Allemagne et du Royaume-Uni, est repartie à la hausse. Enfin, l’offre française séduit également de plus en plus par sa technicité et sa réputation. «Les livraisons de matériels aéronautiques et d’automobile ont tout particulièrement bénéficié l’an passé de l’effet “made in France”, tout comme les produits de luxe et les biens d’équipements», soulignent les douanes.

Repli des exportations françaises au premier trimestre 2016

L’embellie de l’année dernière ne s’est cependant pas confirmée au premier trimestre 2016. Selon l’Insee, les chiffres du commerce extérieur français font ainsi état d’une baisse de - 0,2 % au premier trimestre 2016 par rapport au quatrième trimestre 2015. La France a notamment enregistré une diminution de ses ventes relavant de ses traditionnels points forts (aéronautique, pharmacie, agroalimentaire, chimie et parfums). Les ventes d’énergie (pétrole raffiné et électricité) et de véhicules automobiles diminuent également. En revanche, les exportations de machines, de biens informatiques et de produits agricoles sont en hausse. Selon une étude de Coface publiée le 25 mai dernier, plusieurs fragilités structurelles expliquent le recul de la France sur le marché mondial de l’export. Le nombre d’entreprises exportatrices y est trois fois moindre qu’en Allemagne, et, sur dix primo-exportateurs français, trois restent à l’export un an après et seul un après trois ans. Enfin, la France souffre de la comparaison en matière de compétitivité-prix avec l’Espagne et l’Italie, qui bénéficient d’un coût unitaire sensiblement plus bas. Sur le plan compétitivité-hors prix, elle se situe moins bien que l’Allemagne : 41 % des produits exportés par la France (aéronautique, luxe, vin et défense) appartiennent au haut de gamme, contre 48 % en Allemagne.

Une tendance baissière sur fond de morosité économique mondiale

Une tendance en demi-teinte qui s’inscrit également dans une conjoncture économique peu dynamique en ce début d’année. Le premier trimestre a en effet été marqué par une volatilité accrue des marchés, notamment sur les marchés financiers, avec le repli des indices boursiers ainsi que sur le marché pétrolier, avec l’affaiblissement du prix du baril sous le seuil des 30 dollars américains.

Certes, une certaine accalmie semble être revenue depuis le point bas de mi-février : les marchés financiers se sont notamment stabilisés et le prix du Brent a rebondi, se rapprochant des 50 dollars américains en mai. Néanmoins, selon l’OMC, la croissance du commerce mondial en volume devrait rester faible en 2016, à 2,8 %, sans changement par rapport au taux de 2,8 % enregistré en 2015.«Le commerce enregistre toujours une croissance positive, mais à un rythme décevant, déclarait récemment Roberto Azevêdo, directeur général de l’OMC. Pour la cinquième année consécutive, la croissance du commerce sera inférieure à 3 %. De plus, si le commerce mondial augmente en volume, il a diminué en valeur en raison de la fluctuation des taux de change et de la baisse des prix des produits de base. Cela pourrait entraver la croissance économique les plus fragiles des pays en développement vulnérables. En outre, il subsiste la menace d’un protectionnisme rampant car de nombreux gouvernements continuent d’appliquer des restrictions au commerce et le nombre de ces mesures continue d’augmenter.» Même constat du côté d’Euler Hermes qui table aussi sur une croissance du PIB mondiale plus faible cette année. «La croissance du PIB devrait s’afficher à 2,5 % seulement, contre 2,6 % en 2015, analyse Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes. Près de 70 % de l’économie mondiale sera en ralentissement ou en récession en 2016. Chine, Etats-Unis, Royaume-Uni, Turquie et Arabie saoudite connaîtront une moindre dynamique, tandis que le Brésil, la Russie, l’Argentine resteront en territoire négatif cette année encore.»

Un recul des exportations plus ou moins marqué selon les zones géographiques

En effet, sur l’échiquier mondial, les exportateurs français pâtissent actuellement du ralentissement de l’activité des pays émergents, dont les Brics, où une récession est attendue. Leurs exportations vers l’Asie reculent, à l’exception notable de la Corée du Sud et de la Chine. Les ventes des entreprises françaises vers l’Union européenne diminuent également (- 2,1 %, après + 2,3 %), notamment vers l’Espagne et la Finlande, après un niveau très élevé des livraisons aéronautiques le trimestre précédent.

Vers les pays tiers (hors UE), les exportations continuent aussi de baisser (- 1,1 %, après - 0,8 %), en raison du tassement des ventes aéronautiques, notamment vers les pays du Proche et Moyen-Orient. En revanche, les exportations françaises sont plus dynamiques vers les nouveaux Etats membres, soutenues par les ventes de produits chimiques et agricoles, et par celles du secteur automobile. La croissance des exportations est également vigoureuse vers l’Europe hors UE, hormis la Russie, où l’économie est en récession. Enfin, dans le contexte actuel de stabilisation de l’euro, les flux vers les Etats-Unis stagnent.

Bien qu’ils soient plutôt orientés à la baisse, les risques qui pèsent sur la scène internationale et impactent les exportateurs demeurent donc inchangés en ce début d’année : ralentissement plus prononcé qu’anticipé de l’activité chinoise, hausse du risque politique, évolution des prix des matières premières. Par ailleurs, force est de constater le développement de nouveaux épisodes de turbulences financières, notamment au vu de l’abondance de la liquidité mondiale, renforcée par la récente décision d’assouplissement monétaire de la BCE. Pour profiter des opportunités de marché qui malgré tout s’offrent à eux, les exportateurs français devront donc encore renforcer leur vigilance sur les différents risques auxquels ils s’exposent dans le cadre de leur développement à l’international.

Les défaillances d’entreprises dans le monde encore à un haut niveau

La croissance économique atone, cumulée à des turbulences accrues dans certains secteurs (dont les matières premières) et un effet domino des défaillances des grandes entreprises devrait cette année entraîner une nouvelle augmentation de la sinistralité des entreprises à travers le monde. Euler Hermes estime ainsi que les défaillances d’entreprises dans le monde devraient croître de 2 % en 2016 ainsi qu’en 2017. En 2016, l’Asie-Pacifique (hausse de 13 % des défaillances attendue par rapport à 2015), l’Amérique latine (+ 17 %) constituent ainsi les zones géographiques les plus sensibles. Aux Etats-Unis, pour la première fois en six ans, les défaillances d’entreprises devraient croître de 3 %, tirées par les secteurs de la métallurgie et de l’énergie, qui ont représenté la moitié des faillites d’entreprises cotées en 2015. A l’inverse, l’Europe de l’Ouest est la seule région où les défaillances devraient reculer, de - 5 % en 2016 puis - 3 % en 2017. Le nombre annuel de défaillances demeure néanmoins supérieur au niveau d’avant la crise dans 11 des 17 pays européens. Un optimisme prudent reste donc de mise, dans la mesure où l’augmentation du risque de défaut de paiement dans les pays émergents pénalise les exportateurs.

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