Table ronde

Transition énergétique : le nouveau défi des gestionnaires de flotte

Publié le 17 avril 2015 à 10h50    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 11h25

Propos recueillis par Anne del Pozo

Le contexte réglementaire et la loi sur la transition énergétique en cours de préparation pourraient accélérer la mutation des flottes automobiles vers des motorisations plus vertueuses. Mais à quel prix et sous quelles conditions pour les entreprises et leurs gestionnaires de flotte ? Comment repenser son parc automobile pour respecter les nouvelles réglementations présentes ou à venir tout en continuant d’en maîtriser les coûts et d’assurer le confort et la sécurité des collaborateurs ?

Les incitations pour faciliter la transition énergétique

Jean-Yves Marie-Rose, responsable du secteur transports et mobilités au sein de la direction régionale Ile-de-France de l’ADEME : La prise en compte de notre environnement est devenue un enjeu majeur des organisations avec une forte accélération à la fin du XXe siècle. Dès les années 1990, l’ADEME a été un acteur de la réponse aux grands enjeux tels que ceux sur les énergies (notamment suite aux crises énergétiques dans les années 1970), sur leurs impacts globaux ou locaux en émissions de gaz à effet de serre, sur la qualité de l’air et le bruit. Une réglementation a ainsi commencé à se mettre en place et devient, actuellement, de plus en plus présente. Elle le sera d’ailleurs de plus en plus au regard des contraintes internationales liées aux questionnements sur, par exemple, les émissions de gaz à effet de serre. Les conférences des parties (COP) telles que celle prévue en fin d’année à Paris ont pour vocation de valider un positionnement quant aux réductions des émissions de gaz à effet de serre que nous devons mettre en place à l’échelle européenne puis à l’échelle planétaire à l’horizon à 2030 ou plus largement à l’horizon 2050. Or, nous savons qu’en mettant en place entre 2015 et 2020 une réglementation, nous sommes confiants pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. De la même manière, sur la qualité de l’air, nous avions déjà une réglementation assez stricte, notamment sur les questionnements liés aux normes Euro pour les véhicules légers ou lourds. Nous notons également une accélération des réflexions sur ce sujet. Ainsi, auparavant, nous étions sur des temps d’évolution des réglementations de l’ordre de dix ans. Aujourd’hui, nous sommes plutôt sur des renouvellements plus courts. Nous en sommes aujourd’hui à la norme Euro 6 et nous devrions d’ailleurs encore avoir un corpus de nouvelles normes d’ici 2020. Nous essayons donc de faire en sorte que les étapes soient plus souples et s’inscrivent dans l’évolutivité afin de ne jamais être dans un schéma de rupture avec des changements très forts. Prenons l’exemple de la mise en place du car labelling (étiquette énergie) pour lequel l’ADEME a été sollicitée. Nous avons regardé les expériences menées sur le sujet dans d’autres pays tels que la Suisse puis nous avons préconisé la simplicité et l’incitation, avec l’inscription d’une catégorie A (moins de 100 g de CO2 au kilomètre) qui ne correspondait à aucun véhicule commercialisé. Maintenant, 10 ans après, ces véhicules des catégories A et B représentent la majorité des ventes. La loi sur la transition énergétique est un nouveau corpus réglementaire qui se met en place. Ses objectifs permettront de structurer et d’accélérer le renouvellement des flottes, notamment publiques, ou encore l’adoption des véhicules électriques dans les entreprises notamment à travers des super-bonus. Nous devons faire en sorte de démultiplier et d’«industrialiser» les outils déjà disponibles et qui répondent aux enjeux environnementaux et énergétiques. Il s’agit de l’un des objectifs de la loi sur la transition énergétique, actuellement en fin de parcours parlementaire et qui devrait aboutir d’ici la fin de cette année.

 

Matthieu Blaise, manager chez Cristal Décisions (Alma Consulting Group) en charge de l’équipe flotte automobile : En dehors des normes techniques telles que celles liées à Euro 4, Euro 5 ou Euro 6 qui ont permis de rendre les moteurs plus vertueux, d’un point de vue entreprise, l’incitation environnementale sur le parc auto se traduit aujourd’hui davantage par une incitation fiscale. Depuis les années 1980 à 1990, nous nous rendons ainsi compte que lorsque nous touchons au porte-monnaie des entreprises, les démarches sont toujours plus efficaces. Cependant aujourd’hui nous constatons que la loi est incomplète. Elle concerne en effet principalement les VP alors qu’ils représentent moins de 50 % du parc français. Les VU ne sont pas concernés. En effet, ils ne sont pas sujets à la TVS, au bonus-malus et à la TVA. Donc il y a peu d’emprise sur ces véhicules. Par ailleurs, l’usage n’est pas du tout pris en compte dans la fiscalité. Par exemple, il n’existe pas d’incitations fiscales pour l’autopartage ou le covoiturage. Certes, il n’est pas si simple pour les services de l’Etat de légiférer sur tous ces sujets. Un flou législatif entoure ainsi tout ce qui a trait aux motorisations. Ainsi, le débat sur l’essence et le diesel n’est pas encore résolu et aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de dire lequel de ces deux carburants est le plus polluant. Concernant l’électrique, nous nous sommes beaucoup emballés alors que la production de lithium va être très rapidement limitée, le recyclage de ce dernier étant aujourd’hui impossible. Il existe de nombreuses problématiques autour de la production de l’électricité et nous ne sommes pas en mesure de dire si l’électricité sera la seule solution écologique d’avenir en termes de véhicules. Les gouvernements ne peuvent donc pas tout miser fiscalement sur ces véhicules. Nous avons par ailleurs un volume de kilomètres qui continue à augmenter, porté notamment par le développement des ventes sur Internet impliquant plus de livraisons ou par la nécessité des commerciaux de se rendre chez leurs clients. Cependant, nous devons réformer pour anticiper la disparition de certaines matières premières telles que les énergies fossiles. C’est la raison pour laquelle des réflexions assez saines sont actuellement menées, notamment sur la question de l’usage des véhicules. D’ailleurs, la fiscalité devrait s’orienter davantage sur les notions d’usage des véhicules.

 

Thierry Pereault, responsable financier et des partenariats stratégiques pour la société Kuantic : Nous retrouvons chez nos clients différents items autour de ces problématiques d’économie et d’écologie. Ils disposent déjà de la pastille verte qui est un élément facilitant pour les voitures non polluantes, du bonus de 6 300 € et du nouveau super-bonus de 10 000 € avec la remise d’un véhicule de plus de 13 ans. Ces aides ont une incidence extrêmement forte sur les comportements d’achats. Indépendamment du coût de possession, le coût d’acquisition d’une voiture thermique ou électrique sera notablement modifié par l’introduction des aides de l’Etat ou des aides des régions. Le prix d’acquisition d’un véhicule électrique sera par exemple plus important que celui d’un véhicule thermique. Cependant, si nous y intégrons les différentes aides de l’Etat, le coût d’acquisition d’un véhicule électrique deviendra moins important que celui d’un véhicule thermique. Par ailleurs, notons également les plans anti-pollution de la ville de Paris. Sur l’aspect contraignant, en juillet 2015, les camions et autocars immatriculés avant octobre 2001 ne pourront plus circuler dans la capitale entre 8 heures et 20 heures. En juillet 2016, les conducteurs seront priés de ne plus utiliser leur véhicule immatriculé avant janvier 1997. Côté motards, il ne sera plus possible d’utiliser sa moto si elle a été immatriculée avant 2000. Enfin, entre 2017 et 2020, l’interdiction sera totale pour certains véhicules jusqu’aux diesels immatriculés avant 2011. Ces contraintes vont donc devenir particulièrement fortes à Paris et dans d’autres grandes villes. Le réglementaire vient redistribuer les cartes de l’utilisation des véhicules. Sur l’aspect incitatif, à Paris les particuliers bénéficieront d’aides pour s’abonner aux services de vélos ou de véhicules en libre service ou pour l’achat d’un vélo électrique, ou encore se verront rembourser leur carte d’abonnement aux transports en commun. Par ailleurs, les copropriétés seront incitées financièrement à installer des bornes de recharge pour les véhicules électriques.

 

Guillaume Saint-Sernin, responsable des services généraux et sécurité de l’antenne France 3 Paris – Île-de-France et administrateur/formateur interne à la gestion de parc auto des services généraux et prévention sécurité : La transition énergétique qui s’engage actuellement va-t-elle conduire les entreprises à acheter des véhicules plus propres ? Aujourd’hui, l’arsenal législatif est plutôt orienté vers la limitation des émissions de gaz à effet de serre (CO2). Néanmoins, nous avons aussi la norme Euro 6 qui pour sa part vise à réduire les émissions d’oxyde d’azote (ou NOx) pour tous les véhicules produits à compter du 1er septembre 2015. Enfin, les émissions de particules fines. Elles concernent pour 50 % les véhicules diesel. Même si les Verts ont essayé de déposer, sans succès, un projet de loi sur les particules fines fin 2014, la démarche devrait finir par aboutir avec des contraintes en la matière. En effet, aujourd’hui, les particules fines sur le diesel tuent tout de même 42 000 personnes par an en France. Le point d’orgue de la Conférence sur le Climat qui se tiendra à Paris en fin d’année sera néanmoins articulé essentiellement autour de la limitation des gaz à effet de serre. Il ne faut cependant pas occulter le fait que chacun d’entre nous rejette aujourd’hui du CO2, qui n’est pas un polluant et n’atteint pas la santé des personnes mais plutôt notre environnement. Ensuite, en ce qui concerne les véhicules utilitaires légers et les poids lourds. Paris souhaite en effet limiter l’usage en ville des poids lourds les plus polluants dès le 1er juillet 2015, et à partir du 1er janvier 2016, celui de tous les véhicules les plus polluants. Pour ce qui concerne les véhicules utilitaires légers qui sont en général au-dessus de 175 g de CO2/km, nous devons nous attendre aussi à l’arrivée de nouvelles contraintes réglementaires ou locales qui pourraient en interdire l’usage dans certains centres-ville en 2017. Les émissions de CO2 pourraient même être réduites à 147 g à l’horizon de 2020. En tant qu’entreprise, nous devons donc regarder ce que nous achetons aujourd’hui comme véhicules et vérifier leur adéquation avec les réglementations et contraintes à venir. Enfin, en ce qui concerne l’électrique, tout le monde en parle. Cependant, il ne faut pas oublier le cycle de vie de ces véhicules. Certes nous pouvons être vertueux en achetant une électrique, mais derrière, nous ne devons pas ignorer la problématique du retraitement des batteries ou encore la façon dont se fait l’extraction des mines de lithium. En ce qui concerne France Télévisions, l’orientation consiste aujourd’hui à aller dans le sens de la Conférence sur le Climat de la fin de l’année.

Notre président Rémy Pflimlin vient donc de donner à l’ensemble des managers un objectif (pondéré à 10 %) portant sur l’amélioration de l’environnement et du climat de travail. Il vient de l’intégrer dans le management direct, comme il l’a fait pour l’obtention du label diversité depuis deux ans. Bien entendu, il va falloir trouver des parades pour parvenir à ces résultats, notamment en termes de limitation du grammage de CO2. A France Télévisions, aujourd’hui, nous sommes encore à 135 g de CO2 (car policy 2014) : il s’agit d’une limite que nous nous sommes fixée. Mais nous devrions réduire encore ce taux à 120 g de CO2 sachant qu’en réalité, nous l’avons déjà atteint aujourd’hui sur notre parc. Se pose néanmoins la question de savoir si nous demeurons en diesel ou si nous faisons un mixte. Nous devrions parvenir à un mixte car, bien que nous soyons une société privée, nous bénéficions néanmoins de fonds publics. A ce titre, cela nous donne des devoirs mais aussi des obligations, et une image à respecter. Nous allons donc essayer d’utiliser ces deniers publics de la meilleure des façons : pour les véhicules qui ont un taux de roulage extrêmement faible, inférieur à 10 000 km, nous essaierons de nous orienter, dans la mesure du possible et en fonction des usages, vers du véhicule électrique. D’ailleurs, aujourd’hui nous avons augmenté notre parc en la matière et comptons environ une vingtaine de véhicules électriques. Parallèlement, nous allons aussi augmenter notre parc de véhicules hybrides essence (sachant que les hybrides diesel avec Peugeot PSA devraient disparaître). Cependant, chez les constructeurs avec lesquels nous travaillons (les trois constructeurs français et Volkswagen) il n’existe pas encore d’offres Premium ou Business essence. Cela devrait néanmoins devenir le cas. En effet, les normes Euro 6 A et Euro 6 B vont obliger les constructeurs à équiper leurs véhicules diesel de catalyseurs SCR ou de pièges à NOx qui coûtent entre 500 et 1 000 €. Comment mettre en place ces solutions qui peuvent coûter au global jusqu’à 2 000 € sur des citadines à 10 000 € ? D’ailleurs la Twingo n’est aujourd’hui plus disponible qu’en version essence.

Les constructeurs tendent à diversifier leur offre

Olivier Presse, responsable des ventes aux entreprises, véhicules utilitaires et VO pour Opel France : Pour un constructeur, il s’agit d’un vrai sujet. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un casse-tête législatif qui nous amène à un certain nombre d’impacts en termes de coûts pour les entreprises. En effet, à l’inverse des particuliers, les choix de véhicules sont, pour les entreprises, dictés par un aspect coût de détention, le TCO (Total Cost of Ownership). Cette dimension fiscale est parfois compliquée à gérer en termes d’incitations. Par exemple, la norme Euro 6 génère un surcoût pour les constructeurs, répercuté ou non dans les offres faites aux clients, mais qui rend moins attractive l’utilisation économique du diesel, alors que, parallèlement, nous continuons à avoir en France une législation qui incite à la récupération de la TVA sur le diesel. Compte tenu de ce contexte réglementaire évolutif, notre rôle en qualité de constructeur consiste à proposer des véhicules qui permettent aux utilisateurs d’avoir des coûts de détention optimisés. Nous ne pensons cependant pas qu’il y ait de solution unique et idéale. Nous travaillons donc de plus en plus sur l’efficience des motorisations diesel mais aussi essence. Nous voyons d’ailleurs bien les efforts qui sont faits par les constructeurs sur la motorisation essence depuis un certain nombre d’années. Parallèlement, cette offre thermique est complétée par une offre de véhicules hybrides et/ou électriques. Cependant la solution 100 % électrique n’est pas pérenne, la solution hybride pose potentiellement un problème en termes de coûts tandis que la solution thermique pose pour sa part un problème en termes d’émission de CO2. Nous pensons donc que seule la multiplicité de ces éléments apportera une solution de mobilité à l’ensemble des entreprises tout en gardant à l’esprit la notion de coût de détention qui doit être le plus bas possible. En effet, une entreprise, même si elle répond à des aspects sociétaux et d’amélioration de ses taux d’émission de CO2, a besoin d’avoir un coût de détention optimisé. Dans ce contexte économique, environnemental et fiscal toujours plus contraignant, un constructeur comme Opel se doit donc de proposer des solutions abouties pour nos clients entreprises, en gardant à l’esprit la notion de coût de détention optimisé.

 

Guillaume Saint-Sernin : L’une des difficultés aujourd’hui porte sur les investissements d’avenir en recherches et développement. Or, dans les quatre ans, nous demandons aux entreprises d’avoir des parcs à 95 g d’émission de CO2. Ce chiffre ne peut s’atteindre qu’en gardant une motorisation diesel car ce n’est pour le moment pas possible de l’avoir avec une motorisation essence. Nous avons donc aujourd’hui des orientations législatives qui poussent à avoir un parc dont le taux moyen d’émission de CO2 est inférieur à 95 grammes mais à côté de cela, nous n’avons pas encore mis en place les programmes de recherches et développement qui permettront, sur d’autres motorisations alternatives de pouvoir y parvenir. C’est la raison pour laquelle aucun constructeur ne devrait abandonner le diesel d’ici 2020.

 

Pascal Buquet, responsable du département ventes sociétés chez Mercedes-Benz : Un groupe international tel que Daimler doit également tenir compte des contraintes réglementaires et fiscales de chaque continent et pays. Par exemple, en France, elles portent actuellement surtout sur le CO2 alors qu’aux Etats-Unis c’est davantage sur le NOx. C’est la raison pour laquelle nous avons développé des moteurs BlueTEC avec la technologie High Blue qui nous permet aujourd’hui de répondre déjà, par exemple, à la norme Euro 6 avec la nouvelle Classe C. Néanmoins, ce sont des technologies extrêmement coûteuses. C’est donc une course en avant pour répondre aux attentes des clients, leurs besoins étant pilotés par les incitations fiscales. Prenons l’exemple de la France. Par rapport à cet objectif de 95 grammes en 2020, nous sommes en train de développer une multitude de technologies. Ainsi, cela fait maintenant longtemps que le groupe Daimler a fait le choix de ne pas s’orienter uniquement vers le tout-électrique, le tout-hybride ou le tout-thermique et de proposer une offre multimotorisation. Nous avons de l’électrique avec la Smart et la Classe B depuis le dernier Mondial de l’Automobile. Nous proposons également une gamme de véhicules diesel et essence sur lesquels nous faisons des efforts importants en termes de réduction des émissions CO2 sur de nombreux éléments de la voiture tels que les pneumatiques dont les roulages sont plus vertueux, des pare-brise moins lourds, etc. Enfin, sur la technologie hybride, nous avons développé la technologie de l’hybride diesel qui permet une importante autonomie, des émissions de CO2 inférieures aux 100 g pour des berlines statutaires et une puissance importante (moteur thermique et électrique) qui est recherchée par les utilisateurs. En effet, depuis le début nous parlons beaucoup de coûts et de fiscalité mais il ne faut pas oublier que derrière toutes ces technologies, il y a des conducteurs. Même s’ils conduisent un véhicule de fonction, ils ont envie de se faire plaisir, de puissance, de confort. En même temps, le DAF ou le gestionnaire de flotte imposeront pour leur part des véhicules qui émettent moins de 120 g de CO2. C’est la raison pour laquelle les marques Premium sur le marché des entreprises sont plutôt en forte progression car nous répondons aux attentes des entreprises en termes d’image mais aussi à la notion de valorisation du collaborateur, tout en proposant de véhicules à faible émission de CO2.

Thomas Jobelot, responsable ventes flotte chez Toyota : Nous estimons à plus de 1,2 milliard le nombre de véhicules qui circuleront sur les routes à l’horizon 2020, soit un doublement du parc mondial actuel. Tous les constructeurs doivent donc se mobiliser pour que cette croissance soit la plus harmonieuse possible et que l’automobile puisse continuer à jouer son rôle essentiel dans la poursuite d’une mobilité durable, sans conduire à une augmentation drastique des émissions polluantes. Pour Toyota, l’avenir de l’automobile passe aujourd’hui par la réduction de son impact sur l’environnement tout au long du cycle de vie. Concrètement, l’objectif de Toyota est de concilier croissance et respect de l’environnement. En matière de véhicule propre, notre ambition est de produire la voiture la plus respectueuse de l’environnement, qui tende vers le «zéro émission», tout en améliorant ses performances. Cela dit, nous croyons qu’une seule technologie ne suffira pas à couvrir tous les besoins. Nous travaillons donc à 360 degrés sur toutes les technologies (100 % électrique, essence, diesel ou pile à combustible) en corrélant la taille du véhicule avec l’autonomie demandée. Moins la demande d’autonomie est importante, plus le véhicule est petit et le tout-électrique a du sens. C’est ce que nous testons actuellement à Grenoble dans le cadre du projet I-Road et sa centaine de tricycles électriques proposés en autopartage. A l’inverse, plus la demande d’autonomie est grande, plus le véhicule est gros et donne du sens à l’hydrogène. C’est tout l’objet de la Toyota Mirai, notre grande berline hydrogène. L’hybride essence est pour nous «la voie du milieu» en quelque sorte, le bon compromis taille, autonomie, écologie et économie. Le diesel fait aussi partie des solutions mais reste circonscrit au marché européen, dans ce cadre nous avons monté un partenariat industriel avec BMW pour la fourniture de moteur diesel Euro 6.

 

Patrice Dos Santos, Fleet Manager, Lexus France : Chez Lexus, nous avons la conviction qu’il nous incombe d’être à l’avant-garde de la réaction du secteur face au défi environnemental. Nous sommes convaincus que la durabilité écologique est le plus grand défi que doivent relever notre secteur et la société dans son ensemble au cours de ce siècle. Notre réaction affecte non seulement nos produits, mais aussi chaque aspect de nos activités et chaque personne qui y participe. Nous sommes guidés par une vision claire de la mobilité durable en développant des technologies écologiques de pointe comme les voitures hybrides ; en réduisant l’impact écologique de l’ensemble de nos activités ; en minimisant les ressources naturelles employées dans nos processus de fabrication ; en maximisant le recyclage et la réutilisation, et en travaillant avec les communautés locales pour améliorer la qualité de l’environnement. Notre objectif est de réduire à zéro les émissions, sans aucun déchet dans toutes les parties de nos activités. Nous avons la conviction que c’est possible, avec le temps et les compétences nécessaires, et grâce au kaizen (le terme japonais signifiant «amélioration constante»). Nous sommes également convaincus que la croissance et la réussite de Lexus en dépendent.

C’est d’ailleurs dans cette optique que Lexus a pris la décision il y a plusieurs années de ne plus proposer de véhicules diesel au sein de sa gamme (arrêt de production en 2013). La prise de conscience actuelle sur l’impact environnemental de ces moteurs a été anticipée par la marque qui ne propose désormais que des véhicules full hybrid essence et essence.

Adéquation entre flottes vertueuses et usages

Arnaud Villéger, directeur marketing Arval France : Nous notons, en tant que loueur, un intérêt autour du véhicule électrique. En effet, les entreprises nous posent de nombreuses questions sur le véhicule électrique. Nous réalisons des études régulièrement et restons à l’écoute du marché tout en travaillant en collaboration avec tous les constructeurs. D’ailleurs, le choix du véhicule électrique émane souvent d’une demande des directions générales. Il s’agit alors avant tout d’une décision en ligne avec la démarche RSE de nos clients. A l’instar de ce qu’elles font déjà en termes de recyclage de leurs déchets ou de remplacement de certains déplacements professionnels par des visioconférences, certaines entreprises investiront dans des véhicules électriques. Nous constatons également une grande hétérogénéité, en fonction des tailles de parc, en matière de point de vue sur les motorisations. Le véhicule électrique n’est pas forcément adapté à tous les clients ou à tous les usages et il est important d’expliquer les implications pratiques et économiques, les avantages ou inconvénients éventuels d’un tel choix. Nous nous attachons à développer les véhicules hybrides au sein des flottes. En outre, toutes les entreprises n’ont pas encore la maturité nécessaire pour s’apercevoir que le diesel n’est plus la motorisation la mieux adaptée à tous les usages. Néanmoins, plusieurs de nos clients du secteur public, qui proposent beaucoup de services de proximité générant de nombreux déplacements courts et citadins, se tournent de plus en plus vers l’essence. D’ailleurs, son introduction dans leurs parcs est facilitée par le fait que, de par leur spécificité, ils n’ont pas non plus toute la fiscalité autour du diesel. Cependant, nous avons encore beaucoup d’évangélisation à réaliser car il existe toujours de nombreux a priori autour du diesel. 

 

Matthieu Blaise : Après plusieurs années d’attentisme, nous constatons que les entreprises passent doucement aux nouvelles solutions et notamment aux véhicules électriques. Cependant, les entreprises attendent encore beaucoup de l’Etat, notamment en matière de fiscalité. Nous nous apercevons que de nombreuses initiatives privées, basées sur l’étude de l’usage, contribuent à l’évolution des parcs vers des véhicules ou des démarches plus vertueuses. Ces initiatives sont souvent liées aux usages des véhicules dans l’entreprise. Par exemple, une entreprise qui a trois sites proches se rendra compte que l’essence ou l’électrique sera mieux approprié que le diesel pour faire ses tournées. L’autopartage est également une initiative privée, née par exemple d’entreprises telles qu’Ubeeqo et parfois reprise par certaines villes avec les vélos ou les véhicules électriques en libre service. Il existe aussi de plus en plus d’initiatives favorisant, au sein des entreprises, le covoiturage privé ou le recours à des plateformes Internet en la matière. Ce sont autant d’initiatives que nous devons encourager sans attendre que la fiscalité les favorise.

Thomas Jobelot : Aujourd’hui, les hybrides en entreprises sont une réalité ! Les ventes d’hybrides pèsent 35 % des ventes totales de Toyota en France et plus de 50 % sur nos ventes entreprise. Ce chiffre est en constante progression depuis cinq ans. Depuis deux ans, nous connaissons un nombre croissant d’entreprises basculant la totalité de leurs parcs en hybride.

 

Patrice Dos Santos : Les ventes de Lexus en France sont à plus de 90 % constituées de modèles full hybrid. Cela pour la simple et bonne raison que notre gamme est quasi exclusivement composée de motorisations hybrides. Pour les entreprises, c’est de loin ce qui nous démarque sur le segment premium et c’est finalement ce qu’attendent de plus en plus sociétés : concilier un véhicule premium, outil de motivation, tout en maîtrisant ses coûts et en optimisant son image «verte». La fiscalité des véhicules d’entreprise est en train d’évoluer et sera à l’avenir de moins en moins à l’avantage des motorisations diesel classiques. Le laboratoire Boiron a ainsi décidé de basculer l’intégralité de son parc en hybride essence l’an dernier dans un souci de respect de l’environnement. Bien évidemment, cela n’aurait pu se faire si économiquement ce changement n’était pas viable. Nos ventes notamment via les loueurs longue durée sont en forte croissance du fait d’une demande importante des sociétés aujourd’hui, mais surtout poussées par des valeurs résiduelles excellentes témoignant de la confiance en l’avenir de nos motorisations hybrides essences qui seront demandées sur le marché VO dans les prochaines années.

 

Jean-Yves Marie-Rose : A l’ADEME Ile-de-France, notre parc compte quatre voitures ! La notion de plaisir est importante dans le choix des véhicules. Il n’est par exemple pas question de choisir un véhicule si ensuite, il n’est pas utilisé. Un hybride est une solution pour les flottes urbaines qui roulent beaucoup. Ce n’est pas notre cas et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons opté pour le Twizy qui sert pour les trajets courts mal ou pas desservis par les transports en commun. Sur ces trajets, nous avons une simplicité qui se met en place, en électrique.

 

Guillaume Saint-Sernin : Effectivement, nous avons différentes incitations fiscales mais également d’autres éléments technologiques sur les véhicules qui nous aident à diminuer notre TCO. Il faut par ailleurs prendre en compte la partie RSE. Le Grenelle II de l’Environnement, à travers l’article 225, indique qu’aujourd’hui, sociétés publiques ou privées non cotées en bourse doivent, quand elles réalisent plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires et emploient plus de 5 000 salariés, émettre un rapport de développement durable ou RSE dans lequel il faudra montrer sa capacité à réduire son empreinte sur l’environnement. Donc certes en termes d’image et de RSE, il existe bien une contrainte. Cependant, il s’agit également d’une opportunité pour verdir son parc. Nous avons donc deux champs aujourd’hui : la recherche d’un meilleur TCO d’une part, et la volonté de verdir son image, d’autre part. En ce qui nous concerne, chez France Télévisions, nous essayons de faire les deux. En introduisant des véhicules électriques à 0 g ou inférieurs à 20 g de CO2, sur l’ensemble du parc, cela nous permet de diminuer très rapidement notre moyenne globale d’émission de CO2, sans compter l’image que ça génère autour de notre structure. En effet, en qualité d’acteur public, nous faisons des reportages, des documentaires, etc. Donc si chez nous, nous ne sommes pas capables de mettre en place ce que nous montrons à la télévision, cela peut poser un problème en termes d’image. Notre réflexion porte donc sur notre image/RSE mais également sur les coûts. Il faut avoir une logique de coût global pour regarder les avantages et inconvénients et voir dans nos parcs où nous pouvons mettre de l’électrique, de l’hybride ou de l’essence. Là où nous ne pourrons pas en mettre, nous garderons alors du diesel. Ainsi, à France Télévisions Ile-de-France, nous avons deux véhicules électriques pour les reportages de proximité, et bientôt quatre en juin.

 

Christophe Bosca responsable des ventes Energeo, Siplec Expérience : Il est important de regarder les usages dans leur globalité. Lorsque nous avons affaire à des structures régionales et que nous étudions leurs habitudes de consommation, nous sommes toujours sur le même taux de véhicules diesel. Nous le constatons sur nos enlèvements de carburants : nous sommes toujours entre 80 % et 95 % de diesel, un taux qui n’évolue pas. La raison en est simple. En région, nous pouvons difficilement dire à un technicien ou à un commercial que nous lui donnons un véhicule électrique pour inscrire la société dans un cercle vertueux. Cela pose un problème à ces conducteurs en termes de recharge de batterie tous les 200 km environ : une contrainte qui peut leur faire perdre du temps et être préjudiciable à leur efficacité et leur rentabilité. La solution la plus confortable aujourd’hui pour les véhicules qui roulent plus de 200 km mais également la plus simple pour le conducteur et en matière de gestion de parc automobile, reste à ce jour le véhicule diesel. Le collaborateur et l’entreprise sont alors dans une zone de confort. Si l’entreprise souhaite choisir une autre motorisation, il faudra alors peut-être qu’elle revoie les tournées de ses collaborateurs ou qu’elle modifie sa loi de roulage pour faire moins de kilomètres à l’année. A partir de là, il sera alors peut-être préférable pour l’entreprise de basculer, par exemple, sur de l’essence.

 

Thomas Jobelot : Sur la partie environnementale, les véhicules hybrides essence Toyota allient faibles consommations, faibles rejets de CO2 et très peu d’émissions de NOx (essence oblige). S’agissant de la maîtrise des coûts le sujet est plus complexe : s’il n’y a quasiment plus de différence de prix à l’achat entre un véhicule diesel et un hybride Toyota, le surcoût du prix de l’essence à la pompe ainsi que la non-récupération de TVA pèsent lourd dans le TCO. Nous compensons partiellement ces éléments par le bonus gouvernemental (1 000 à 2 000 €) et par l’exemption de 24 mois de TVS mais aussi par d’excellentes VR chez les loueurs. Confiants dans l’évolution du marché, les LLD gratifient aujourd’hui nos hybrides de VR égales ou supérieures aux modèles à motorisations classiques. Ceci nous permet d’avoir des offres LLD au niveau des plus grands compétiteurs diesel du marché. Le poste maintenance est aussi une excellente source d’économie potentielle. En effet, à la différence des motorisations classiques, la technologie «full hybrid» de Toyota n’a ni démarreur, ni alternateur. C’est le générateur du moteur électrique qui se substitue à ces éléments traditionnels. La transmission à variation continue remplace la boîte de vitesse et l’embrayage et l’utilisation du freinage régénérant permettent d’améliorer sensiblement la durée de vie des plaquettes de freins. Nous avons un exemple vivant avec nos amis taxis qui, sur Paris, changent leurs plaquettes de frein après une utilisation située entre 130 000 et 170 000 km !

Patrice Dos Santos : Sur une motorisation hybride, lorsque le véhicule fonctionne avec l’énergie électrique uniquement, aucun polluant n’est émis. Lors de l’accélération, un surcroît d’énergie électrique remplace ce qui serait normalement l’apport supplémentaire du moteur. Quand bien même nos véhicules sollicitent sur certains cycles le moteur essence, les rejets de CO2 demeurent faibles (à partir de 82 g sur CT 200h) et l’émission de NOx quasi nulle ! Il est important d’ajouter qu’une optimisation des consommations de carburant passe par une sensibilisation des collaborateurs à l’éco-conduite. Même si cela est d’autant plus vrai pour nos modèles hybrides, cela reste valable pour les motorisations thermiques conventionnelles. D’un point de vue tarif, les modèles hybrides de la gamme Lexus sont positionnés légèrement en dessous de ses concurrents premium diesel. La vision de coûts d’acquisition prohibitifs pour un modèle hybride n’est donc plus vraie ! Aussi, comme pour Toyota, un bonus écologique jusqu’à 2 000 € est octroyé aux véhicules émettant moins de 111 g de CO2, ce qui représente la moitié de notre gamme hybride. A cela s’ajoute l’exonération de TVS sur 8 trimestres ainsi qu’un coût de carte grise réduit jusqu’à sa gratuité dans de nombreuses régions. Nous rencontrons souvent le frein de la récupération de la TVA sur le carburant diesel qui existe toujours pour les entreprises. Ceci étant, peu nombreuses sont les sociétés qui quantifient réellement le montant que cela représente. A titre d’exemple, sur les principales concurrentes de l’IS 300h, sur 90 000 km cela représente autour de 600 € sur toute la durée d’utilisation du véhicule !

Préparer sa transition énergétique

Thierry Pereault : Les loueurs ont un rôle important dans le cadre des démarches de transition énergétique des parcs de nos clients et de leur volonté d’adopter de nouvelles technologies. Par exemple, certaines personnes prennent des voitures en location pour essayer dans leurs usages au quotidien ces nouvelles solutions. La location limite le risque de se tromper sur un véhicule hybride ou électrique. La mise en place de solutions télématiques embarquées adaptées, est quant à elle fondamentale pour la maîtrise et l’adoption de ces nouvelles solutions. 

 

Arnaud Villéger : Nous constatons une nécessité importante d’«éducation» relative aux véhicules électriques. Nous avons par exemple chez Arval sept véhicules en autopartage, dont trois sont électriques, qui sortent entre trois et cinq fois par jour et font environ 40 km. Ils pourraient donc tous être électriques. Nous avons organisé des formations autour de l’utilisation des véhicules électriques auprès des usagers de notre parc autopartage. Nous leur expliquons par exemple qu’ils n’entendent rien quand la voiture démarre, que ce sont des boîtes de vitesse automatiques, etc. Nous devons poursuivre ces efforts d’évangélisation, même en interne, pour emmener nos collaborateurs vers l’utilisation de ces véhicules électriques.

 

Matthieu Blaise : Quelle que soit la technologie, il y aura toujours un travail de transition qui se fera naturellement. Par exemple, nous constatons actuellement une évolution dans la notion de plaisir. Si, auparavant, le plaisir consistait à être propriétaire de sa voiture, de la garder longtemps, aujourd’hui les nouvelles générations acceptent de changer de véhicules en fonction de leurs besoins, éventuellement de les partager. La notion de propriété tend ainsi naturellement à s’effriter. Parallèlement, il y a également des démarches non naturelles. Nous sommes alors davantage dans l’incitation. Avec l’électrique nous nous inscrivons dans ce schéma. Chez Alma Consulting Group nous mettons à disposition des collaborateurs des voitures électriques que peu de personnes utilisent. Bien qu’elles conviennent parfaitement à certains déplacements courts en Ile-de-France, le recours à ces véhicules n’est pas encore une démarche naturelle. Ce qui ne veut pas dire que l’électrique est une mauvaise solution mais elle nécessite un temps de formation et d’intégration.

 

Christophe Bosca : Là, nous nous positionnons dans le domaine de l’entreprise. Cependant, il ne faut pas oublier un point important : le véhicule contribue à la valorisation du collaborateur. Or, le véhicule électrique n’est pas toujours perçu comme étant valorisant. Au sein du groupement Leclerc, nous avons cherché à être précurseurs sur ce sujet. Nous avons ainsi été la première enseigne de la grande distribution à installer sur nos parkings des bornes de recharge de véhicules électriques de manière à en développer l’usage. Mais nous nous sommes aperçus que ces emplacements étant souvent libres, des véhicules thermiques y stationnaient aussi. Il faut donc éduquer plus globalement les gens sur ce type de véhicules. Or, le changement fait peur. Un constructeur nous expliquait d’ailleurs récemment qu’il faut entre deux et six semaines à un nouveau conducteur de véhicule électrique pour qu’il arrête de surveiller en permanence sa jauge d’autonomie.

 

Pascal Buquet : Avec la Smart Electrique nous commençons à avoir quelques années d’expériences sur les ventes de l’électrique. Au départ, les Smart Electriques étaient essentiellement dédiées aux entreprises. Mais nous nous sommes aperçus qu’elles convenaient aussi parfaitement aux particuliers. Par exemple, une personne qui habite en pavillon à une trentaine de kilomètres de son lieu de travail et qui souhaite être vertueuse, se tournera aisément vers ce type de véhicule. Mais dans l’entreprise le véhicule est un outil de mobilité. Certains collaborateurs ont besoin de travailler avec une voiture donc ils ne doivent surtout pas avoir de problème d’autonomie. Par ailleurs, il ne faut surtout pas oublier que le week-end, cette voiture de fonction devient une voiture utilisée par la famille, qui peut potentiellement faire plusieurs dizaines de kilomètres pour partir en vacances. C’est la raison pour laquelle les collaborateurs sont prêts à rouler vertueux mais ils veulent néanmoins de l’autonomie, d’où leur intérêt, d’ailleurs, pour les plug-in électriques : pendant quelques km ils roulent à l’électrique puis ils basculent sur du thermique dès qu’ils n’ont plus d’autonomie.

 

Thierry Pereault : D’après les chiffres des constructeurs et des entreprises disposant de flottes importantes, nous constatons que, compte tenu de la structure de coûts d’acquisition, d’entretien et de consommation, il faut qu’un véhicule électrique roule au moins 12 000 km par an pour être rentable. Il y a donc une contradiction entre ce phénomène d’adoption du véhicule électrique avec lequel il faudrait faire des km et la limitation de son usage en raison de son manque d’autonomie. Là aussi le suivi des lois de roulage et des statistiques par la mise en place de solutions télématiques permettent de maîtriser et d’optimiser les choix.

L’écart demeure entre TCO réel et TCO théorique

Arnaud Villéger : Chez Arval, nous analysons trois niveaux de TCO. Il s’agit d’une notion désormais bien comprise par les entreprises qui ne regardent plus uniquement le prix catalogue des véhicules et se penchent aussi sur son coût d’usage. Le TCO flotte et le TCO véhicule sont aujourd’hui bien maîtrisés par les constructeurs et les clients. Ils intègrent la fiscalité, le coût du véhicule, etc. Aujourd’hui, nos clients, après avoir optimisé leur flotte en termes d’usage ainsi que les négociations constructeurs et loueurs, souhaitent réaliser de nouvelles économies. Pour cela, ils peuvent opter pour des solutions d’autopartage. Néanmoins, cette démarche est souvent longue à mettre en place. Nous leur conseillons donc davantage de se pencher sur le comportement de conduite de leurs collaborateurs. Il influe en effet sur près de 30 % du TCO en fonction de la façon dont il conduit. Il peut générer une surconsommation de carburant mais également des frais supplémentaire de remise en état, des hausses de prime d’assurances et de franchise, des frais de gestion des amendes ou encore des frais indirects liés à l’immobilisation du véhicule voire un arrêt de travail du salarié… Il existe donc, autour de ce comportement de conduite, de nombreux leviers d’économies. Cependant, nos clients s’interrogent sur la façon dont ils peuvent les identifier et les mesurer. La télématique est, aujourd’hui, la réponse à ce constat, que les données proviennent directement de la voiture ou d’un boîtier. Notre mission est double : démontrer que le gestionnaire de parc est capable de financer ces solutions notamment grâce à des actions de formation d’éco-conduite et d’éco-sécurité, et restituer les données de façon synthétique, car l’entreprise qui dispose d’un parc de plusieurs centaines de véhicules ne peut pas affecter l’équivalent d’un temps plein pour récupérer et analyser ces informations...

Matthieu Blaise : La structure du TCO a complètement changé depuis 20 ans. Si nous prenons les trois grands postes que sont financement, carburant/fiscalité et services (assurance, restitution, etc.), le service n’a certes quasiment pas évolué (il est toujours entre 13 % et 15 % du TCO), mais la partie financement a reculé de 65 % du TCO à 45 % aujourd’hui. Cela illustre l’importance qu’ont prise la fiscalité et le poste carburant dans le TCO. Le carburant peut atteindre jusqu’à 45 % pour des gros rouleurs ! Nous constatons également un écart très important entre le TCO théorique et le TCO réel. Entre ce que le DAF avait prévu dans son budget en début d’année et les dépenses flottes en fin d’année, cet écart peut atteindre plus de 30 %. Il est généré par de mauvais comportements de conduite, par la sinistralité, par des restitutions qui n’avaient pas été anticipées, par l’évolution des prix du carburant, par les taux financiers, etc. Certes, les entreprises peuvent l’anticiper de manière comptable en prévoyant 30 % de budget en plus. Elles peuvent également former leurs collaborateurs à l’éco-conduite. Elles peuvent aussi anticiper sur la partie achats en cadrant mieux les contrats, notamment sur la restitution des véhicules. Cependant, tout n’est pas prédictible. Nous recommandons donc à nos clients de réaliser un audit complet de leur parc tous les trois ans avec une approche neutre et experte, par exemple à l’aide d’un cabinet extérieur à l’entreprise ou du service contrôle de gestion. La notion de partenariat solide avec l’ensemble des fournisseurs est également très importante. En effet, il n’est pas possible de construire une relation durable en changeant de fournisseurs tous les ans. Nous conseillons aux entreprises d’inscrire leurs partenariats dans la durée et la confiance. Cette notion de partenariat solide leur permettra notamment de travailler sur des sujets particuliers tels que l’électrique ou l’autopartage. Il faut donc éviter les démarches «cost killer» qui consistent à réduire les coûts la première année mais qui, souvent, ne sont pas pérennes. Cette notion de partenariat n’est pas contradictoire avec la mise en concurrence régulière des fournisseurs pour les inciter à se remettre en cause et à s’améliorer. Enfin, le dernier point porte sur la maîtrise de la donnée via la télématique, sans qu’elle soit un frein psychologique, ou via un logiciel. Nous avons d’ailleurs décidé de commercialiser une offre de monitoring qui s’appuie sur un conseil récurrent et permanent et une solution logicielle dès cette année. Elle a pour vocation d’aider les entreprises à maîtriser au moins 90 % de leur TCO et de suivre et réduire l’écart entre le TCO réel et le TCO théorique.

La télématique accompagne les entreprises dans la maîtrise du TCO

Thierry Pereault : Aujourd’hui, il existe différents systèmes de télématique embarquée. Pour passer dans le monde de la voiture connectée et de la télématique embarquée, il faut disposer d’une information certaine. Or, ceux qui détiennent cette information ce sont les constructeurs, au travers la remontée des informations issues du CAN. C’est la raison pour laquelle Kuantic travaille en étroite collaboration avec différents constructeurs et en particulier PSA sur la remontée des données CAN. Dans ces informations fiables nous trouvons le kilométrage, les émissions de CO2, les alertes moteurs et tous autres éléments qui vont permettre notamment de travailler sur l’optimisation du TCO.

Ces remontées d’informations permettent d’agir sur les leviers économiques tels que la consommation d’énergie, l’entretien du véhicule (freinage, accélération), le calcul de la valeur résiduelle. Elles vont également avoir une incidence sur le «comportemental», en permettant la mise en place de recommandations de conduite, freinage, accélérations, etc. pour arriver à une implication du comportement sur les économies du véhicule, sur sa longévité et sur les coûts d’entretien. L’utilisation des données issues du CAN est fondamentale : elle permet de remonter une information vraie et complète et donc de traiter efficacement l’ensemble des informations liées au TCO.

 

Olivier Presse : Le groupe General Motors a implémenté depuis plus de dix ans maintenant le système On Star aux Etats-Unis et l’a présenté au salon de Genève il y a quelques jours. Ce système sera introduit en Europe sur les véhicules Opel qui seront mis sur le marché en juillet prochain. Il sera proposé en standard sur nos véhicules de haut de gamme et en option sur les finitions d’entrée de gamme. Le système On Star permet de mettre en relation directe le conducteur avec un call center pour lui apporter un certain nombre de services supplémentaires. Le conducteur pourra ainsi télécharger un itinéraire : le commercial qui a besoin d’aller voir un client mais ne trouve pas son adresse appelle le call center qui retrouve son adresse et la charge directement dans le système de navigation du conducteur. Un système SOS permettra, en cas d’accident ou de danger, de bénéficier d’une assistance en urgence. Le gestionnaire de parc bénéficiera de son côté d’une application qui remontera des données sur le kilométrage, la consommation, la pression des pneus, le niveau d’huile, etc. Il aura donc en temps réel des informations sur les aspects techniques du véhicule et son opérabilité ou non. Ainsi, le gestionnaire de parc disposera des informations par anticipation sur un véhicule qui a besoin d’un entretien en raison de son niveau de roulage et ne dépendra plus à ce titre de son conducteur et de ses éventuels oublis en matière d’entretien du véhicule. Il pourra ainsi organiser un rendez-vous avec le site de réparation pour s’assurer que, lorsque le véhicule arrive au garage, les pièces seront disponibles. Le temps d’immobilisation du véhicule sur site est donc réduit. Rappelons que la priorité pour un véhicule flotte, c’est qu’il roule. Si nous faisons un parallèle avec l’aviation, lorsqu’un avion atterrit, la tour de contrôle connaît déjà les éléments sur lesquels il faudra intervenir car l’appareil lui a transmis ces informations avant son atterrissage. Pour le véhicule d’entreprise, c’est le même raisonnement. Grâce à la remontée de ces informations, le gestionnaire de flotte pourra limiter ses coûts d’immobilisation car le rendez-vous sera pris et les pièces seront arrivées. Donc l’immobilisation sera restreinte et, par là même, le temps d’inoccupation du conducteur également. On Star aujourd’hui existe aux Etats-Unis et compte à ce jour 7 millions d’utilisateurs dans le monde. Il s’agit d’un vrai plus pour les conducteurs et les gestionnaires de parc car ils pourront optimiser leur coût de détention. Le vrai plus de cette solution réside également dans son montage, qui sera réalisé par le constructeur, limitant le temps de montage et optimisant les coûts.

Pascal Buquet : Mercedes, pour sa part, vient de lancer l’offre Connect Me. Il s’agit de l’un des piliers de Mercedes lancé sur le salon de Genève de l’année dernière. Mercedes Pi assure le lien entre l’utilisateur (particulier ou société) avec la marque Mercedes-Benz. Mercedes Pi intègre plusieurs piliers tels que Finance Me, Move Me ou encore Connect Me. Ce dernier est désormais lancé et disponible sur la nouvelle Classe B, la Classe C, la Classe A. Connect Me permet pour sa part la remontée d’informations de la voiture vers les points de vente pour que les différents chefs d’ateliers sachent si un véhicule a besoin, ou non, d’une intervention. Il intègre également une application sur iPad, smartphone ou PC sur laquelle le conducteur a une visibilité sur différents éléments de son véhicule tels que le niveau de carburant, le taux d’usure des pièces, le niveau de liquides de freins, lave-glace, l’autonomie restante, etc. Cela permet également, lorsqu’il roule, d’être connecté avec le centre d’appel européen et d’être mis en relation avec des garages ou, en cas d’accident, de prévenir les secours en envoyant automatiquement la position GPS du véhicule. Ces différents services sont de série. Il existe également des prestations optionnelles dans le cadre de cette offre : géolocalisation du véhicule, ouvrir ou fermer son véhicule à distance, prédéfinir une zone d’utilisation du véhicule, etc. A échéance 2016, cette offre sera également disponible pour le gestionnaire de parc et contribuera à renforcer sa vision sur sa flotte. Elle lui permettra d’avoir des informations sur, par exemple, le nombre de fois où l’ESP s’est déclenché, le nombre de fois où le véhicule a dépassé les 140 km/h, etc.

 

Thomas Jobelot : Nos véhicules permettent, via les CAN, la récupération de données telles que les consommations instantanées, régimes moteurs, vitesses et kilométrages mais il n’existe pas d’outil universel pour exploiter ces données à ce jour. Nos véhicules hybrides sont équipés d’outils embarqués permettant l’optimisation du fonctionnement de notre technologie. Des économètres remplacent les compte-tours : la première zone indique un mode de fonctionnement électrique, la seconde le mode hybride (les deux moteurs fonctionnent ensemble), la troisième dite «power» sollicite toute la puissance moteur. Nos écrans de GPS permettent la visualisation des flux d’énergie moteurs, la consommation mise à jour toutes les 5 minutes ainsi que l’énergie électrique régénérée. Pour finir, nous disposons, en fonction des modèles, de deux voire trois modes de conduite (Eco, Power et EV) qui influencent directement le comportement des moteurs, soit en limitant leur puissance soit au contraire en les sollicitant directement à leur plus haut niveau, soit en n’autorisant que le fonctionnement du moteur électrique. Tous ces éléments sont autant de possibilités d’optimisation de consommation donc de TCO.

 

Patrice Dos Santos : Lexus propose sur certains de ses modèles des outils de télématique embarquée pour faciliter la conduite au quotidien. Google Search, Google Streetview sont des services disponibles dans ces véhicules dès lors qu’une connexion via smartphone est faite.

 

Thierry Pereault : Bien souvent, les flottes présentent une certaine hétérogénéité quant aux différentes marques présentes dans les parcs. Avec une offre de télématique indépendante, nous proposons donc une unification des données remontées quel que soit le véhicule de manière à ce que le gestionnaire de parc ait une vision unique et homogène de l’information.

 

Christophe Bosca : Aujourd’hui, un gestionnaire de parc a besoin, au-delà des informations propres à l’accompagner dans la maîtrise de son TCO, de prestations de services. Par exemple, ils veulent savoir si le véhicule a besoin d’huile, s’il a outrepassé des consignes de sécurité en roulant régulièrement à plus de 140 km/h, etc. Ce besoin de services, nous le ressentons tous les jours. Dans l’usage des cartes, la saisie du kilométrage devient de plus en plus importante. Il y a deux ans, 50 % à 60 % des gestionnaires de parc demandaient à leurs collaborateurs de saisir leur kilométrage. Aujourd’hui, nous sommes sur plus de 90 %. La saisie du kilométrage permet d’avoir des statistiques fiables sur le roulage du véhicule. Cette donnée est notamment très importante pour adapter les contrats de location en conséquence et limiter les frais liés aux kilomètres supplémentaires et non prévus dans le contrat, parcourus par le véhicule. Les fournisseurs de cartes carburant, au regard de la place du carburant dans le TCO, ont donc un vrai rôle à jouer pour accompagner les entreprises dans la maîtrise de leurs coûts. Les gestionnaires de parc nous questionnent ainsi de plus en plus sur les prestations complémentaires que nous pouvons leur apporter. Or, nous sommes en mesure de leur amener des outils de gestion et du temps réel sur l’utilisation de nos cartes. Par exemple, nous pouvons les informer lorsque nos cartes sont utilisées le week-end ou en cas de surconsommation de carburant. Ce temps réel est un véritable atout car dès qu’il y a un décalage par rapport à l’usage normal, le gestionnaire est tout de suite alerté et peut immédiatement remettre dans le droit chemin le collaborateur concerné. Il évite ainsi la diffusion, au sein de son organisation, de dérapages. Cette démarche est d’autant plus importante que le poste carburant représente une part importante du TCO.

Internaliser ou externaliser la flotte

Arnaud Villéger : L’une des missions du loueur consiste à agréger l’ensemble des données véhicules qui, rappelons-le, ont différentes provenances. Sa valeur ajoutée repose notamment sur notre capacité à homogénéiser toutes ces informations. Par exemple, pour les cartes carburant, Arval travaille avec trois fournisseurs différents qui ne remonteront par forcément les mêmes données à la même fréquence. Notre rôle consiste donc à accompagner les entreprises dans l’analyse de la donnée. Nous sommes en effet capables d’extraire des conclusions, comme le ferait d’ailleurs un consultant, sur l’adéquation entre des véhicules, des cartes carburant ou encore des lois de roulage, avec les usages qui sont faits des véhicules. L’objectif de cette démarche étant de générer des économies. L’intérêt du loueur repose sur sa visibilité sur l’ensemble des centres de coût pour agir sur chacun d’eux. L’internalisation ou l’externalisation de la gestion du parc automobile dépend ensuite de l’organisation de l’entreprise. Nous avons ainsi certains clients dont l’organisation et les ressources humaines leur permettent d’avoir en interne un professionnel de la gestion de flotte avec lequel nous échangeons d’ailleurs d’égal à égal. Nous avons par ailleurs de nombreux clients qui n’ont que quelques véhicules en parc. La gestion de la flotte peut alors être dévolue à une assistante, aux services généraux, à la DRH, etc. Ces personnes n’ont pas 100 % de leur temps à affecter aux véhicules. Or, ce sont souvent ces entreprises-là qui ont besoin de rationaliser leurs dépenses et qui ont besoin d’une aide extérieure pour s’engager dans cette démarche. Quelle que soit la stratégie de l’entreprise en termes de gestion, nous sommes capables de faire du fleet management sur tous les véhicules en location de nos clients, que nous soyons le seul loueur référencé ou non.

 

Matthieu Blaise : L’externalisation d’une flotte peut porter sur le financement et donc la location longue durée, la location avec option d’achat, les achats, la valeur résiduelle, etc. Nous constatons en la matière que la location longue durée est une tendance de fond en pleine progression. Les entreprises ne sont pas et ne souhaitent pas être des experts de la valeur résiduelle ou des taux financiers. Elles voient par ailleurs que le coût du financement dans leur loyer est minime et sont donc prêtes à confier le financement du parc à un prestataire. L’externalisation d’une flotte peut également porter sur la gestion. Il s’agit alors d’une décision très spécifique pour chaque entreprise. Par exemple, certaines entreprises souhaitent garder la main sur la gestion de leur flotte car les véhicules sont un outil de travail. Mais il est important de pouvoir benchmarker et remettre en cause de temps en temps les contrats avec les constructeurs, les loueurs, les pétroliers, les réseaux d’entretien, etc. Il est également nécessaire de centraliser les données provenant de ces différents acteurs. Plusieurs solutions s’offrent alors à l’entreprise. Nous avons par exemple l’externalisation a minima qui consiste à mettre en place un logiciel et à former une personne qui, dans l’entreprise, sera capable de gérer le parc. Nous avons également l’externalisation totale auprès d’une société spécialisée pour certains clients qui ne souhaitent pas multiplier les interlocuteurs : loueurs, constructeurs, assureurs, pétroliers, réseaux d’entretien, etc. Néanmoins, la flotte automobile représentant parfois le deuxième ou troisième poste de dépenses de nos clients, il s’agit d’un sujet important pour l’entreprise qu’il convient de traiter en conséquence.

Guillaume Saint-Sernin : Chez France Télévisions, nous mettons dans le TCO le loyer pur, l’entretien, les pneumatiques, le carburant et la fiscalité (la TVS, l’impact de l’impôt sur les sociétés sur les amortissements déductibles et la TVS, etc. ; car finalement nous devrions payer 33 % d’impôt sur les sociétés sur des charges qui sont non déductibles du résultat). A partir de là, nous disposons d’un TCO réel assez facile à obtenir et ce d’autant plus que depuis quatre ans, nous nous sommes équipés d’un logiciel de gestion de flotte qui nous permet d’agréger toutes les données provenant de nos constructeurs, loueurs, assureurs ou encore pétroliers. Pour la partie fiscalité, nous alimentons nous-mêmes le logiciel, au même titre d’ailleurs que nous y intégrons nos propres données. Le relevé kilométrique représente également une donnée très importante. Il se trouve que nous obligeons les conducteurs de nos véhicules de service, à indiquer le kilométrage à chaque prise de carburant à la station. Le problème à ce sujet repose sur la dimension humaine liée à cette donnée. Si le conducteur oublie de renseigner cette donnée en temps réel, le kilométrage sera erroné, ce qui n’est pas sans conséquence sur nos lois de roulage. Nous sommes donc dans l’obligation de nettoyer ces données. La solution repose sur la télématique embarquée. Nous voyons des prestations en la matière émerger comme Pro+ Board de Renault, ou les nouveaux outils de télématique intégrés par les constructeurs de poids lourds tels que MAN, qui permettent de remonter des informations sur l’entretien, le comportement routier, etc. Cette solution est d’autant plus importante pour les entreprises que le poste carburant chez un poids lourd représente 30 % de son coût global. Derrière, nous avons le TCO réel, c’est lui qui va influer sur le TCO classique. Or, ce qui influe sur le TCO classique, c’est le comportement de conduite du collaborateur. Nous pouvons, en tant qu’entreprise, être très performants sur le TCO classique, mais avoir un très mauvais TCO réel en raison du comportement de conduite de nos collaborateurs. Nous sommes donc vigilants sur la télématique embarquée, mais rappelons qu’auprès de certains conducteurs, tels que nos journalistes, la géolocalisation intégrée dans ces outils ne passe pas bien. Donc la télématique embarquée est une très bonne solution, mais en ce qui nous concerne chez France Télévisions, elle ne peut intégrer la géolocalisation. Certes, les constructeurs proposent désormais pour la plupart des remontées de données moteurs. Avec une offre telle que Pro+ Board de Renault, il n’est pas possible de falsifier un kilométrage ou la sévérité d’une conduite. Néanmoins, il ne faut pas occulter l’usage qui sera fait de ces données. Un mauvais comportement de conduite peut générer des révisions plus fréquentes. Auquel cas, nous devons revoir nos contrats avec les loueurs. Alors, certes, ces boîtiers sont fiables et pérennes, encore faut-il que les loueurs en intègrent les résultats sur leur stratégie de gestion de flotte. Enfin, les loueurs ont une capacité à nous restituer des données, à nous les mettre en forme pour que nous en ayons une bonne compréhension et surtout, à éduquer les personnes dont ce n’est pas le métier sur les leviers d’optimisation des coûts de flotte. Le loueur peut nous restituer toutes ces informations, mais dans la mesure où il gère l’ensemble du parc. Si une entreprise a plusieurs loueurs, la consolidation des données sera plus complexe. Le seul moyen d’avoir une visibilité optimale sur sa flotte consistera alors à s’équiper d’un logiciel de gestion de flotte qui récupérera l’ensemble des données quel que soit le loueur. C’est ce que nous avons fait chez France Télévisions en nous équipant d’un logiciel en la matière. Aujourd’hui, nous commençons donc à disposer d’une restitution des données classiques sur le TCO qui nous permet de savoir combien nous coûte notre flotte. Le comportement du conducteur est une véritable problématique pour nous. Aujourd’hui tout notre enjeu, au regard de notre population de conducteurs, consiste à trouver comment mesurer le comportement de conduite qui influera sur notre TCO.L’adéquation entre les contraintes réglementaires et l’optimisation du TCO.

 

Arnaud Villéger : Les flottes automobiles sont en pleine révolution avec l’émergence de l’autopartage et c’est toute l’organisation des flottes qui est remise à plat. Il s’agit d’une solution efficace permettant d’optimiser l’usage des véhicules. Avec des outils de mesure précis tels que la télématique qu’Arval a lancée en décembre dernier, nous sommes aujourd’hui capables de dire au conducteur ce qu’il a dépensé en carburant. A partir de cette information, nous pouvons le motiver sur une baisse de consommation et pourquoi pas lui restituer, d’une manière ou d’une autre, l’économie qu’il aura réalisée même si cela reste compliqué en raison des enjeux réglementaires. Alors seulement, nous pourrons faire évoluer les mœurs.

 

Pascal Buquet : Il s’agit avant tout d’une prise de conscience. En effet, avant d’“incentiver” un collaborateur, si déjà nous l’informons de sa consommation ou de son comportement et que nous les comparons avec ceux de ses collègues, nous commencerons à le sensibiliser et ce, même si nous ne lui rendons pas une partie des économies qu’il pourrait réaliser. Si l’entreprise communique aux collaborateurs sur leur consommation en carburant ou leur sinistralité et les compare avec celles de leurs collègues, ils seront davantage vigilants sur leur comportement de conduite.

Christophe Bosca : Il n’y a pas de vérité entre l’incentive et la sensibilisation. En effet, sur un véhicule de fonction, un conducteur ne connaîtra pas le montant du litre d’essence ou de son dernier plein d’essence, car il le fait par automatisme. Par ailleurs, ce n’est pas lui qui paie. Sa seule problématique consiste à se rendre au plus près pour s’approvisionner en carburant. Une démarche qui est à l’inverse de celle que nous avons à titre personnel et qui consiste à aller vers le carburant le moins cher. Il faut donc éduquer les conducteurs. Or, présenter chaque mois à ses collaborateurs des statistiques de consommation moyenne des véhicules et/ou de kilométrage peut s’avérer, en la matière, une bonne méthode. Nous nous rendons compte qu’avec cette méthode, certaines entreprises parviennent à obtenir, à véhicules et usages équivalents, des moyennes de consommation identiques. La communication auprès de chacun des collaborateurs sur sa consommation est néanmoins actuellement une volonté des entreprises.

 

Jean-Yves Marie-Rose : Cela fait près de 10 ans que l’ADEME travaille de manière très précise sur le transport routier tel qu’il existe, à savoir les flottes pour les entreprises dont le métier est de transporter et donc de rouler mais aussi les flottes de véhicules professionnels de moins de 3,5 tonnes, utilitaires, utilisés en compte propre par les entreprises. Nous le faisons dans un objectif de réduction des émissions de CO2. Nous les sensibilisons notamment à la comptabilité carbone. A cet effet, elles partent de leur consommation et se fixent un objectif de réduction de CO2 à trois ans. Lorsque nous travaillons sur ces flottes, nous touchons alors à tout ce qui a été dit dans le cadre du TCO, à savoir la maintenance, les pneumatiques, le carburant, les écarts, etc. Globalement, il y a donc une convergence entre ce que nous essayons de réaliser à notre échelle pour donner un outil au chef d’entreprise et en particulier pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’équiper de télématique et ce qui se fait déjà dans les grandes flottes entreprises qui tendent à adopter les outils de télématique. La tendance consiste donc bien à mieux connaître la pratique et les usages des véhicules. Il faut maintenant optimiser cette fonction de mobilité. Il faut le faire rapidement car la contrainte réglementaire évolue très vite. S’il y a quelques années, la réglementation était plutôt incitative, nous pourrions bientôt être davantage dans l’obligation. Par exemple, avec la loi sur la transition énergétique en préparation, les entreprises de plus de 100 salariés pourraient être obligées de s’équiper de ces outils de télématique mais nous savons que cela va poser la question des usages, des pratiques et des raisons pour lesquelles les collaborateurs se déplacent. Enfin, ces démarches qui avant étaient volontaires, ont eu une véritable vocation pédagogique et nous amènent aujourd’hui à mener des réflexions pour changer totalement notre vision de la mobilité.

 

Matthieu Blaise : Nous avons constaté l’évolution du monde des flottes automobiles d’entreprise au travers nos missions : il y a 10 ans, nous auditions et optimisions des parcs automobiles avec une approche très technique tournée vers le véhicule, son financement et son entretien. Aujourd’hui nous auditons et optimisons des usages, nous travaillons sur des coûts de mobilité. Selon nous, les débats sur la technologie des véhicules (voiture communicante, électrique, hydrogène, etc.) vont continuer à se développer mais vont devenir secondaires et complémentaires par rapport au débat sur l’usage des flottes d’entreprises. Ce débat va concerner l’ensemble des entreprises de toutes tailles car il va fortement impacter l’économie en général et la manière de faire du commerce en particulier. 

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