Rémunération

Publicis lance un plan de co‑investissement pour fidéliser ses cadres dirigeants

Publié le 4 septembre 2013 à 16h44    Mis à jour le 11 novembre 2013 à 21h49

Hafida Aboulouard

Pour continuer à motiver ses éléments clés à travers le monde et réduire son taux de turn-over, Publicis vient de dévoiler un programme de co‑investissement sur trois ans, dans le cadre duquel les cadres dirigeants percevront notamment une action gratuite pour une action du groupe publicitaire achetée sur le marché.

Le mois de mai a été actif pour Publicis en matière de politique salariale. Le groupe a en effet innové la semaine dernière en soumettant à un vote consultatif de ses actionnaires, les rémunérations de ses deux principaux dirigeants. Mais surtout, il a choisi de mettre en place un nouveau plan reposant sur des actions gratuites et des stockoptions. Une décision qui peut paraître surprenante tant les prélèvements portant sur ces outils d’actionnariat salarié sont devenus prohibitifs. Ces derniers sont en effet désormais imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu et non plus au taux forfaitaire. Ainsi, les plus-values issues de ces produits peuvent être taxées jusqu’à 67 % lors de l’acquisition et jusqu’à 60 % au moment de la cession pour les cadres à très hauts revenus.

De plus, la contribution patronale dont les entreprises doivent s’acquitter sur la totalité du plan a bondi de 14 % à 30 % en juillet dernier. «En matière de rapport entre le coût des instruments et le montant que perçoit in fine le salarié, il y a aujourd’hui pour certains salariés en fonction de leur niveau de rémunération, plus d’intérêt à verser des bonus en cash que de distribuer ces produits en France, explique Mathias Emmerich, secrétaire général de Publicis. Toutefois notre programme ne se limite pas aux frontières de l’Hexagone, mais a une portée mondiale et nos collaborateurs étrangers continuent pour leur part à attendre de ces produits. Nous ne pouvions donc pas déterminer notre politique d’actionnariat salarié uniquement au vu du niveau important de la fiscalité française.»

Dans un monde de plus en plus concurrentiel en matière de talents, l’objectif du groupe publicitaire est en effet d’abord de retenir et motiver ses cadres clés, où qu’ils soient installés. «Nous sommes dans un secteur très compétitif au sein duquel nous observons un turnover important qui touche également le plus haut niveau de la hiérarchie, poursuit Mathias Emmerich. Il s’élève en moyenne à 10 % par an chez les cadres dirigeants.»

Des performances comparées à celles des concurrents

Pour répondre à cette problématique, Publicis a décidé de mettre en place un nouveau programme. Celui-ci comporte toutefois une particularité car il s’agit d’un plan de co-investissement. Pour bénéficier potentiellement d’actions gratuites et de stockoptions, les dirigeants doivent au préalable acquérir des actions Publicis.«Nous avons choisi cette solution car elle permet d’associer étroitement les cadres dirigeants au développement du groupe, ces derniers prenant un véritable risque sur des fonds personnels, précise Mathias Emmerich. Pour acheter ces actions, ils n’ont en effet bénéfi cié d’aucun financement ni d’aucune garantie du groupe, mais ont fait appel à des apports personnels et à des emprunts bancaires.»

Le programme se compose de deux volets. Le premier, lié à des conditions de présence, permettra aux bénéficiaires de percevoir, à l’issue d’une période de conservation de trois ans pour les cadres dirigeants résidant en France, et quatre ans pour ceux qui sont installés à l’étranger, une action gratuite pour chaque action achetée. «La distribution d’actions gratuites a pour objectif de fi déliser les dirigeants, indique Mathias Emmerich. Nous espérons ainsi retenir certains cadres qui auraient pu souhaiter partir.»

Pour sa part, le second volet du programme est lié à des conditions de performance. «Celle-ci se mesure en fonction des résultats obtenus sur une durée de trois ans, tant en matière de croissance organique que de marge opérationnelle, par comparaison à celle de nos principaux concurrents qui sont Omnicom, WPP et IPG», souligne Mathias Emmerich. Si le résultat est au rendez-vous, chaque cadre dirigeant pourra bénéficier, toujours pour une action achetée, de sept options donnant chacune droit à une action Publicis.

«Si en revanche nous n’arrivons qu’au deuxième rang en termes de rentabilité, le groupe ne servira que 50 % des stockoptions, précise Mathias Emmerich. Si nous occupons la troisième position, 15 % seulement seront octroyées et si nous sommes en dernière position, les cadres dirigeants ne bénéficieront d’aucune option correspondant à ce critère. L’objectif du groupe est de rester le plus rentable du secteur.»

200 cadres sélectionnés

Compte tenu de ces conditions de performances strictes et de la prise de risque importante qu’il nécessite, ce plan a été réservé à un nombre restreint de personnes. Publicis n’en a en effet offert la possibilité qu’à une liste de collaborateurs clés, sélectionnés au niveau mondial.«Dans un premier temps, chacun des onze réseaux du groupe nous a proposé une liste de bénéfi ciaires potentiels, dont le nombre dépend de sa contribution au chiffre d’affaires et à la marge opérationnelle globale, explique Mathias Emmerich. Ainsi, les Etats-Unis, où nous réalisons plus de 45 % de notre chiffre d’affaires, représentent le nombre le plus important de candidats. Ensuite, en fonction de l’importance stratégique du poste qu’ils occupent et des résultats de leur évaluation annuelle, nous avons retenu 200 cadres dirigeants clés dans le monde.» Ces derniers ont largement souscrit au programme, puisque le taux de participation a atteint 96,4 %.

Un investissement conséquent

En outre, les sommes demandées ont largement dépassé les attentes du groupe. En effet, alors que Publicis avait plafonné le montant total des souscriptions d’actions permettant de bénéfi cier du programme à 44,7 millions d’euros, la demande a été trois fois plus importante. Au final, les cadres dirigeants ont investi 711 170 euros chacun en moyenne. Un engouement qui s’explique notamment par les bons résultats d’un premier plan similaire lancé en 2009. Ce dernier, proposé à 160 dirigeants du groupe, s’est en effet soldé par une réussite en termes de performance. «Il a été très positif car 100 % des objectifs ont été atteints et, dans le même temps le cours de Bourse de l’action Publicis a plus que doublé passant de 20 euros en mars 2009 à plus de 46 euros fin décembre 2012, de quoi motiver les dirigeants», signale Mathias Emmerich.

Cette première expérience a ainsi permis aux dirigeants de bien assimiler le mécanisme et de mesurer la rentabilité de leur engagement. «Les notions de prise de risque et d’association au résultat sont assez répandues dans le secteur de la publicité, ce qui a facilité l’adhésion des collaborateurs, souligne Mathias Emmerich.Nous avons par ailleurs fait un effort explicatif et pédagogique cette année, ce qui a aidé à faire le succès du plan.» Une démarche indispensable puisque le groupe a accentué le niveau de prise de risque demandé aux collaborateurs cette année. «En 2009, le plan ne comprenait que des actions gratuites, ainsi pour chaque action achetée, un dirigeant percevait une action gratuite après trois ans de présence et deux actions gratuites si les objectifs de performances étaient atteints», explique Mathias Emmerich.

Or, le plan de 2013 comprend aussi des stockoptions, qui peuvent être nulles, si le cours de Bourse est inférieur au niveau d’exercice fixé par le groupe. «Nous avons souhaité créer un programme légèrement plus sophistiqué et faire prendre un peu plus de risque aux cadres, avec à la clé, une possibilité de gain plus importante», indique Mathias Emmerich. Ce qui devrait inciter les dirigeants à renforcer la performance du groupe… en espérant que les niveaux boursiers continuent leur progression dans les années à venir.

Une structure dédiée à l’opération

Pour recueillir les investissements des cadres dirigeants, une structure indépendante dédiée à l’opération, LionLead SCA, a été créée. «Il s’agit d’une société en commandite par action, propriété des investisseurs salariés, explique Mathias Emmerich. Nous avons fait ce choix pour bien détacher cette opération du groupe et montrer que l’investissement des cadres est entièrement indépendant de Publicis.» LionLead SCA a ainsi pour rôle de collecter les apports personnels des participants. «Elle négocie également des prêts bancaires en leur nom pour ensuite acheter des titres Publicis», souligne Mathias Emmerich. Celle-ci a ainsi acquis 846 379 actions du groupe de publicité pour 44,7 millions d’euros à un prix moyen de 52,81 euros, soit 0,4 % du capital.

Les cadres dirigeants n’ont pas vocation à conserver ces actions. «A l’issue de la période imposée de trois à quatre ans de présence dans la société, ils recevront une action gratuite et, sous réserve de conditions de performance, des stock-options Publicis, indique Mathias Emmerich. LionLead vendra ensuite les actions qu’elle vient d’acquérir et remboursera les salariés de leur investissement de départ auxquels s’ajouteront les éventuels gains. Elle leur versera un montant moindre que celui qu’ils ont investi, si le cours de Bourse du groupe a baissé à ce moment-là.»

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