La lettre de l'immobilier

Mai 2017

La qualification fiscale de la nature des droits portant sur des immeubles

Publié le 26 mai 2017 à 15h05    Mis à jour le 26 mai 2017 à 18h10

Richard Foissac

Les entreprises peuvent être titulaires des droits portant sur des actifs immobiliers (promesse de vente d’immeubles ou de titres de sociétés immobilières) ou sur des actifs incorporels (ex. : promesse de baux commerciaux) et la question se pose souvent de savoir comment qualifier ces droits au regard de la notion de prépondérance immobilière, tant en matière d’impôts directs que de droits d’enregistrement.

Par Richard Foissac, avocat associé en fiscalité. Il traite notamment des dossiers d’acquisition et de restructuration de groupes immobiliers cotés ou non cotés et les conseille sur leurs opérations. Il est chargé d’enseignement en droit fiscal aux Universités Paris I et Nice Sophia-Antipolis. richard.foissac@cms-bfl.com 

La difficulté est qu’il existe des définitions sensiblement différentes selon les impôts concernés.

Ainsi, si le législateur a expressément mentionné pour la taxe de 3 %1 et pour certaines opérations soumises à TVA2, les droits réels portant sur des immeubles, il a retenu en revanche en matière de droits de mutation, de donation, de succession et d’ISF3 le terme de droits immobiliers et, pour le régime des plus-values de cession des titres de sociétés à prépondérance immobilière4, le terme de droits portant sur les immeubles.

Or, la notion de droits immobiliers ou de droits portant sur des immeubles ne correspond à aucune réalité en droit civil, alors que celle de droits réels immobiliers renvoie à une catégorie bien connue des «civilistes» en ce qu’elle recoupe, au plan immobilier, le droit de propriété et ses démembrements (usufruit, nue-propriété, servitudes, droit de surélévation, droit de mitoyenneté, droit de superficie), ainsi que leurs accessoires (bail emphytéotique, bail à construction, sûretés réelles immobilières : hypothèques, etc.).

La question s’est ainsi posée de savoir si la simple référence à des droits immobiliers ou à des droits portant sur des immeubles ne pourrait pas finalement renvoyer à tous droits simplement en relation avec un immeuble, tels qu’une promesse de vente relative à un immeuble. L’expression «droits immobiliers» engloberait alors en fiscalité des droits mobiliers par nature mais traités comme immobiliers par leur objet.

Une telle interprétation, qui ne serait pas sans conséquences fiscales importantes, ne nous paraît cependant pas devoir être retenue pour plusieurs raisons.

Force est tout d’abord de considérer que l’administration fiscale n’établit pas de différence selon les terminologies et a ainsi, de la même façon, défini les droits immobiliers ou portant sur des immeubles comme des droits réels immobiliers, qu’il s’agisse du régime des plus-values immobilières privées de l’article 150 U du CGI5, ou de celui des droits de donation et de succession6, ou bien encore de celui des droits de mutation sur cession de titres de sociétés non cotées à prépondérance immobilière7.

Par ailleurs, lorsque le législateur a souhaité élargir le champ de la définition de la prépondérance immobilière en intégrant des droits en relation avec un immeuble, il l’a fait expressément.

Ainsi, dans le régime des plus-values professionnelles, les sociétés à prépondérance immobilière ont été définies comme celles dont l’actif est à la date de la cession des titres, ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par : des immeubles, des droits portant sur des immeubles et des droits afférents à un contrat de crédit-bail immobilier ou par des titres d’autres sociétés à prépondérance immobilière.

S’il ne fait pas de doute que des titres de sociétés ne constituent pas des droits immobiliers, il aurait pu en aller autrement d’un contrat de crédit-bail immobilier. Or, le législateur a clairement établi la distinction en mentionnant spécifiquement les droits afférents à un contrat de crédit-bail immobilier, en sus des droits portant sur des immeubles.

La promesse de vente d’un immeuble, quand bien même elle génère un droit portant sur un immeuble, ne paraît ainsi pas pouvoir être qualifiée comme tel au sens des dispositifs précités.

1. Art. 990D du Code général des impôts (CGI).

2. Art. 257 du CGI.

3. Art. 726, 750 ter et 885L du CGI.

4. Art. 150 UB, 219 I a sexies O bis et 244 bis A du CGI.

5. Notamment BOI-RFPI-PVI-10-20 n° 10, 05-05-2015.

6. BOI-ENR-DMTG-10-10-30 n° 120, 12-09-2012..

7. BOI-ENR-DMTOM-40-10-10 n° 180, 12-09-2012.

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