La lettre de l'immobilier

Juin 2016

Réforme du Code civil : exécution forcée des promesses unilatérales

Publié le 10 juin 2016 à 11h30    Mis à jour le 10 juin 2016 à 15h51

Jean-Luc Tixier

L’article 1124 du Code civil applicable aux promesses conclues à compter du 1er octobre prochain dispose : «La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

Par Jean-Luc Tixier, avocat associé en droit immobilier et droit public. Il assiste tant en matière de conseil que de contentieux des entreprises commerciales et industrielles, et il intervient auprès des promoteurs en matière de droit de l’urbanisme, de construction, de vente et location d’immeubles, de baux emphytéotiques et à construction. Il est chargé d’enseignement à l’Université Paris I. jean-luc.tixier@cms-bfl.com

La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul.»

L’exécution forcée de la promesse par le promettant érigée en principe

Rappelons que, selon la jurisprudence, une telle promesse ne peut pas faire l’objet d’une exécution en nature si le promettant se rétracte avant l’expiration du délai fixé pour la levée de l’option. En pareil cas, l’inexécution de la promesse se résout en dommages et intérêts (Cass. 3e civ. 15 déc. 1993 n° 91-10199 ; Cass. com. 13 sept. 2011 n° 10-19526).

Certes la pratique, notamment notariale, a tenté de développer l’usage de clauses contenant renonciation au bénéfice de l’article 1142 du Code civil, lequel sanctionne l’inexécution d’une obligation par des dommages et intérêts, l’objectif étant de prétendre à l’exécution forcée à l’égard du promettant, en dépit de sa rétractation.

Dans sa rédaction à venir, l’article 1124 du Code civil énonce la force obligatoire de la promesse unilatérale : la sanction de l’inexécution par le promettant (fût-ce par voie de rétractation) ne sera plus l’octroi de dommages et intérêts mais l’exécution forcée de ladite promesse.

Ce texte ne concerne pas le contrat préliminaire de réservation qui précède les ventes en état futur d’achèvement (VEFA). En effet, l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que le contrat, objet de la réservation, puisse ne pas être conclu du fait du réservant, lequel n’est pas obligé de proposer les biens réservés à la vente, contrat sui generis et non pas promesse de vente, il continuera donc d’échapper à l’exécution forcée.

Le nouvel article 1124 s’appliquera aux promesses de baux. L’efficacité des promesses de baux en l’état futur d’achèvement (BEFA) sera donc indiscutable, et tout laisse à penser qu’elles rencontreront les faveurs accrues de la pratique.

Il en sera de même des promesses de baux emphytéotiques et à construction (dès lors qu’il n’existera aucune incertitude sur l’assiette et les conditions du contrat promis).

L’exécution forcée de la promesse : nullité du contrat conclu avec un tiers

Ledit article 1124 frappe de nullité le contrat conclu avec un tiers et permet l’exécution de la promesse au profit du bénéficiaire.

La jurisprudence actuelle sanctionne la vente à un tiers par des dommages et intérêts (Cass. 3e civ., 20 févr. 1979, n° 77-14 255) et par la nullité si le bénéficiaire rapporte (ce qui s’avère difficile) la preuve de la connaissance de la promesse par le tiers et de la mauvaise foi de ce dernier (V. 8 juill. 1975, Bull. civ. III, n° 249 Cass. 3e civ. 28 mai 1979, n° 77-14 164).

L’article 1124 contrecarre la jurisprudence et permet l’exécution forcée de la promesse au profit du bénéficiaire en cas de contrat conclu avec un tiers, lequel sera quant à lui nul. La preuve de la connaissance de la promesse par le tiers demeure exigée, mais la mauvaise foi du tiers n’a plus à être démontrée.

Reste une question d’importance : l’article 1124 est-il ou non d’ordre public ? Pourra-t-on continuer à stipuler des clauses appliquant les principes jurisprudentiels rappelées ci-desssus ?


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