La lettre de l'immobilier

Novembre 2018

L’impact de la taxe de 3 % sur les immeubles dans les négociations sur le prix

Publié le 23 novembre 2018 à 14h50    Mis à jour le 23 novembre 2018 à 16h55

Julien Saïac et Mary Lédée

La taxe de 3 % sur les immeubles a été initialement créée afin de permettre à l’administration fiscale de connaître le nom des personnes physiques détenant, au travers d’entités interposées, des actifs immobiliers français pour les besoins de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Par Julien Saïac, avocat associé en fiscalité. Il traite plus particulièrement des questions relatives aux restructurations  internationales et aux investissements immobiliers. julien.saiac@cms-fl.com et et Mary Lédée, avocat en fiscalité. Elle intervient en matière de fiscalité transactionnelle et conseille les entreprises au quotidien, principalement dans le secteur immobilier (structuration des acquisitions, accompagnement dans le cadre des négociations et en matière de rédaction des clauses fiscales des actes, réalisation d’audits). mary.ledee@cms-fl.com

Hormis les cas d’exonération spécifiques, elle n’a pas vocation à s’appliquer dès lors que toutes les entités interposées entre l’immeuble et les personnes physiques, détenant indirectement l’immeuble, dévoilent chaque année, spontanément ou sur demande de l’administration fiscale, les noms et adresses de leurs actionnaires ainsi que l’adresse et la valeur vénale des immeubles détenus au 1er janvier. En pratique, l’obligation est satisfaite par l’envoi du formulaire n° 2746 dument complété et signé. Lorsque cette obligation déclarative n’est pas respectée, la taxe n’est due que si l’obligation déclarative n’est pas satisfaite dans les trente jours suivant la première demande de régularisation envoyée par l’administration fiscale.

Les sanctions attachées au manquement de cette obligation déclarative sont importantes (3 % par an de valeur vénale de l’immeuble avec application d’un délai de prescription de six ans et d’une solidarité entre toutes les entités interposées) et la gestion du risque y afférent fait souvent l’objet de négociations longues et difficiles dans le cadre de transactions portant sur des sociétés à prépondérance immobilière (share deals).

En pratique, les vendeurs acceptent très rarement l’application d’une décote sur le prix proportionnelle au montant du risque, compte tenu des montants en jeu qui peuvent parfois dépasser le prix d’acquisition des titres.

En revanche, la situation la plus courante consiste à demander au vendeur ainsi qu’à l’ensemble des entités interposées dans la chaîne de détention des actifs de préparer les formulaires n° 2746 au titre des années non prescrites et à les placer sous séquestre. Une convention de séquestre déterminant les conditions dans lesquelles l’acquéreur ou toute autre entité interposée sera autorisée à utiliser les documents séquestrés est alors signée entre les parties. En pratique, il est usuel de restreindre l’accès à cette documentation à deux situations :

- en cas de demande de régularisation formulée par l’administration fiscale ; et

- en cas de revente du portefeuille par l’acquéreur dans un délai ne permettant pas de purger totalement le risque pour le nouvel acquéreur. Dans ce deuxième cas, le séquestre de la documentation permet à l’acquéreur initial, devenu vendeur, de ne pas concéder lui-même de décote sur le prix ou de garantie de passif spécifique.

Lorsque le séquestre de documents n’est pas possible, les négociations entre les parties peuvent alors aboutir à un séquestre d’une partie du prix. Une telle démarche n’est évidemment envisageable que lorsque les montants en jeu sont nettement inférieurs au prix d’acquisition. La convention de séquestre prévoit alors la plupart du temps une libération progressive du prix au fur et à mesure de l’acquisition de la prescription.

Enfin, lorsque le principe même du séquestre n’est pas acceptable, le vendeur peut concéder à l’acquéreur une garantie de passif. L’acquéreur avisé exigera souvent que cette garantie soit assortie d’une garantie autonome à première demande octroyée par une banque. Cette «garantie de la garantie» entraîne alors généralement pour le vendeur le blocage des sommes concernées ainsi que le paiement d’une commission à la banque. De ce fait, elle donne souvent lieu à d’âpres négociations dans le but de déconnecter le montant de la garantie de passif du montant de la garantie de la garantie et ainsi réduire le montant des sommes bloquées par la banque. Si cette réduction n’est pas acceptée par l’acquéreur, les vendeurs ont alors tout intérêt à revenir au principe du séquestre du prix avec libération progressive des sommes dès lors que le séquestre exerce généralement sa mission à titre gratuit.


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