La lettre gestion des groupes internationaux

Octobre 2016

Le Profit Split revu et corrigé par l’OCDE dans sa lutte contre les pratiques fiscales dommageables

Publié le 7 octobre 2016 à 10h17    Mis à jour le 7 octobre 2016 à 17h10

Pierre Escaut et Fabien Fontaine, PwC Société d’Avocats

De longue date, la méthode transactionnelle du partage des bénéfices (communément désignée sous le vocable de «Profit Split») est employée par des multinationales et les administrations fiscales pour appliquer le principe de pleine concurrence à leurs transactions les plus complexes.

Par Pierre Escaut, avocat associé, PwC Société d’Avocats et Fabien Fontaine, avocat, PwC Société d’Avocats

Cette méthode consiste à déterminer les bénéfices (ou pertes) résultant de l’activité conjointe d’entreprises associées, pour ensuite les partager «en fonction d’une base économiquement valable qui se rapproche du partage des bénéfices qui aurait été anticipé et reflété dans un accord réalisé en pleine concurrence1». Elle s’oppose à la majorité des autres méthodes qui ne rémunèrent unilatéralement que l’une des parties à la transaction, celle qui n’a pas vocation à supporter le risque de marché compte tenu de la simplicité de son profil fonctionnel.

Cette méthode a fait l’objet d’une attention particulière de l’OCDE dans ses travaux sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (projet «BEPS») et plus particulièrement son Rapport sur les Actions 8-10 visant à aligner prix de transfert et création de valeur au sein des multinationales.

Par construction, le Profit Split doit en effet permettre une juste répartition des profits, au regard des contributions relatives des parties en présence à la génération de ces profits. Dans ce cadre, l’OCDE a publié en juillet dernier une consultation publique spécifique à cette méthode («Discussion Draft on the Revised Guidance on Profit Splits2»).

Aux yeux de l’OCDE, si le Profit Split permet de pallier certaines insuffisances des méthodes traditionnelles dans des situations où les parties en présence agissent de manière coentrepreneuriale, il ne constitue pas pour autant une panacée ; cette méthode n’a en effet vocation à s’appliquer que dans certaines situations justifiant un partage des risques, en présence d’opérations hautement intégrées ou de contributions uniques et de valeur.

La consultation de l’OCDE a le mérite d’expliciter ces critères de sélection du Profit Split : le simple fait d’appartenir à un groupe multinational ne suffit pas ; les opérations hautement intégrées visent des situations où les parties interviennent conjointement sur une même étape de la chaîne de valeur, en développant par exemple des produits ou en les commercialisant ensemble (intégration dite «parallèle» par opposition à une intégration «séquentielle»). Les contributions uniques et de valeur peuvent consister en des fonctions, risques, ou actifs pour lesquels il n’existe pas de comparables disponibles et qui constituent une source importante de profits. L’OCDE prend l’exemple d’entités qui développent et fabriquent chacune une composante d’un produit, avec chacune des contributions uniques et de valeur.

L’OCDE apporte aussi un éclairage utile en ce qui concerne les modalités d’application du Profit Split : faut-il partager une marge brute ou nette ? Un partage de marge brute et pas nette aura par exemple du sens si l’intégration des parties concerne la production, mais pas la commercialisation, ce qui se traduit par des dépenses de distribution engagées de manière non concertée. Par ailleurs, si les profits sont partagés sur la base de coûts, quels coûts prendre en compte ? Dans certains cas, par exemple, il conviendra de prendre en compte des coûts de R&D antérieurs à l’exercice considéré.

L’OCDE donne également des recommandations pratiques sur l’approche à retenir pour déterminer, au regard de ces différents critères, si la méthode de Profit Split peut être retenue et, dans l’affirmative, de quelle manière l’appliquer. Elle suggère ainsi de procéder à une analyse de la chaîne de valeur, qui permettra d’avoir une vision d’ensemble du groupe et du rôle en son sein des parties liées. Cette analyse permettra de connaître les facteurs clés de succès au sein du groupe, les avantages compétitifs par rapport à la concurrence, la contribution des parties liées à ces facteurs clés de succès, et comment elles interagissent au sein de la chaîne de valeur.

Ces clarifications de l’OCDE sont les bienvenues, car elles permettront de tracer plus précisément la frontière entre les situations où les méthodes traditionnelles ont toujours lieu de s’appliquer, par exemple en présence d’un entrepreneur unique rémunérant par une marge prédéfinie les autres sociétés du groupe, et celles où au contraire des coentrepreneurs doivent partager risques et profits.

1. «Principes OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales», chap. II, C.1, 2.108.

2.  Ce projet a été soumis aux commentaires du public et pourra faire l’objet de modifications.


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