La lettre gestion des groupes internationaux

Avril 2013

La légitimité de l’optimisation fiscale est-elle en train de changer ?

Publié le 10 mars 2014 à 11h07    Mis à jour le 12 mars 2014 à 9h57

Renaud Jouffroy

La frontière semble se faire plus floue entre optimisation fiscale, évasion fiscale et fraude fiscale, du moins si l’on se réfère aux propos des protagonistes les plus actifs.Au niveau international surtout, l’optimisation fiscale se teinte progressivement d’une connotation négative pour prendre le vocabulaire de planning fiscal dommageable ou agressif.

Par Renaud Jouffroy, avocat associé, cabinet Landwell & Associés.

Au niveau international surtout, l’optimisation fiscale se teinte progressivement d’une connotation négative pour prendre le vocabulaire de planning fiscal dommageable ou agressif. Depuis 2008, la commission et le groupe Code de conduite au niveau de l’UE ont engagé une lutte contre le planning fiscal dit dommageable, notamment en lançant des travaux sur les situations de double non-imposition. L’OCDE semble encore plus active avec toute une série de rapports contre le planning fiscal dit agressif. Le 15 et 16 novembre 2012 les ministres des Finances et gouverneurs des Banques centrales du G20 ont indiqué qu’ils étaient déterminés à développer des mesures pour lutter contre «l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices». L’OCDE doit préparer un plan d’action complet à cet effet dont les grandes lignes figurent déjà dans le dernier rapport de février 2013. Les stratégies d’optimisation fiscale incriminées sont certes légales mais entraîneraient une érosion des bases de l’impôt qui n’étaient pas «prévues» par les responsables de l’action publique.

Les organisations non gouvernementales (ONG) sont actives sur ce registre et décrient, comme le fait Tax Justice Network, «the social irresponsibility of corporate tax avoidance». Les médias montrent du doigt et décrivent, parfois avec force détails, les tax plannings des géants de l’industrie numérique ou de grandes multinationales.Au niveau national, le Conseil des prélèvements obligatoires plaçait récemment l’évasion fiscale à cheval sur le couple «optimisation-fraude». En juillet 2012 le volumineux rapport du Sénat sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France dénonçait «l’évasion fiscale, entre tromperie et manipulation». Plus récemment encore, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a annoncé la mise en place d’une mission d’information sur l’optimisation fiscale des grandes entreprises.En parallèle de ces pressions nationales et internationales, les grandes entreprises sont invitées à plus de civisme, pour reprendre les termes de la dernière mise à jour des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. Celles-ci sont invitées à se conformer non seulement à la lettre mais aussi à l’esprit des lois.

Les conseils d’administration sont quant à eux invités à adopter des stratégies de gestion du risque fiscal qui permettent d’évaluer pleinement les risques financiers et de réputation associés à la fiscalité. Plus généralement, comme l’indique la Commission dans sa communication du 6 décembre dernier, il est affirmé que la planification fiscale agressive peut être considérée comme contraire au principe de la responsabilité sociale des entreprises. Du point de vue des entreprises, ce climat alimente la confusion et porte un discrédit regrettable. Un tourbillon de règles défavorables, en France et à l’étranger, parfois rétroactives nuit déjà à la sécurité des contribuables et obligent constamment ceux-ci à réviser leurs stratégies. La concurrence fiscale entre les Etats est toujours présente, et même au sein de l’Europe, les invitations à délocaliser une partie des activités, les plus mobiles, est permanente. Il leur est donc permis de s’interroger sur les frontières aux bornes desquelles devrait s’apprécier ce civisme fiscal tant réclamé.

Les entreprises ont besoin de clarté, de sécurité, de stabilité et une relation de qualité avec l’administration fiscale pour mener à bien leur développement. L’esprit de la loi doit être clairement exprimé et on ne peut reprocher à une entreprise de mettre en place une approche ou une transaction qui n’avait pas été prévue par le législateur. L’impôt reste une charge pour les entreprises et il est de l’intérêt de celles-ci et de leurs actionnaires, et même de leur devoir, de suivre le légitime choix de la voie la moins imposée, en France et à l’étranger, dans le respect des réglementations fiscales en vigueur.


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