La lettre gestion des groupes internationaux

Avril 2013

Repenser la fiscalité du numérique à l’international

Publié le 10 mars 2014 à 13h58    Mis à jour le 12 mars 2014 à 9h59

Stephen Dale, Benoît Couty et Manuela Frachon

L’enjeu de la fiscalité du numérique part du constat des administrations que les grandes entreprises du secteur, les fameux GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) parviennent, grâce à des schémas d’optimisation fiscale complexes, à ne payer que très peu d’impôts dans les Etats où elles déploient leur activité et réalisent leur chiffre d’affaires.

Par Stephen Dale, associé, Benoît Couty, avocat et Manuela Frachon, avocate, cabinet Landwell & Associés.

Au-delà de la fuite des recettes fiscales, la fiscalité du numérique a vocation à traiter de la distorsion de concurrence entre les acteurs nationaux et internationaux. L’économie numérique a bouleversé le modèle traditionnel de création de richesses et de partage de la valeur ajoutée. La dématérialisation des échanges a rendu possible le transfert instantané des biens et services immatériels en abolissant les notions de temps et d’espace. Le modèle repose largement sur la gratuité rendant plus délicate la taxation de la création de valeur. Depuis 2008, la Commission des finances du Sénat et le sénateur Marini ont proposé différentes pistes au niveau national (taxe sur la publicité en ligne, taxe sur le commerce électronique, taxe sur la fourniture de vidéogrammes à la demande).Au niveau communautaire, la France aurait demandé d’accélérer l’application de la directive TVA relative aux services électroniques qui prévoira la perception de la TVA au lieu de consommation à partir du 1er janvier 2015 pour les prestataires établis au sein de l’UE fournissant des services à des non-assujettis établis dans l’UE.

L’OCDE s’intéresse également à l’application de la TVA sur les prestations de services dématérialisées et une première réunion de travail a eu lieu le mois dernier. La Commission européenne y a participé en tant qu’observateur pour assurer la bonne coordination des travaux de l’OCDE avec ceux de l’UE. Le «rapport Colin et Collin», a proposé en janvier une approche innovante : partant du constat que les entreprises du numérique exploitent gratuitement les données personnelles des internautes sur le territoire français sans que les revenus générés par cette exploitation soient fiscalisés en France, le rapport préconise la création d’une taxe incitative sur l’utilisation des données personnelles. Cette taxe serait due par les entreprises, quel que soit leur lieu d’établissement, qui collectent et exploitent les données d’utilisateurs localisés en France. Elle serait assise sur le nombre de comptes utilisateurs et déterminée en fonction du positionnement de l’entreprise sur une grille de comportement dans la gestion des données utilisateurs.

Un consensus semble émerger sur la nécessité de refondre les règles de territorialité fiscale afin de répartir le droit d’imposer en fonction de la localisation réelle de l’activité économique numérique.En effet, le concept traditionnel d’établissement stable permettant d’allouer à un Etat le droit d’imposer les résultats réalisés par une entreprise requiert une présence physique substantielle, ce qui est difficilement conciliable avec la dématérialisation des échanges.La Commission des finances du Sénat, le rapport Collin et Colin, et le Conseil national du numérique ont tous proposé d’introduire le concept de l’établissement stable virtuel dans le cadre de la renégociation des conventions fiscales internationales et l’OCDE adopte la même approche en s’engageant à proposer des solutions aux questions de territorialité fiscale dans le domaine des biens et des services numériques. A ce jour, les initiatives nationales sont les plus concrètes et le gouvernement entend inclure dans la loi de finances 2014 un volet relatif à la fiscalité de l’économie numérique qui pourrait reprendre les propositions Colin et Collin et Marini, lesquelles restent délicates à mettre en œuvre et sont confrontées notamment au principe d’égalité devant l’impôt, de non-discrimination et de liberté d’établissement. En parallèle, la redéfinition des règles de territorialité devient une priorité dans l’agenda des travaux de l’OCDE. Des discussions concrètes devraient donc voir le jour prochainement.


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