La lettre gestion des groupes internationaux

Novembre 2015

Après la fin du secret bancaire, la fin de la confidentialité des rulings fiscaux ?

Publié le 20 novembre 2015 à 15h52

Emmanuel Raingeard de la Blétière, PwC Société d’Avocats

L’année 2015 sera marquée par le sceau de la transparence fiscale. Jamais les Etats n’auront autant œuvré pour renforcer, développer et approfondir l’échange d’informations. La pression de l’opinion publique a, sans nul doute, facilité et, à tout le moins, accéléré l’obtention du consensus, tant au niveau mondial qu’européen.

Par Emmanuel Raingeard de la Blétière, maître de conférences à l’université de Rennes I, membre du centre de Droit des Affaires, du Patrimoine et de la Responsabilité, counsel, PwC Société d’Avocats

La pression de l’opinion publique a, sans nul doute, facilité et, à tout le moins, accéléré l’obtention du consensus, tant au niveau mondial qu’européen. Il suffit de comparer le rapport d’étape de 2014 de l’action 5 consacrée à la concurrence fiscale dommageable au rapport final pour s’en convaincre : la liste des rulings soumis à l’échange spontané d’informations s’est considérablement élargie, ce qui a d’ailleurs conduit l’OCDE à revoir, à la marge, ses modalités de mise en œuvre.

Un large champ d’application

Cantonné dans le rapport intermédiaire aux décisions liées aux régimes préférentiels, le cadre couvre désormais l’ensemble des décisions pouvant entraîner des inquiétudes en matière d’érosion de base d’imposition et de transfert des bénéfices en l’absence d’échanges spontanés obligatoires de renseignements.

A cet effet, le Forum sur les pratiques fiscales dommageables («FHTP»), autorité en charge du suivi de cette action, a identifié cinq catégories de rulings (liste qui n’est pas figée).

Les décisions liées aux régimes préférentiels constituent naturellement la première catégorie de rulings. Elles sont définies comme des rescrits individuels transfrontaliers en lien avec tout régime relevant des travaux du FHTP (pour l’essentiel, ce sont les régimes relatifs à l’imposition de revenus tirés d’activités géographiquement mobiles), avantageux au regard des principes généraux de la fiscalité du pays et qui conduit à une absence d’imposition ou à une faible imposition. L’identification de ces critères n’étant pas toujours aisée, le doute doit profiter à la communication.

L’échange n’est pas limité aux régimes préférentiels et sont inclus dans le champ d’application : (i) les accords préalables en matière de prix de transfert ou toute autre décision unilatérale relative aux prix de transfert (étonnamment, les accords multilatéraux sont exclus de l’échange), (ii) les décisions permettant un ajustement à la baisse des profits (y compris lorsqu’il ne donne pas lieu à l’émission de rulings), (iii) les décisions relatives aux établissements stables et (iv) les décisions en matière d’intermédiaires (i.e. redistribution de fonds ou revenus en provenance de l’étranger par une entité résidente vers un troisième Etat).

L’élargissement matériel s’est également accompagné d’une dimension temporelle, il a ainsi été convenu d’inclure dans l’échange d’informations les rulings antérieurs, i.e. ceux émis entre le 1er janvier 2010 et le 1er avril 2016 sous réserve que leur validité ait subsisté au 1er janvier 2014.

      

Une large et rapide diffusion

L’échange d’informations est assez large et vise notamment les Etats de résidence de toutes les entreprises liées (le seuil de contrôle est fixé à 25 %) avec lesquelles le contribuable a réalisé des opérations pour lesquelles le ruling a été accordé, ainsi que l’Etat de résidence des sociétés mères immédiate et ultime. Les Etats non parties au projet BEPS devraient pouvoir solliciter l’application de la mesure mais il n’est pas certain que les Etats soient favorables à une extension de l’échange de renseignements à tous les pays.

Au regard des charges administratives générées par l’extension du périmètre de l’échange spontané d’informations, sa mise en œuvre a été retardée. Les nouveaux rulings (ceux émis à compter du 1er avril 2016) doivent être communiqués dès que possible, et pas plus de trois mois après réception par l’autorité nationale en charge de sa communication, et les rulings antérieurs avant le 31 décembre 2016 (sous réserve, dans les deux cas, que l’instrument juridique permettant l’échange soit en vigueur).

La proposition de directive relative à l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal, sur laquelle le Conseil Ecofin de l’Union européenne est parvenu à un accord politique le 6 octobre 2015, est l’un des instruments par lesquels les Etats membres assureront, semble-t-il, la mise en œuvre des mesures préconisées par l’action 5. A la différence de l’Union européenne où la Commission pourra assurer le respect du droit de l’UE, l’OCDE ne dispose, à l’égard de cette action 5, que du FHTP, l’efficacité du dispositif dépendra donc d’un système de contrôle entre pairs dont les limites ont déjà été éprouvées.


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