Imputation des plus-values à long terme sur le déficit ordinaire : quand le mieux est l’ennemi du bien

Publié le 22 février 2019 à 12h22

Laurent Olléon

La plus-value réalisée par une entreprise à l’occasion de la cession d’une immobilisation qu’elle a détenue pendant deux ans au moins relève, en principe, d’un régime de taxation atténuée : le régime des plus- ou moins-values à long terme. En principe seulement, car le législateur a encadré ce régime pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, en prévoyant que certains éléments d’actif sont susceptibles de relever d’autres dispositions (à l’instar de ce que la loi de finances pour 2019 a prévu pour les actifs de propriété industrielle).

 

Le fonctionnement du régime fiscal des plus-values à long terme est connu : pour chaque secteur relevant d’un taux réduit d’imposition spécifique, les plus-values se compensent avec les moins-values à long terme réalisées au cours du même exercice. Si le solde est positif, il s’impute sur les moins-values nettes à long terme subies au cours des dix exercices précédents qui n’ont pas été utilisées pour «éponger» des plus-values nettes à long terme. C’est le solde «non épongé» de la plus-value nette à long terme de l’exercice qui est alors soumis à ce taux réduit d’imposition. Toutefois, l’entreprise peut prétendre à «mieux» : le code général des impôts lui donne en effet la faculté de compenser ce solde avec le déficit de l’exercice et les déficits antérieurs reportables, si bien qu’elle n’acquittera, en définitive, aucune imposition.

 

Le Conseil d’Etat vient cependant de juger que cette option pouvait aboutir à l’inverse du résultat escompté, dans une configuration particulière[1]. A l’occasion d’un contrôle, les déficits déclarés par une société avaient été remis en cause par l’administration, de telle sorte que la plus-value nette à long terme qu’elle avait réalisée ne pouvait plus s’imputer sur… rien. Comment alors taxer cette plus-value ? La Haute Juridiction a rappelé que si le choix de la société de ne pas soumettre la plus-value au taux réduit d’imposition s’impose au fisc, cette décision de gestion est également opposable à l’entreprise. La conséquence en est que la société, qui pensait échapper non seulement à l’imposition au taux réduit, mais même à toute imposition de sa plus-value à long terme, aura, finalement, supporté un impôt sur les sociétés… au taux normal. Preuve qu’en matière d’impôt, le mieux est aussi, quelquefois, l’ennemi du bien !

[1] CE 28 décembre 2018, n° 406709, Société Alliance Développement Capital

Laurent Olléon

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