La lettre de l'immobilier

Lettre de l'immobilier Novembre 2023

La responsabilité environnementale de l’immeuble, des enjeux cruciaux à relever

Publié le 27 novembre 2023 à 8h30

CMS Francis Lefebvre

Premier consommateur d’énergie, le secteur des bâtiments est confronté aux limites des ressources planétaires et aux impacts directement liés au changement climatique. Toute l’industrie immobilière participera à relever ces défis et à assumer la responsabilité environnementale, et ce à tous les stades de la vie de l’immeuble : sa conception, sa construction, sa gestion ou sa rénovation ou reconversion. L’impulsion vers un immobilier responsable et durable est donnée par l’adoption des règles récentes en plein déploiement. Et l’actualité juridique est riche à cet égard. 

Par Florence Chérel, avocat associé en droit immobilier, Nawel Belabdelouahab, avocat counsel en droit immobilier, Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat counsel en droit de l’énergie, et Christelle Labadie, Professional Support Lawyer en droit immobilie

Les nouvelles normes de construction

Depuis plusieurs années, de nombreuses lois ont abordé les enjeux environnementaux dans le domaine de la construction neuve et ont fixé des objectifs ambitieux. Ces objectifs se traduisent dans leur dernier état par la nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments neufs (RE2020). Celle-ci apprécie l’impact environnemental du bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie en recourant à une série d’indicateurs environnementaux (de l’extraction des matières, en passant par la phase d’exploitation jusqu’à la destruction en fin de vie du bâtiment et le traitement des déchets). 

Depuis 2022, les constructions neuves des bâtiments résidentiels, résidences de tourisme, bureaux et bâtiments d’enseignement primaire et secondaire sont tenues de respecter les exigences posées par la RE2020. La RE2020 va continuer progressivement son déploiement vers divers types de bâtiments tels que les commerces, restaurants, établissements de soin … prévisionnellement en 2023. Mais les textes d’application pour ces catégories sont toujours attendus.

La lutte contre l’artificialisation des sols

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 (n° 2021-1104) fixe un objectif d’arrêt de l’artificialisation des sols et de re-naturalisation de ceux-ci. La trajectoire vise à atteindre l’objectif «  zéro artificialisation nette » en 2050.

Les principaux leviers d’action sont la révision des documents d’urbanisme et de planification qui devront porter des projets répondant aux objectifs ainsi assignés. Des outils de planification sectoriels (logistiques ; commerces) sont développés. D’autres outils tendent à la mobilisation du foncier délaissé, par la réhabilitation des friches industrielles.

La « loi ZAN » n°2023-630 du 20 juillet 2023 adapte les délais initialement prévus de modification des documents d’urbanisme, pour répondre aux inquiétudes des élus et professionnels faisant valoir l’impossibilité de tenir les délais et les incidences négatives sur la disponibilité du foncier du texte initial.

La gestion des déchets du batiment 

Pour diminuer l’impact du BTP sur la production des déchets, la stratégie de gestion des déchets a été renforcée par l’entrée en vigueur au 1er juillet 2023 (arrêté du 26 mars 2023) du diagnostic portant sur la gestion des produits, équipements, matériaux et déchets (diagnostic PEMD).

Le diagnostic PEMD s’impose à tout maître d’ouvrage qui réalise une déconstruction ou une rénovation significative de projets (principalement projets de 1000 m² ou bâtiments ayant accueilli certaines substances dangereuses). Ce diagnostic comprend un volet plus complet sur le réemploi des matériaux et leur valorisation.

La loi du 10 février 2020 n°2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est entrée en vigueur officiellement le 1er janvier 2023 (mais en pratique progressivement jusqu’en mai 2023). Elle vise à augmenter la collecte gratuite et les points de collecte, à améliorer la traçabilité des déchets et à prévenir la saturation des décharges en augmentant le réemploi et le recyclage des matériaux. Sa mise en application rencontre des difficultés : points de collecte de déchets non inertes insuffisants, modalités de reprise des déchets variables selon les éco-organismes, manque de visibilité sur les écocontributions, etc.

La maitrise de l’energie

Le contrôle des consommations

Le décret BACS du 20 juillet 2020 pour « Building Automation & Control Systems » détermine les moyens permettant d’atteindre les objectifs de réduction de consommation fixés par le décret tertiaire. La norme retenue impose de mettre en place un système d’automatisation et de contrôle des bâtiments, d’ici le 1er janvier 2025 a minima. Elle concerne tous les bâtiments tertiaires non résidentiels, pour lesquels le système de chauffage ou de climatisation, combiné ou non à un système de ventilation, a une puissance nominale supérieure à 290 kW. Pour les installations d’une puissance nominale supérieure à 70 kW, cette exigence devra être respectée d’ici le 1er janvier 2027.

Le décret BACS a mené à l’émergence de nouveaux prestataires spécialisés en matière de performance énergétique, possédant une meilleure connaissance en termes de consommation, et a donné lieu à la conclusion de contrats de Performance énergétique.

La limitation des températures

Des dispositifs créés lors du choc pétrolier de la fin des années 70 ont été remis en vigueur. Les articles R.241-25 à R.241-29 du Code de l’énergie instaurent l’obligation de limiter la température de chauffage dans les bâtiments. Ainsi, l’article R.241-26 spécifie notamment que dans les locaux à usage d’habitation, d’enseignement, de bureaux ou recevant du public les limites supérieures de température de chauffage sont fixées en moyenne à 19° C, avec des températures plus basses pendant les périodes d’inoccupation (16° lorsque la durée d’inoccupation est égale ou supérieure à 24h et inférieure à 48 h et 8° lorsqu’elle est égale ou supérieure à 48h). Pour les locaux et établissements sanitaires et hospitaliers ainsi que les logements où sont donnes des soins médicaux ou qui hébergent des personnes âgées ou des enfants en bas âge, la limite de chauffage moyenne est à 22°C (article R.241-29 du code de l’énergie). 

Imposer la production d’énergies renouvelables et/ou la végétalisation des bâtiments 

La maîtrise de la consommation d’énergie et le recours aux énergies renouvelables concentrent une grande partie des efforts réglementaires.

L’obligation de prévoir des procédés de production d’énergies renouvelables ou un système végétalisé en toiture de certains bâtiments (ou dispositifs équivalents) instaurée depuis 2019, se renforce. La loi Climat et Résilience précitée puis celle du 10 mars 2023 n°2023-175 d’accélération de la production des énergies renouvelables (« EnR ») élargissent le champ d’application de ces obligations. 

Les toitures des constructions, extensions et rénovations lourdes de certains bâtiments du secteur tertiaire (entrepôts, bureaux, commerce, locaux industriels, parkings couverts accessibles au public…) de plus de 500 m² d’emprise au sol (1 000 m² pour les bureaux) devront s’équiper de production d’EnR ou d’un système de végétalisation-isolation au moins égal à :

– 30 % de la surface à compter du 1er juillet 2023 ; 

– 40 % de la surface à compter du 1er juillet 2026 ;

– 50 % de la surface à compter du 1er juillet 2027.

A compter du 1er janvier 2025, d’autres typologie de construction seront concernées.

L’article L.171-5 du Code de construction et de l’habitation issu de la loi (« EnR ») prévoit de renforcer les obligations puisqu’au 1er janvier 2028. Entreront dans son champ les bâtiments existants non-résidentiels de 500 m² d’emprise au sol minimale.

Les parcs de stationnement associés à des constructions ou ouverts au public sont ou seront également concernés (selon des critères de surfaces et des dates d’entrée différentes).

Le diagnostic de performance énergétique

La loi Climat et Résilience a également rendu le diagnostic de performance énergétique (DPE) opposable au bailleur afin de lutter contre les passoires énergétiques. L’interdiction de louer les logements classés G puis F et E échelonnée de 2025 à 2028 veut inciter les propriétaires à engager des travaux pour améliorer les performances énergétiques de leur bien.

Une refonte de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) est en cours. A n’en pas douter, elle renforcera à nouveau les obligations liées à l’immobilier responsable.

FOCUS : Les enjeux de la « SOLARISATION » des immeubles

Le développement des obligations de solarisation des toitures incite les propriétaires et utilisateurs de l’immeuble à s’interroger sur les solutions de valorisation de l’électricité produite. Autoconsommation ou vente à un tiers de l’électricité, voire exploitation de la toiture par un tiers qui tirera des revenus de cette exploitation ?

L’autoconsommation individuelle implique une stricte identité entre le producteur (qui peut être le propriétaire ou le locataire) et le consommateur de l’électricité. Le schéma se développe lorsqu’il y a soit un propriétaire occupant soit un locataire exploitant l’installation. En cas de pluralité de consommateurs (multi-locataires), l’autoconsommation collective est en principe plus adaptée. Elle requiert la mise en place d’une personne morale gestionnaire de l’opération d’autoconsommation qui regroupera le(s) producteur(s) et le(s) consommateur(s). Les producteurs doivent désormais veiller, depuis la loi EnR du 10 mars 2023, à être titulaire d’une autorisation de fournisseur ou à déléguer à un tiers leurs obligations. Le décret d’application est en cours de consultation. Ce schéma juridique impose ainsi une organisation juridique complexe à mettre en œuvre dans le cadre d’une gestion d’immeuble.

La vente de l’électricité s’opère dans un cadre juridique très différent. Tous les producteurs dont les installations ont une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts répondant aux conditions de l’arrêté tarifaire du 6 octobre 2021 peuvent vendre la totalité de l’électricité qu’ils n’autoconsomment pas à EDF dans le cadre de l’obligation d’achat. Les autres peuvent vendre leur électricité directement sur les marchés de l’électricité, en passant par exemple par un agrégateur qui propose un accès aux marchés, ou directement à un consommateur final, sous réserve de disposer d’une autorisation. 

Retrouvez tous les trimestres la Lettre de l'Immobilier avec notre partenaire, CMS Francis Lefebvre.
CMS Francis Lefebvre est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires français, dont l'enracinement local, le positionnement unique et l'expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée en droit fiscal, en droit des sociétés et en droit du travail. 

 

Au sommaire de la lettre


La lettre de l'immobilier

Immobilier responsable & fiscalité

CMS Francis Lefebvre

L’immobilier responsable est synonyme d’investissements, dont le poids n’est toutefois pas compensé par des mesures fiscales incitatives, hormis dans le secteur du logement (I). Par ailleurs, les contraintes de verdissement de l’immobilier impactent sensiblement la valorisation des actifs, sujet de discussion qui connaît un regain en matière fiscale (II).

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