La lettre de l'immobilier

Dossier / L’investissement étranger en France

Application du statut des baux commerciaux aux opérateurs étrangers : à quelles conditions ?

Publié le 31 mars 2023 à 17h00

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 5 minutes

Historiquement, les locataires étrangers qui avaient pu conclure des baux commerciaux pour des locaux situés en France étaient exclus, en vertu de l’article L.145-13 du Code de commerce, du droit à la propriété commerciale (1).

Par Arnaud Valverde, avocat en droit immobilier. Il conseille des investisseurs, des promoteurs et des utilisateurs nationaux et internationaux sur tout type d’actifs. Il intervient notamment dans le cadre d’opérations immobilières complexes d’acquisition, de joint-ventures, de vente, de baux et de construction.

Les locataires étrangers bénéficient aujourd’hui des mêmes droits que les locataires nationaux…

Cette règle issue d’une législation de protectionnisme d’après-guerre (2) était difficilement justifiable dans un contexte économique globalisé. En effet, le droit à la propriété commerciale constitue la pierre angulaire du statut des baux commerciaux en permettant au locataire de pérenniser son activité dans un emplacement particulier.

C’est ainsi que par un arrêt en date du 9 novembre 2011 (3), la Cour de cassation a jugé la condition de nationalité de l’article L.145-13 du Code de commerce comme contraire au droit à la propriété.  Cette règle a été ultérieurement abrogée par la loi Pinel (4).

En pratique, un étranger prenant à bail des locaux commerciaux devra toutefois toujours faire preuve de plus d’anticipation qu’un preneur déjà implanté en France.

… à condition de faire preuve d’anticipation

Ainsi, il conviendra notamment d’être vigilant quant à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés du locataire à l’adresse des locaux loués, cette condition étant essentielle pour pouvoir bénéficier en fin de bail du droit au renouvellement (5). A ce titre, elle doit être observée par tous les locataires, nationaux ou étrangers (6).

Une solution pour une société étrangère qui souhaite sécuriser son droit au renouvellement, sans toutefois établir une nouvelle entité juridique en France, pourrait être la création d’une succursale. Cette option permettra au locataire d’effectuer les démarches d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et donc de bénéficier du droit au renouvellement du bail à son expiration. A défaut, le bailleur pourrait refuser le renouvellement du bail, sans indemnité.

En tout état de cause, les bailleurs préfèrent bien souvent conclure des baux commerciaux, qui sont des engagements sur le long terme7, avec une société de droit français (c’est particulièrement vrai pour les baux en l’état futur d’achèvement où la construction des locaux est souvent réalisée sur mesure pour le preneur).

Une solution tentante pour une société étrangère souhaitant s’implanter en France et signer un bail commercial pourrait être de prévoir la conclusion du bail par une société en cours de formation, puis sa reprise par la société de droit français une fois créée. Ce schéma est toutefois source d’inquiétude pour les bailleurs compte tenu notamment du formalisme strict auquel il est soumis ;  de fait, sauf circonstances particulières, c’est une solution rarement retenue par les parties. En effet, le non-respect du formalisme imposé est régulièrement sanctionné par la nullité absolue du bail8.

Une autre solution pourrait alors être d’inclure une clause de substitution prévoyant que la société de droit étranger aura la faculté de se substituer à une société de droit français.

Du côté du preneur, cette solution pourrait poser difficulté notamment parce que le régime de la cession de contrat organisée par le Code civil prévoit que sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l’exécution du contrat9. On peut aisément imaginer qu’une entité située à l’étranger ne souhaitera pas être liée par un bail commercial pour des locaux en France.

Du côté du bailleur, un risque demeure dans l’hypothèse où la société de droit français ne serait jamais constituée. L’exécution forcée d’un bail commercial à l’encontre d’une société étrangère, particulièrement en dehors de l’Union européenne, peut en effet s’avérer une procédure particulièrement longue, complexe et couteuse.

Dans tous les cas, il conviendra donc d’envisager, bien en amont de la signature du bail commercial et idéalement avant toute négociation avec un bailleur, les différentes options offertes au locataire étranger souhaitant s’établir durablement en France. 

1. Sauf notamment en cas de réciprocité de législation par le pays du ressortissant étranger qui sollicite le renouvellement du bail. Il avait ainsi pu être jugé que des Américains n’étaient pas exclus du droit au renouvellement des baux commerciaux (T. civ. Seine 3 juillet 1892).

2. Décret n° 53-960 du 30 septembre 1953.

3. Cass. Civ. 3e, 9 novembre 2011, n° 10-30.291.

4. Loi n° n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

5. Article L.145-1 du Code de commerce.

6. Sauf si le bail prévoit de manière expresse et non équivoque que le statut des baux commerciaux sera applicable même si toutes les conditions n’en sont pas réunies, y compris la non-immatriculation du preneur : Cass. Civ. 3e, 28 mai 2020, n° 19-15.001.

7. La durée minimale d’un bail commercial en France est de 9 ans cf. article L.145-4§1 du Code de commerce.

8. Pour un exemple récent : cour d’Appel de Douai, 2e ch., 1e sect., 17 mars 2022, n° 20/04258 ou encore Cour de cassation, Ch. Com., 18 novembre 2020.

9. Article 1216-1 du Code civil.


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