La lettre de l'immobilier

Dossier / L’investissement étranger en France

Les enjeux fiscaux des investissements immobiliers des non-résidents en France

Publié le 31 mars 2023 à 17h00

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 12 minutes

Un des facteurs importants de la décision d’investissement dans un projet immobilier est pour les non-résidents la maîtrise des incidences fiscales qu’entraînent la détention et l’exploitation d’immeubles. L’objectif n’est pas de décrire l’ensemble des règles fiscales applicables mais de souligner certaines difficultés que peuvent rencontrer les investisseurs étrangers dans l’application des règles en question et notamment en matière d’imposition des plus-values, de traitement des revenus de certaines sociétés immobilières exonérées d’IS, d’impôts sur la détention d’actifs immobiliers, de TVA et enfin d’impôts locaux.

Par Richard Foissac, avocat associé en fiscalité. Il traite notamment des dossiers d’acquisition et de restructuration de groupes immobiliers cotés ou non cotés et les conseille sur leurs opérations. Il est chargé d’enseignement en droit fiscal aux Universités Paris I Panthéon-Sorbonne et Nice Sophia-Antipolis.
Frédéric Gerner, avocat associé en fiscalité. Il intervient tant en matière de conseil que de contentieux dans les questions relatives aux impôts directs, notamment celles liées aux restructurations intragroupes et à l’immobilier. 
Pierre Carcelero, avocat associé en fiscalité. Il traite notamment des dossiers d’acquisition et de restructuration de groupes immobiliers cotés et non cotés et les conseille sur leurs opérations. 
Alexis Bussac, avocat counsel en fiscalité. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux particulièrement en matière de fiscalité locale.
Et Gaëtan Berger-Picq, avocat associé en fiscalité. Il conseille et assiste les entreprises, notamment en immobilier, dans l’ensemble des sujets relatifs à la TVA et à la taxe sur les salaires ainsi que dans le suivi et la gestion des contrôles et contentieux fiscaux.

En matière d’imposition des plus-values

Le principe est que sous réserve des conventions fiscales destinées à éviter les doubles impositions et de dispositions spécifiques de droit interne, les non-résidents sont imposables en France à raison des plus-values de cession d’immeubles, de droits réels immobiliers ou de titres de sociétés à prépondérance immobilière. Une particularité fait que pour les personnes physiques, seul un prélèvement s’applique, (article 244 Bis A du CGI) libératoire de l’impôt sur le revenu (IR) et ainsi calculé selon les mêmes règles d’assiette et au même taux, alors que pour les personnes morales deux impositions trouvent à s’appliquer, l’impôt sur les sociétés (article 209) et l’article 244 Bis A précité, imputable sur l’impôt sur les sociétés (IS), mais uniquement calculé selon des règles identiques à l’IS pour des cédants personnes morales résidentes d’un Etat membre de l’Union européenne (UE) ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A.

Par ailleurs si après imputation sur l’IS, subsiste un excédent de prélèvement, celui-ci n’est restitué que sur base d’une demande motivée et après examen voire contrôle fiscal de l’IS acquitté par le cédant.

Au-delà ainsi de cette avance de trésorerie à laquelle sont contraints les cédants personnes morales non-résidents, et dont le remboursement de l’excédent s’opère sans versement d’intérêts, et nécessairement bien après la cession du bien puisqu’il convient pour les cédants de liquider préalablement l’IS dû, le dispositif fait un sort tout à fait anormal aux activités de marchand de biens et de promotion immobilière exercées en France par des non-résidents.

Le dispositif ne s’applique pas en effet aux cessions d’immeubles réalisées par des personnes physiques ou morales (ou certains organismes), qui exploitent en France une entreprise industrielle, commerciale ou agricole ou y exercent une profession non commerciale mais uniquement pour les immeubles considérés comme affectés à l’exploitation qui doivent être inscrits, selon le cas, au bilan ou au tableau des immobilisations établi pour la détermination du résultat imposable.

L’administration considère que les stocks immobiliers ne constituent pas des immobilisations et alors même que leur cession génère des gains soumis à l’IS, déterminés selon le régime des profits sur stocks, le prélèvement reste exigé au motif que la cession des stocks reste faite par des personnes morales dont le siège social est situé hors de France.

En matière de traitement des revenus de certaines sociétés immobilières exonérées d’IS

Pour les non-résidents, investir dans certains véhicules immobiliers bénéficiant d’une fiscalité allégée en France peut être séduisant, sous réserve de bien identifier les prélèvements susceptibles d’affecter les dividendes ou plus-values qui rentabiliseront leur investissement ! La clarté ou la simplicité des règles fiscales applicables aux véhicules ne s’étend pas nécessairement à celle des flux qu’ils génèrent pour un investisseur non-résident.

Ainsi, en cas d’acquisition de titres de Sppicav (sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable) ou de SIIC (sociétés d’investissements immobiliers cotées), qui sont partiellement ou totalement exonérées d’impôt sur les sociétés sous condition de distribution, un non-résident pourra subir des retenues à la source en France sur ses dividendes ou plus-values dont le taux dépendra de son pourcentage de détention (application du prélèvement de l’article 244 bis A sur les plus-values à partir d’une détention de 10 %) mais également des stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et son Etat de résidence et du propre statut fiscal de l’investisseur. Selon les cas, les retenues à la source pourront être ou non réduites et donner lieu ou non à des crédits d’impôts. Pour les SIIC, les distributions effectuées au profit de personnes morales non-résidentes pourront donner lieu, si celles-ci sont soumises à un régime fiscal privilégié et détiennent directement ou indirectement au moins 10 % de la SIIC, à un prélèvement de 20 % à la charge de la SIIC.

En matière d’impôts sur la détention d’actifs immobiliers : taxe de 3 % et IFI

Bien qu’assis sur la valeur du patrimoine immobilier détenu directement ou indirectement, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la taxe de 3 % poursuivent des objectifs différents.

1 - La taxe de 3 % (articles 990 D et suivants du CGI) ne poursuit pas un objectif budgétaire ; en effet, sauf exceptions, les contribuables respectant les obligations déclaratives correspondantes peuvent bénéficier d’une exonération intégrale en fournissant des renseignements sur leurs associés.

En cela, la taxe correspond davantage à un outil de contrôle à la disposition de l’administration fiscale, qui vise principalement les entités étrangères pour lesquelles l’administration ne dispose pas des mêmes moyens directs d’information que pour les entités françaises.

Dans le but assumé de conforter les moyens de contrôle de l’administration fiscale, la jurisprudence a rendu plusieurs décisions de nature à renforcer la rigueur d’appréciation des conditions d’exonération des entités concernées.

En premier lieu, la Cour de cassation1 a refusé d’apprécier la prépondérance immobilière d’une entité étrangère associée d’une société civile immobilière (SCI)détenant un immeuble en France en tenant compte de la créance de la société mère sur sa filiale au motif que cette créance, représentative d’une « anticipation » du prix de vente de l’immeuble, reviendrait à tenir compte une seconde fois d’une part significative de la valeur de l’immeuble au titre d’un actif lui-même non immobilier.

La motivation de cette décision intègre des considérations de qualification et des considérations de lutte contre les abus ; elle laisse ainsi ouverte la question du traitement des situations dans lesquelles l’affectation de la créance sur une ou plusieurs filiales serait moins évidente.

En second lieu, la Cour de cassation (2) a confirmé la position de l’administration fiscale faisant peser sur l’appréciation du caractère probant des informations et justificatifs transmis par l’entité revendiquant l’exonération de la taxe des contraintes équivalentes à celles tenant à l’opposabilité des justifications dépendant des règles françaises. Les entités considérées ne sont dès lors pas admises à se prévaloir du seul respect des règles fixées dans leurs propres juridictions.

Une telle solution est de nature à soulever de sérieuses difficultés en particulier dans les opérations de cession en présence d’une chaîne de détention transfrontalière dès lors que la vérification du caractère probant de la répartition du capital de chaque entité interposée sur plusieurs années (jusqu’à sept) peut s’avérer tout à faire ardue voire impossible.

2 - L’IFI (articles 964 et suivants du CGI) a vocation à peser sur l’ensemble du patrimoine immobilier autre que celui affecté à une activité économique exercée par une entité suffisamment liée à celle qui est propriétaire de l’immeuble. Pour les investisseurs non-résidents, il ne concerne que les immeubles situés en France à l’exception des entités dont une partie du capital est elle-même détenue par des associés résidents de France.

Les règles correspondantes font peser sur les entités – du moins celles soumises au droit français – une participation à la détermination de l’assiette imposable dans des conditions d’autant plus délicates, potentiellement, en présence d’associés non-résidents.

En premier lieu, la limitation des dettes déductibles à raison de la nature des opérations financées et/ou des liens existants avec le créancier peut s’avérer d’application difficile tant du fait que les dettes concernées peuvent différer selon la situation des différents associés de l’entité considérée qu’en raison de la difficulté à connaître des opérations antérieurement réalisées, a fortiori hors de France.

En second lieu, tout particulièrement dans une chaîne de détention complexe ou non-contrôlante, une entité interrogée sur les éléments participant à la détermination de l’assiette imposable peut ne pas disposer de l’ensemble des informations nécessaires à l’appréciation des actifs imposables ou exonérés notamment au regard de la territorialité des immeubles à retenir compte tenu de la différence de situation de ses différents associés indirects.

En matière de TVA

Les livraisons d’immeubles et les prestations de services se rattachant à un immeuble situé en France, entrent dans le champ d’application de la TVA française quel que soit le lieu d’établissement de l’opérateur.

Les principes sont donc les mêmes et les investisseurs étrangers sont notamment en droit de déduire la TVA grevant leurs dépenses si leur activité est taxable ou assimilée. Des règles spécifiques régissent néanmoins la désignation du débiteur de l’impôt et il existe différentes procédures de remboursement de crédits de TVA.

L’une des règles à ne pas négliger est celle qui détermine le redevable de la taxe.

En effet, un investisseur étranger qui n’a pas d’établissement stable en France, n’est en principe pas autorisé à facturer la TVA à ses clients assujettis disposant d’un numéro d’identification à la TVA française (« B2B »). Il doit émettre des factures hors taxe et c’est le destinataire qui auto-liquide la TVA.

La taxe déductible de l’investisseur forme alors inévitablement des crédits dont le remboursement doit être réclamé à l’administration, ce qui n’est pas optimal et termes de trésorerie, en raison des délais d’instruction.

Par dérogation, l’administration fiscale considère que lorsque la TVA est due sur option, notamment au titre de la location de locaux nus d’activité, cette inversion du redevable ne s’applique pas.

Le bailleur étranger facture dans ce cas la TVA afférente aux loyers dans les conditions ordinaires.

Cela nécessite qu’il soit immatriculé auprès des autorités françaises. Les entreprises établies dans l’UE ou dans un Etat tiers ayant conclu une convention fiscale d’assistance au recouvrement n’ont pas à désigner de représentant fiscal pour se charger de leurs obligations déclaratives et/ou de paiement. Elles s’identifient et remplissent directement leurs obligations déclaratives et de paiement en matière de TVA. Les autres ressortissants étrangers doivent faire accréditer un représentant auprès de l’administration fiscale.

Finalement, selon le type d’activité immobilière en France, les investisseurs étrangers sont confrontés à des situations différentes dont les enjeux de trésorerie peuvent être lourds et méritent donc attention.

En matière d’impôts locaux

Les investisseurs étrangers en France sont susceptibles d’être imposés à la cotisation foncière des entreprises (CFE) à condition, d’une part, qu’ils disposent de locaux ou de terrains en France, et, d’autre part, qu’ils exercent une activité professionnelle en France assujettie à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés en raison des règles de territorialité propres à ces impôts.

La circonstance que le local ne soit pas constitutif d’un établissement de l’investisseur étranger est indifférente. Ainsi une société étrangère se limitant à donner en location des immeubles professionnels en France sera imposable à la CFE sous réserve d’une convention internationale qui ferait obstacle à l’imposition à l’IS des revenus tirés de ces immeubles. Une telle imposition à la CFE entraînera également l’assujettissement à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) si le chiffre d’affaires de l’entité excède 500 000 euros.

 Enfin, le propriétaire étranger d’un bien à usage d’habitation qui ne serait pas constitutif d’une habitation principale est susceptible d’être soumis à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires s’il est meublé ou de la taxe sur les logements vacants s’il est non meublé. 

1. Cour de cassation, Chambre commerciale, 2 décembre 2020, 18-22.512.

2. Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 octobre 2022, 20-14.073 et 20-14.565.


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