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L’impossible déduction de la TVA française par les investisseurs détenant des actifs immobiliers à l’étranger ?

Publié le 9 février 2024 à 16h05

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 4 minutes

Par Gaëtan Berger-Picq, avocat associé en fiscalité. Il conseille et assiste les entreprises, notamment en immobilier, dans l’ensemble des sujets relatifs à la TVA et à la taxe sur les salaires ainsi que dans le suivi et la gestion des contrôles et contentieux fiscaux. / Et Alexandra L’herminé, avocate en fiscalité. Elle conseille et assiste les entreprises dans le suivi et la gestion de contrôles fiscaux et de contentieux en matière de TVA et de taxe sur les salaires.

Dans une récente affaire, le tribunal administratif de Paris s’est à nouveau opposé à la déduction de la TVA supportée en France par une société exerçant une activité de location immobilière taxable en Allemagne (TA Paris 20 décembre 2023 n°2119635/1-1 et dans le même sens, TA Paris 9 mai 2023 n°2121933).

Le principe de la déduction est simple et exposé par l’administration fiscale dans le contexte des locations immobilières à l’étranger (RM Louwagie JOAN 20 septembre 2022 page 4130) : dès lors que les loyers sont taxables à la TVA dans le pays où se situe l’immeuble, la TVA française grevant les dépenses liées à cette activité est déductible.

La difficulté réside dans le fait que la location de locaux nus est en principe exonérée de TVA (sans droit à déduction de la taxe d’amont) et qu’elle n’est taxable que si la législation nationale ouvre au bailleur un droit d’option pour la taxation et qu’il l’exerce.

On sait qu’en France, l’option doit être exprimée dans un courrier adressé à l’administration, mais ce formalisme n’est pas le même dans tous les Etats membres de l’Union. La réponse Louwagie précise, dans le cas d’un immeuble situé à l’étranger, que « la déduction de la TVA n’est pas conditionnée à la formalisation d’une quelconque option en France, et les personnes morales concernées peuvent se voir attribuer un numéro d’identification à la TVA français. »

En Allemagne par exemple (Etat dans lequel sont situés les immeubles dans l’affaire jugée par le TA de Paris), l’option prend la forme d’une clause dans le bail stipulant que les conditions de la taxation sont réunies par le preneur.

Si les principes sont clairs, les assujettis se voient néanmoins confrontés à un niveau d’exigence très inhabituel pour établir auprès de l’administration fiscale française que les loyers sont effectivement taxés hors de France.

Les exigences excessives de preuve conduisent en pratique à remettre en cause ce droit

Dans la dernière affaire, alors qu’il avait en sa possession tous les baux et la traduction en français des clauses fiscales, ainsi que de nombreux éléments complémentaires établissant la taxation effective des loyers à la TVA allemande, le Tribunal a malgré tout jugé :

– que les déclarations de chiffre d’affaires rédigées en allemand non traduites et issues d’une extraction de logiciel de gestion interne de l’entreprise seraient dépourvues de valeur probante ;

– et que les baux, conclus antérieurement à l’acquisition des immeubles, mentionnent  le nom d’un bailleur qui n’est pas la requérante celle-ci ayant, par hypothèse, repris ces baux en cours d’exécution (comme en droit français…) et ne permettraient pas de prouver que la requérante a « effectivement opté » pour la taxation des loyers.

Que les opérateurs se voient contraints de justifier leurs droits à déduction est indiscutable, mais un tel niveau d’exigence les prive, en pratique, de leurs droits.

La Cour de Justice ne cesse de rappeler la primauté du principe de neutralité en matière de TVA sauf cas de fraude ou d’évasion fiscale, ce qui n’est manifestement pas le cas dans l’affaire portée devant le Tribunal administratif (voir par exemple CJUE 10 juillet 2008 C-25/07 n°14 et suivants ou CJUE 11 janvier 2024 C-537/22 n°31 et suivants).

L’intransigeance actuelle pourrait finir par dissuader les investisseurs de s’établir en France lorsque leurs actifs ne s’y situent pas. Nous suivrons donc avec intérêt les décisions qui seront rendues en appel et espérons que l’administration fiscale adoptera une attitude plus constructive par exemple en donnant dans sa doctrine des indications sur les éléments de justification susceptibles de justifier le bien-fondé du droit à déduction et, pourquoi pas, en déclenchant par elle-même un échange avec les autorités fiscales concernées si l’assujetti de bonne foi peine à réunir les éléments de preuve exigés.


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