La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Les conditions suspensives à l’épreuve du droit fiscal

Publié le 22 mars 2024 à 8h00

CMS Francis Lefebvre Avocats    Temps de lecture 4 minutes

Le Code civil accorde une place toute particulière aux obligations conditionnelles. Parmi ces obligations, les conditions suspensives sont bien connues des praticiens et souvent âprement négociées dans le cadre des opérations de cession de droits sociaux ou d’entreprise.

Par Renaud Grob, avocat associé en fiscalité. Il assiste au quotidien les entreprises sur les problématiques d’impôts directs : IS, intégration fiscale, fiscalité des dividendes, sous-capitalisation, conventions fiscales, crédits d’impôts. Et Aliénor Fevre, avocat counsel en droit commercial. Elle a développé une expertise particulière en droit commercial international et en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. alienor.fevre@cms-fl.com

Aux termes de l’article 1304 du Code civil « la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple ».  De cette condition dépend donc, sinon la naissance de l’obligation, du moins son effectivité.

La condition suspensive peut soit défaillir, soit se réaliser.

En cas de défaillance, l’obligation conditionnelle est censée n’avoir jamais existé.

En cas de réalisation, l’obligation conditionnelle devient pure et simple. Depuis l’entrée en vigueur en 2016 de l’article 1304-6 du Code civil, le principe est que le contrat devient parfait à la date de réalisation de la condition suspensive et non plus nécessairement de manière rétroactive, à sa date de conclusion. Les parties restent néanmoins libres de gérer les effets de la réalisation de la condition suspensive et de prévoir une rétroactivité pour tout ou partie des actes accomplis avant cette réalisation.

Le droit fiscal a de son côté toujours considéré que le fait générateur d’imposition intervient à la date de réalisation de la condition suspensive, sans rétroagir à la date de conclusion du contrat. Ainsi, l’article 676 alinéa 1er du CGI prévoit, en matière de droits d’enregistrement, qu’« en ce qui concerne les mutations et conventions affectées d’une condition suspensive, le régime fiscal applicable et les valeurs imposables sont déterminées en se plaçant à la date de la réalisation de la condition ». L’article 74 SA de l’annexe II au CGI retient le même principe en matière de plus-value.

Au plan civil, il est en principe nécessaire que l’évènement constitutif de la condition soit futur et incertain mais également indépendant de la volonté du débiteur. Cette dernière caractéristique fait écho à la notion de condition potestative et à l’article 1304-2 du Code civil, étant précisé qu’il est aujourd’hui admis que la condition purement potestative de la part du créancier est valable et que seule la condition purement potestative dépendant d’une manifestation arbitraire de la volonté du débiteur est nulle.

Au plan fiscal, l’effet de « retardement » du fait générateur d’imposition suppose l’existence d’une véritable condition et que celle-ci soit réellement suspensive. Le juge de l’impôt ne s’en tient pas ici aux qualifications retenues par les parties et tranche d’après ce qu’il identifie comme leur intention réelle.

La Cour de cassation a ainsi eu à examiner la cession par un expert-comptable de son cabinet moyennant une indemnité de clientèle basée sur les honoraires passés. La convention contenait une clause, intitulée « condition suspensive », prévoyant que le contrat ne deviendrait définitif qu’à la date de détermination définitive du prix, à l›issue d›une période de garantie, en fonction des clients conservés par l›acquéreur. Ce dernier avait cru pouvoir reporter le paiement du droit proportionnel de mutation de clientèle. La Cour a jugé que la clause s’analysait en une clause de révision de prix et non en une condition suspensive, de sorte que ce droit était immédiatement exigible (C.Cass, 27-06-1995, n°1374).

De même, le Conseil d’Etat a jugé que le fait que le prix ait été payé et le transfert des titres effectué dès la passation du contrat révèle que la clause, qualifiée de « condition suspensive » par les parties, selon laquelle le cédant garantissait à l’acquéreur pour les exercices suivants un certain niveau de bénéfices, faute de quoi l’acquéreur pouvait demander la « non-réalisation » de la transaction, s’analysait en une condition résolutoire (CE 30-11-1990 n° 80567). Par suite, la plus-value était immédiatement imposable.

Le praticien doit donc prêter une attention particulière aux évènements érigés en conditions suspensives et être vigilant quant aux effets donnés à leur réalisation.


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