Deuxième confinement, deuxième récession ?

Publié le 30 octobre 2020 à 17h17

Philippe Brossard

La recrudescence de l’épidémie de coronavirus en Europe occidentale cet automne a provoqué le retour à des mesures de confinement, notamment en France, qui se rapprochent de celles imposées au printemps. Faut-il en attendre un choc économique mondial synchronisé équivalent à celui du printemps ? Il est probable que non, pour trois raisons : tous les pays ne sont pas affectés de façon similaire ni ne mettent en place des protocoles de crise aussi sévères ; les politiques macroéconomiques de relance budgétaires et monétaires n’ont pas eu encore leur plein effet et elles vont être encore augmentées ; les perspectives d’une vaccination se rapprochent et permettent d’envisager un second semestre 2021 plus serein.

Notons d’abord que la Chine ne semble plus concernée par cette crise sanitaire (réalité ou posture ?), et que les Etats-Unis n’ont jamais vraiment cherché à en enrayer la progression nationale, s’inscrivant de fait dans une approche «à la suédoise». Suivant une progression quasi linéaire depuis avril, ils atteignent désormais un bilan de décès lié au coronavirus de 700 décès cumulés depuis mars par million d’habitants, proche de celui du Royaume-Uni (750) et bien supérieur à celui de la France (534). Pourtant, la mobilisation politique a été différente et l’urgence d’un confinement total n’est pas apparue. Changera-t-elle avec les élections du 3 novembre ? Biden et les démocrates penchent pour une politique à l’européenne. Mais, comme au printemps, les gouverneurs des Etats devraient avoir le dernier mot et seuls 11 d’entre eux, sur 50, seront renouvelés le 3 novembre. De ce fait, les deux principales économies mondiales (40 % du PIB total) se sont désynchronisées de l’Europe (20 % du PIB mondial). Le PIB chinois était, fin septembre, 3 % supérieur à son niveau de fin 2019, celui des Etats-Unis à seulement - 3 % en dessous, quand la zone euro était à - 7 % et la France à - 5 %, malgré un rebond très vigoureux au troisième trimestre. 

Alors qu’en Chine et aux Etats-Unis, aucune tendance au ralentissement ne s’est mise en place au début du quatrième trimestre, en zone euro l’économie fléchit depuis septembre, surtout dans les services. Les mesures qui viennent d’être annoncées en France pourraient entraîner un recul trimestriel du PIB de l’ordre de 3 à 5 %. Sur le plan mondial donc, l’activité continuerait de progresser de l’ordre de 8 % annualisés au quatrième trimestre, malgré un recul européen.

En deuxième lieu, les mesures budgétaires et monétaires, accompagnées d’un desserrement probable des confinements européens début 2021, devraient permettre un rebond au premier semestre. La BCE va accroître son plan d’achat d’actifs, ce qui devrait augmenter d’autant les marges de manœuvre budgétaires en France, en Italie et en Espagne, et soutenir la solvabilité des banques et des entreprises non financières. Les programmes budgétaires européens (nationaux et supranationaux), qui avaient tendance à s’enliser depuis l’été, vont être relancés. Les Etats-Unis, passé les élections, vont voter un plan de relance de plus de 2 000 milliards de dollars, presque 10 % du PIB, et conserver des taux d’intérêt nuls, alors même que l’inflation revient vers 2 % : la politique monétaire sera encore plus efficace en 2021, les taux d’intérêt réels baissant.

Enfin, la nature de l’épidémie pourrait être transformée au second semestre 2021 par la diffusion de vaccins et/ou de protocoles de soins plus efficaces. Dès lors, la priorité donnée au principe de précaution sur les libertés traditionnelles de réunion et de déplacement devrait prendre fin. Les excédents d’épargne constitués depuis mars 2020, renforcés sans doute encore au quatrième trimestre en Europe, pourront être plus largement dépensés et créer les conditions d’une forte reprise, dont les effets de base s’étendront sur l’année 2022. Pour la France, par exemple, l’évolution en moyenne annuelle du PIB serait de - 9,5 % en 2020, suivie de + 6,5% en 2021 et + 5% en 2022. Le niveau d’activité de fin 2019 serait rejoint en décembre 2021.

Une fois digérées les mauvaises nouvelles du quatrième trimestre 2021, les marchés boursiers européens devraient à nouveau se focaliser sur les perspectives de reprise en 2021 et 2022, et réduire l’écart considérable accumulé vis-à-vis du marché américain.

Philippe Brossard Chef économiste ,  AG2R

Philippe Brossard est le chef économiste d'AG2R La Mondiale.

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