La communication sur les dépréciations est-elle valorisée par les marchés financiers ?

Publié le 23 mai 2014 à 16h00    Mis à jour le 23 mai 2014 à 17h52

Jean-François Casta, Luc Paugam et Olivier Ramond

Par Jean-François Casta (Université Paris-Dauphine), Luc Paugam (Essec Business School) et Olivier Ramond (Université Paris-Est)

L’incidence de la communication financière d’une société cotée sur son coût des capitaux propres (ou coût du capital) a fait l’objet de nombreuses publications au cours des dix dernières années. La recherche académique accorde une attention toute particulière à cette relation dans la mesure où l’identification et la compréhension des déterminants du coût du capital sont susceptibles d’intéresser l’ensemble des opérateurs de marché – investisseurs, dirigeants ou encore analystes financiers. Les travaux théoriques justifiant une association négative entre coût du capital et communication financière sont composés de deux catégories :

- (1) les travaux analysant le lien entre la réduction de l’incertitude sur les flux de trésorerie futurs et le coût du capital et

- (2) les études de l’incidence de la qualité de l’information financière sur la liquidité des titres.

Pour valider les propositions issues de ces travaux théoriques, les études empiriques ont utilisé des indices généraux de communication volontaire – c’est-à-dire des mesures de l’activité de diffusion d’information non contrainte par le régulateur – et ont testé leur association statistique avec différentes mesures du coût du capital.Une étude récente propose un design empirique alternatif fondé sur la communication spécifique des sociétés cotées en norme IAS 36. En effet, au sein du corpus international, la norme IAS 36 gouverne les procédures de test de suivi de valeur (impairment test) et les pratiques de communication financière relatives aux tests de pertes de valeur de la quasi-totalité des actifs présentés dans les états financiers des sociétés non financières (par exemple les immobilisations incorporelles comme le goodwill, les marques et les brevets ; les immobilisations corporelles telles que les immeubles et les équipements industriels ; certains actifs financiers comme les titres de participation non consolidés).

L’intérêt de l’étude de l’information relative aux tests de dépréciation est double :

- (1) Les préparateurs produisent de l’information prospective traitant de sujets d’évaluation d’actifs ou de groupes d’actifs directement susceptibles d’altérer l’incertitude sur les flux de trésorerie futurs (par exemple en communiquant des prévisions du management sur ces flux, les taux d’actualisation traduisant divers niveaux de risque, ou l’analyse des segments d’activité).

- (2) L’application concrète des tests de dépréciation et leur vérification par l’auditeur confèrent de facto une discrétion très importante au préparateur des comptes quant au degré de granularité de l’information transmise. Il en résulte, en pratique, une hétérogénéité forte quant à la communication sur le test de dépréciation pratiquée par les sociétés cotées et un lien direct avec la notion d’incertitude sur les flux futurs développée dans les modèles théoriques.

En vue de tester les prédictions théoriques précédemment évoquées, les politiques de communication en matière de tests de dépréciation des sociétés cotées françaises non financières de l’indice SBF120 sont étudiées par les auteurs au cours de la période 2006-2008 grâce à la construction d’un indice synthétique reprenant plus de 30 éléments informatifs demandés par la norme IAS 36.

Le marché français se prête bien à une telle étude car les pratiques des sociétés françaises en la matière présentent une disparité importante comme le renseignent plusieurs études professionnelles. Cette disparité ne trouve pas son origine dans la présence d’adopteurs précoces des IFRS qui auraient pu bénéficier d’un effet d’apprentissage. Cette disparité est la conséquence de choix du management. Grâce à cet indicateur original de qualité de l’information financière, l’étude met en évidence une relation négative entre le coût du capital et la communication réalisée par les sociétés au sujet des tests de dépréciation. En outre, conformément à la théorie de l’incertitude sur les flux futurs, les auteurs mettent en évidence une association négative entre information prospective et coût du capital, alors qu’une telle relation n’existe pas pour l’information descriptive.

L’étude suggère ainsi que les éléments prospectifs de la communication financière, produits dans le cadre des procédures de tests de dépréciation notamment, jouent un rôle central dans la réduction des risques perçus par les investisseurs. Ce dernier résultat pourrait inciter certaines sociétés cotées à reconsidérer les arbitrages coûts-bénéfices de leur politique de communication en divulguant des informations plus stratégiques en vue de bénéficier d’une meilleure valorisation par les marchés financiers.

Jean-François Casta, Luc Paugam et Olivier Ramond

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