L’IA et les infrastructures redonnent un second souffle au secteur mondial de la construction en difficulté

Publié le 31 octobre 2025 à 12h04

Ano Kuhanathan    Temps de lecture 5 minutes

L’IA générative est devenue un moteur structurel de la construction. En effet, l’essor mondial de l’IA alimente depuis plusieurs années une frénésie pour les centres de données. Rien qu’aux Etats-Unis, 6,4 GW de capacité de centres de données étaient en construction à la fin de 2024, soit le double du niveau de 2023. Cela représentait à lui seul environ 74 milliards de dollars de dépenses de construction (hors foncier, équipements, logiciels, etc.). Autre exemple, le pipeline de la région EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) a bondi de 43 % en glissement annuel pour atteindre près de 14 GW en cours de planification à la mi-2025 (soit l’équivalent d’environ 170 milliards d’euros de dépenses de construction), et les capacités de la Chine devraient doubler, passant de 4,3 GW en 2025 à plus de 8 GW d’ici 2030, ce qui représente 40 milliards de dollars supplémentaires de dépenses de construction.

Dans un secteur américain de la construction résidentielle en difficulté, l’IA et les infrastructures font office de support. Au cours des deux dernières années, les Etats-Unis ont dépensé en moyenne 2,4 milliards de dollars par mois dans la construction de réseaux de communication, soit une augmentation de 25 % par rapport aux deux années précédant la sortie de ChatGPT. A l’horizon 2026, ce rythme ne devrait pas ralentir, compte tenu de l’engouement continu pour l’IA. Cependant, la construction résidentielle est freinée par l’accessibilité financière : avec des taux d’intérêt toujours élevés, à près de 6 %, les permis de construire ont baissé de 11 % au cours des douze derniers mois par rapport à l’année précédente. Après être tombé en dessous de 1,5 million en 2025, le nombre de logements achevés pourrait remonter à 1,5-1,6 million d’unités par an d’ici 2026, mais ne dépassera pas le record de 2024. Dans l’ensemble, la politique d’immigration restrictive pèse également sur le secteur aux Etats-Unis, car la pénurie de main-d’œuvre reste grave et fait grimper les salaires.

«La production dans le secteur des infrastructures a été le stabilisateur de l’Europe, mais la croissance pourrait ralentir pour s’établir à 1-2 % par an d’ici 2026-2027, en raison des contraintes budgétaires des gouvernements.»

Dans le même temps, le marché immobilier européen devrait se stabiliser, après un ralentissement entre 2022 et 2024, alors que certains pays, comme la Suède, pourraient même connaître un rebond. Toutefois, la croissance de la production dans le secteur de la construction non résidentielle est atone dans la région et devrait rester inférieure à 2 % en termes annuels, même si la logistique et la rénovation des immeubles commerciaux sont favorables. La production dans le secteur des infrastructures a été le stabilisateur de l’Europe, mais la croissance pourrait ralentir pour s’établir à 1-2 % par an d’ici 2026-2027, en raison des contraintes budgétaires des gouvernements. L’Allemagne pourrait toutefois connaître une dynamique plus forte en 2026, grâce à son fonds spécial de 500 milliards d’euros destiné à la défense et aux infrastructures. Quant à la France, qui a connu un boom en 2021 comme l’Italie grâce à des mesures incitatives, elle a pour sa part enregistré un ralentissement significatif. D’ici 2026, la production de logements pourrait encore légèrement diminuer ou simplement se stabiliser, alors que la livraison de logements devrait diminuer de 3 % en 2026 par rapport à 2025.

En Chine, le plan d’action en matière d’infrastructures pourrait s’avérer insuffisant pour compenser la crise persistante de l’immobilier résidentiel. Le ralentissement du marché immobilier demeure un frein, la construction résidentielle devant rester stable ou se contracter jusqu’en 2025. Comme pour les autres régions, la croissance de la construction est plutôt tirée par les infrastructures : les collectivités locales ont émis des obligations records pour soutenir l’expansion des réseaux ferroviaires à grande vitesse et des métros, mais la croissance de ses dépenses s’est modérée. Pékin donne la priorité aux grandes infrastructures depuis 2023, en commençant par les routes (2 800 milliards de yuans en 2023), puis les énergies renouvelables (1 100 milliards de dollars en 2024). Jusqu’à présent, en 2025, la construction ferroviaire a été le segment qui a connu la croissance la plus rapide. Dans l’ensemble, la production chinoise dans le secteur de la construction devrait augmenter de 3,2 % en 2025 et d’environ 3,5 % par an entre 2026 et 2027, ce qui est bien inférieur aux taux à deux chiffres enregistrés par le passé, mais reste tout de même considérable.

Dans ce contexte, les coûts des intrants et les taux d’intérêt toujours élevés mettent à l’épreuve les entreprises du monde entier. En effet, les prix des intrants dans le secteur de la construction aux Etats-Unis ont augmenté de 2,3 % en glissement annuel en août 2025, et les métaux et le béton restent 40 % au-dessus des niveaux de 2020. En Europe, les faillites dans le secteur de la construction ont augmenté de plus de 10 % sur des marchés tels que la France (+ 10 %) et la Belgique (+ 12 %). Les petits promoteurs et sous-traitants sont les plus exposés, tandis que les grandes entreprises du bâtiment se tournent vers les projets d’infrastructure et industriels et se diversifient dans les centres de données. En France, cette tendance semble perdurer : nous nous attendons à un nouveau record de défaillances d’entreprises pour 2025 pour la quatrième année consécutive. Nous prévoyons également un nombre élevé de cas pendant une période prolongée en 2026, en raison de la faiblesse persistante de la croissance économique, qui ne s’accélère que légèrement, et du soulagement limité apporté par la politique monétaire.

Ano Kuhanathan Responsable de la recherche sectorielle ,  Allianz Trade

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