Blog de Michel Martinez

Surmonter la tempête du Covid-19

Publié le 3 avril 2020 à 17h51

Michel Martinez

Les mesures de confinement se répandent à travers le monde et leur impact économique sera majeur. Selon nos dernières prévisions, la croissance du PIB ne serait que de 2,9 % en Chine cette année contre 6,1 % l’an dernier. Des baisses du PIB sont attendues aux Etats-Unis (-1,5 %), dans la zone euro et en France (-6,1 %).

Les chutes instantanées d’activité promettent d’être sans précédent. Selon l’Insee, les données d’enquêtes, les remontées des branches sectorielles ou bien les données à haute fréquence («big data»), relatives à la mobilité, aux transactions bancaires, etc., indiquent que l’activité économique baisserait de 35 % pendant une semaine de confinement. En fonction de ce que l’on observe en Asie, des indications des experts et des autorités publiques, on peut faire l’hypothèse que le confinement durera de 6 à 8 semaines dans les pays européens et que le retour à la normale prendra environ six semaines supplémentaires (à condition que la population se sente suffisamment en sécurité pour travailler et consommer). Avec de telles hypothèses, de fortes contractions du PIB se produiront aux premier et deuxième trimestres en France : respectivement de l’ordre de -5 % t/t et -11 % t/t. Du jamais-vu. 

Néanmoins, nous nous attendons à une reprise au second semestre. Les autorités publiques européennes ont pris des mesures rapides et agressives. La première priorité est évidemment de répondre aux besoins urgents du système de santé et de préparer la sortie du confinement. La seconde consiste à maintenir à flot les entreprises et les salariés, limitant ainsi les destructions de l’appareil productif dans les prochaines semaines. C’est tout l’enjeu des mesures de chômage partiel (qui concerne aujourd’hui un cinquième de l’emploi dans le secteur privé en France), des aides mensuelles aux indépendants et des garanties d’Etat pour l’obtention de crédits de trésorerie. A ce stade, nous pensons que ces mesures sont à l’échelle du choc, même si les risques d’implémentation demeurent. D’autres mesures de stimulus budgétaire et des recapitalisations ciblées seront vraisemblablement annoncées dans les prochains mois. Selon nos estimations, les pays de la zone euro sortiront de la crise du coronavirus avec des ratios d’endettement supérieurs de 5 à 10 pp de PIB. C’est une hausse significative, mais largement inférieure à la hausse observée durant la crise financière de 2008 (de l’ordre de 20 à 40 pp). En tout état de cause, l’absence d’action d’envergure aurait entraîné la faillite de pans entiers de l’économie et se serait révélée in fine beaucoup plus coûteuse.

La Banque centrale européenne n’a pas lésiné sur les moyens. Son programme d’achat de titres obligataires et monétaires devrait permettre de fournir des liquidités aux grandes entreprises et aux États souverains, même si ceux-ci auront des besoins de financement records. Une crise de la dette en zone euro apparaît ainsi comme un risque très faible dans les prochains mois. La BCE a aussi assoupli la régulation bancaire et lancé des opérations de refinancement à long terme de manière à ce que les banques continuent à fournir du crédit aux entreprises et aux ménages.

Une partie des pertes enregistrées au premier semestre sera probablement récupérée au second semestre, probablement de l’ordre de 30 %. On pense notamment à certaines activités manufacturières et au secteur de la construction. Cependant, les activités de services ne récupéreront que peu du terrain perdu (aviation, tourisme, restauration). Cela nous pousse à envisager un fort rebond de la croissance en 2021 : +8 % en France, essentiellement du fait des effets de base. 

Compte tenu du profil économique infra-annuel, qui s’annonce chaotique, il apparaît plus pertinent de regarder à la perte cumulée de production sur la période 2020-2021 que nous estimons à 3,5 % par rapport à notre scénario pré-COVID-19. A noter qu’une partie de cette perte de production sera permanente, ce que les économistes appellent «effets de second tour». Avec l’augmentation du chômage, les ménages maintiendront probablement durablement leur épargne de précaution à un niveau élevé. Les entreprises devront reconstituer leur coussin de trésorerie, verront leur taux d’endettement augmenter, ce qui entravera leur capacité à investir et à embaucher. Des défauts sont inévitables. Cette perte de production permanente, que nous estimons aujourd’hui à 1-2 pp de PIB, limitera inévitablement les futurs choix collectifs en matière de dépense publique. 

Michel Martinez Chef économiste Europe ,  Société Générale Corporate & Investment Banking

Michel Martinez est chef économiste Europe, Société Générale Corporate & Investment Banking

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