Un FMI pessimiste pour 2019 : à contretemps?

Publié le 26 avril 2019 à 16h26

Philippe Brossard

Le FMI a publié il y a quelques jours, sous le titre «Croissance ralentie, reprise précaire» des prévisions révisées pour 2019 dominées par le pessimisme, avec notamment une croissance mondiale 2019 en baisse de 0,6 point par rapport à celle d’avril 2018 (3,3 % contre 3,9 %). Ce pessimisme semble arriver à contretemps, alors que les données récentes sont mieux orientées.

Ce contretemps a deux causes : 1/ le délai de production des prévisions du FMI ; 2/ la focalisation des prévisions et des commentaires sur la moyenne annuelle du PIB, qui ne semble pas être la meilleure mesure de la conjoncture.

Pour ce qui est des délais de production, le FMI met environ trois mois à fabriquer son jeu complet de prévisions, avec de nombreuses équipes et des négociations politiques avec les pays étudiés. Elles sont issues d’un processus itératif d’intégration des prévisions pays par pays dans la prévision mondiale et de la prévision mondiale dans les prévisions par pays. Les éléments conjoncturels des trois ou quatre semaines précédant la publication ne peuvent matériellement plus être pris en compte, vu les délais de validation interne, de traduction et de publication. Si pendant ces quelques semaines, les données changent de cap, il est trop tard pour que le FMI s’ajuste. Cela semble être le cas aujourd’hui : les enquêtes IFO et Insee, la production industrielle de février pour la France et l’Allemagne, et surtout la révision en hausse de la production allemande de janvier, ont en effet en deux semaines changé l’impression d’une chute sans fin de la zone euro qui dominait jusqu’à début mars. Aux Etats-Unis de même, la Fed d’Atlanta estimait dans son nowcast que la croissance au 1er trimestre était très proche de 0, du fait d’une consommation faible. Depuis, les indicateurs ont signalé un investissement, des stocks et un commerce extérieur favorables, qui lui ont permis de remonter graduellement son estimation à 2,3 % au moment de la publication du rapport du FMI.

Venons-en au second point, celui de la moyenne annuelle. Cette façon de mesurer la croissance du PIB est la plus traditionnelle et reste largement suffisante pour les analyses historiques. Mais pour le diagnostic conjoncturel et la prévision à court terme, elle pourrait conduire à des conclusions erronées. Elle souffre d’une certaine inertie et dépend de la fin de l’année précédente. Elle risque ainsi de raconter l’histoire de l’année dernière plutôt que celle de l’année en cours. Les prévisions de croissance du FMI pour la zone euro en 2019 (1,3 %), et en particulier l’Allemagne (0,8 %), peuvent paraître très basses. Mais elles reflètent l’effet d’acquis très faible de la fin 2018. Quand bien même (pure hypothèse) l’Allemagne bénéficierait d’une croissance trimestrielle de 0,5 % (c’est-à-dire 2 % en taux annualisé) pendant chacun des quatre trimestres de 2019, sa moyenne annuelle ne serait que de 1,3 %. Si la croissance était de 0,4 % chaque trimestre (1,6 % annualisé, ce qui paraît désormais un ordre de grandeur réaliste), la moyenne annuelle ne serait que de 1 %. Pour le diagnostic conjoncturel, il vaudrait mieux donc s’en tenir aux variations trimestrielles du PIB, éventuellement annualisées (approximativement multipliées par quatre), comme on le pratique aux Etats-Unis. Ce chiffre est publié, dans une version préliminaire, environ 30 jours après la fin du trimestre en France ou aux Etats-Unis. Cela peut paraître encore trop tard aux yeux des marchés financiers ou des pilotes de la politique économique, qui scrutent les retournements conjoncturels pour agir au plus vite. D’où l’idée de produire des estimations du PIB en cours de trimestre, au gré des statistiques mensuelles ou hebdomadaires. On peut noter deux variétés de ces estimations : 1/ les nowcasts, développés aux Etats-Unis, estimation de la croissance du trimestre actuel (now), néologisme dérivé de forecast, estimation du futur (fore) ; et 2/ les PIB mensuels. Le Canada produit depuis longtemps un PIB mensuel ; le Royaume-Uni depuis mai 2018. Les nowcasts américains pour le 1e trimestre sont actuellement entre 2 et 2,5 %. Les PIB mensuels du Royaume-Uni (connus jusqu’en février) suggèrent une croissance de l’ordre de 1 à 1,5 %. Un nowcast officiel de la zone euro fait défaut : mais nous l’évaluons à environ 1,5 % annualisé. Rien de désespérant : d’autant moins que les taux d’épargne semblent avoir significativement augmenté (notamment en France et aux Etats-Unis) et qu’il existe ainsi de fortes réserves pour une reprise de la consommation au 2e trimestre.

Philippe Brossard Chef économiste ,  AG2R

Philippe Brossard est le chef économiste d'AG2R La Mondiale.

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