Performances ESG : l’influence positive des femmes dans les conseils

Publié le 28 mai 2021 à 18h11

Edith Ginglinger

La loi Copé-Zimmerman de 2011 introduisant des quotas de femmes a entraîné une modification en profondeur de la composition des conseils d’administration des sociétés françaises. L’impact des quotas sur les performances des entreprises est plus délicat à apprécier. Dans un article récent (1), nous montrons qu’à la suite de la mise en œuvre des quotas, les performances environnementales et sociales (E&S) des entreprises concernées, mesurées par les notes ESG d’Asset 4 (Refinitiv) ou de Vigeo-Eiris, ont été significativement améliorées (+ 12 % en moyenne). 

Pour obtenir ce résultat, nous comparons les performances E&S des entreprises françaises soumises à la loi des quotas à des entreprises non concernées. Dans la mesure où plusieurs pays européens ont également légiféré sur la question des femmes dans les conseils d’administration, nous avons choisi de comparer les entreprises françaises à des entreprises américaines de caractéristiques proches (même taille, même secteur et performances E&S comparables avant 2011). En effet, ce n’est qu’en 2018 qu’un Etat américain, la Californie, a introduit des quotas de femmes dans les conseils. Nous comparons également les entreprises françaises à des entreprises qui étaient cotées à Paris avant la loi sur les quotas, mais qui, ayant leur siège social hors de France, n’étaient pas concernées par la loi Copé-Zimmerman. 

Lorsque la nomination de femmes administratrices relève uniquement de la volonté de l’entreprise, il est difficile de montrer le lien de causalité entre la part des femmes dans les conseils et les politiques E&S parce que les entreprises les plus responsables sont susceptibles de nommer plus d’administratrices. L’utilisation de la loi sur les quotas nous permet de mesurer l’impact d’une augmentation de femmes dans les conseils d’administration qui est imposée aux entreprises. Nos résultats montrent que les femmes administratrices jouent un rôle significatif dans l’accroissement des performances E&S des entreprises. Il s’agit d’un enjeu majeur pour les investisseurs dans les années à venir, comme le montre l’augmentation continue de ceux qui adhèrent aux principes d’investissement responsable (PRI). Au nombre de 203 en 2010, ils étaient 3 038 en décembre 2020.

Nous explorons ensuite les raisons pour lesquelles les femmes administratrices sont susceptibles d’avoir un effet positif sur les performances E&S. En premier lieu, nous nous attachons à la structure des conseils d’administration. A la suite des quotas, nous observons que le nombre de comités E&S (2) a doublé, et que ces comités sont de surcroît très fréquemment présidés par une femme et composés d’une majorité de femmes. Mais ils ne sont pas les seuls leviers de l’augmentation des performances E&S. Les quotas ont en effet amené les femmes à être également plus présentes dans les comités traditionnels, d’audit et de nomination en particulier, et de les présider plus fréquemment. Or ces comités ont un rôle majeur en termes de performances E&S. Le comité d’audit supervise la divulgation et le contrôle des informations E&S, tandis que le comité de nomination veille aux compétences E&S des administrateurs. Si les femmes sont plus orientées vers des politiques E&S, elles ont ainsi plus de pouvoir pour les mettre en œuvre.

Pour finir, nous essayons de mettre en évidence des caractéristiques objectives des femmes administratrices qui pourraient expliquer leur plus grande orientation vers des politiques E&S. Nous montrons que les femmes ont plus d’expériences dans des domaines plus liés à l’humain (médical, éducation, ressources humaines) et sont plus recrutées en dehors des réseaux traditionnels (notamment les réseaux des grandes écoles françaises). Pour autant, nos résultats ne semblent pas découler seulement de ces caractéristiques. L’effet des femmes dans les conseils persiste même en dehors de ces caractéristiques. Nous en concluons que les femmes administratrices ont des qualités intrinsèques, des expériences et des préférences sociales uniques qui, associées à un pouvoir accru après la loi sur les quotas, leur permettent de promouvoir plus largement les priorités E&S dans les entreprises. 

1. Ginglinger E. et Raskopf C., 2021, Women directors and E&S performance : Evidence from board gender quotas, Document de recherche. SSRN.

2. Ces comités ont des dénominations variables, ESG, RSE, développement durable...

Edith Ginglinger Professeur ,  Université Paris-Dauphine

Edith Ginglinger est professeur à l’Université Paris-Dauphine

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