Déduction fiscale des frais financiers intragroupe : qu’est-ce qu’un taux de marché ?

Publié le 26 avril 2019 à 10h59

Laurent Olléon

L’article 212 du CGI limite la déductibilité fiscale des intérêts sur les emprunts intragroupe au taux d’intérêt légal (1,4 % environ) ou, s’il est supérieur, au taux que l’emprunteuse «aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues». Le Conseil d’Etat vient de fournir d’intéressants éclairages sur cette notion de «taux de marché»1.

Une entreprise avait rémunéré à un taux supérieur au taux légal des avances consenties par les sociétés de son groupe chargées de porter les dettes contractées auprès de la banque Barclays. Pour prouver que ce taux n’était pas supérieur à celui qu’elle aurait obtenu auprès d’un établissement financier indépendant, elle avait soutenu qu’il correspondait au taux prévu dans le contrat de financement du groupe auprès de la banque Barclays.

Le Conseil d’Etat réaffirme tout d’abord que c’est au regard des caractéristiques propres de l’emprunteuse et non de celles du groupe auquel elle appartient que doit être apprécié le taux auquel elle aurait pu s’endetter auprès d’établissements financiers indépendants. Il juge également que ce taux doit être établi emprunt par emprunt, en fonction des caractéristiques propres à chaque avance. 

Ensuite, alors que le fisc exige comme preuve du taux de marché la production d’une offre de prêt contemporaine du prêt intragroupe accordé, le Conseil d’Etat adopte un raisonnement qui fragilise cette approche. Il juge qu’il ne suffit pas, pour l’emprunteuse, d’affirmer qu’aucun établissement financier ne lui aurait jamais consenti aucun emprunt pour étayer le niveau des intérêts qu’elle a servis aux sociétés du groupe. Si la caractérisation de cette impossibilité ne suffit pas à établir le niveau du taux de marché, c’est qu’il y a un autre moyen de le faire, qui ne saurait, dans cette hypothèse, correspondre à une offre de prêt contemporaine de l’emprunt. Cette lecture rejoint le réalisme habituel du juge lorsqu’il s’agit de prouver le caractère normal d’un prix, et qu’il admet la reconstitution a posteriori.

Enfin, alors que le fisc considère que les «établissements ou organismes financiers» de l’article 212 du CGI sont nécessairement des banques, le Conseil d’Etat, en validant les motifs de l’arrêt attaqué, juge que les extraits de revues financières versés au dossier, qui présentent des moyennes de taux pratiqués pour des opérations de LBO, sont sans lien avec la situation propre de la société. Il aurait pu juger simplement que seules des données émanant d’établissements de crédit constituent des preuves recevables. En réservant la question, il n’exclut donc pas, à ce stade, que le taux de marché puisse être approché autrement.

1- CE 18 mars 2019, n° 411189, SNC Siblu.

Laurent Olléon

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